« Annette » de Carax : une fantomachie biographique

Abstract

ABSTRACTLe film de Leos Carax « Annette » projeté au festival de Cannes en 2021 n’a laissé personne indifférent : quelque chose d’important se disait à propos du cinéma et, en particulier, du cinéma français. Le fil conducteur de notre analyse du film est celui de l’auto-psychanalyse de l’auteur, Carax lui-même nous invitant à le faire. Il en sort un récit personnel tragique mais aussi un sur-moi caraxien de génie maudit du cinéma très médiatique que le film tente de mêler à une critique du show-biz en général. Légère, cette critique pourtant s’éclairer à la lumière des notions de régime de véridiction de Michel Foucault et de régime scopique selon Jay Martin. Une organisation du voir-vu et du montrant-montré hante autant la société que le cinéma dits postmodernes ; celui de Carax en particulier qui tente de l’énoncer-dénoncer comme Jean-Luc Godard en jouant de la métadiégétique. Cette hantologie ou fantomachie à la manière de Derrida ne parvient pourtant pas à une critique du spectacle qui ne serait pas un spectacle de la critique comme les conditions dans lesquelles le film a été fait et diffusé le montrent.ABSTRACTLeos Carax’s film ‘Annette’, screened at the Cannes Film Festival in 2021, left no one indifferent: something important was being said about cinema and, in particular, about French cinema. The thread running through our analysis of the film is that of the author’s self-psychoanalysis, with Carax himself inviting us to do so. What emerges is a tragic personal account, but also a Caraxian ego of a cursed genius of highly mediatised cinema, which the film attempts to mix with a critique of showbiz in general. This criticism is light, but it is illuminated by the notions of Michel Foucault’s regime of veridiction and Jay Martin’s scopic regime. An organisation of seeing-seen and showing-shown haunts both so-called postmodern society and cinema; that of Carax in particular, who tries to announce-denounce it like Jean-Luc Godard by playing with meta-diegetics. This hantology or fantomachy in the manner of Derrida does not, however, achieve a critique of the spectacle that is not a spectacle of critique, as the conditions in which the film was made and broadcast show. Déclaration de divulgationAucun conflit d’intérêts potentiel n’a été rapporté par l’auteur.Notes1. A ce sujet voir le concept « d’esthétique publicitaire » de Journot (Citation2005, 5).2. Carax dit : « Est-ce que je pouvais vraiment faire un film sur un si mauvais père, à ce moment-là de ma vie ?. Mais comme j’écoutais les chansons en boucle, ma fille a fini par les aimer autant que moi et à me poser des questions … » (Carax Citation2020, 8).3. Notons ici la possibilité d’un effet métadiégétique : le film « Annette » est un projet d’opéra rock, à l’origine, proposé par les musiciens du groupe Sparks. La paternité pourrait donc en être disputée avec le réalisateur qui met en scène ce conflit latent à travers la représentation du conflit Henry-chef d’orchestre.4. Paolo Campana donne une version plus « légère » de cette analyse quand il écrit : Il suo universo fatto d’incontri irrealizzabili e di « doppi » di se stesso in cui la dimensione delle rêverie e dell’invisibile domina sul reale (…). Son univers (Carax) est fait de rencontres irréalisables et de « doubles » de soi-même où la dimension des rêves et de l’invisible domine sur celle du réel (…) (Campana Citation2014, 290).5. Pour les développements sur les aspects schizophréniques qui en découlent dans le film précédent de Carax « Holy Motors » ; Sheldon Gaskell écrit notamment : « He is no longer « filmmaker » in the digital age but an organiser of computer files and code, a role that prods his schizophrenic dilemma of multiple intangible identities bonded to digital technologies ». Digital Schizophrenia and Technogenesis in Leos Carax « Holy Motors » (Citation2017, 11).