Sémantique du nom objectif

Q2 Arts and Humanities Acta Linguistica Hafniensia Pub Date : 2023-11-02 DOI:10.1080/03740463.2023.2249328
Marie Lammert, Hélène Vassiliadou
{"title":"Sémantique du nom <i>objectif</i>","authors":"Marie Lammert, Hélène Vassiliadou","doi":"10.1080/03740463.2023.2249328","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"RÉSUMÉCet article étudie les propriétés sémantiques et distributionnelles du nom objectif, tout en mettant au jour les difficultés rencontrées dans l’élaboration de typologies nominales et dans la manipulation des tests dédiés à leur justification. Objectif est un nom capsule, largement reconnu comme tel dans les recherches qui lui sont consacrées. Cette classe de noms relevant d’un mode de fonctionnement particulier, il n’en demeure pas moins que l’on peut attribuer une catégorie sémantique à objectif. Les tests distributionnels proposés dans la littérature peinent cependant à circonscrire l’ensemble de ses caractéristiques, dans la mesure où il présente des propriétés des noms d’objets mentaux et des noms de lieux.MOTS CLÉS: Typologie nominalenom d’objet mentalfinalitéprojection RemerciementsNous adressons tous nos remerciements à Francine Gerhard-Krait pour nos discussions stimulantes et son enrichissante relecture de notre travail, ainsi qu’a nos deux relecteurs anonymes.Disclosure statementNo potential conflict of interest was reported by the author(s).Notes1 Nous choisissons d’utiliser l’étiquette de nom capsule pour éviter les écueils que soulève celle de nom sous-spécifié qui peut, selon les auteurs, concerner le niveau sémantique, syntaxique et /ou discursif et informationnel.2 La question du domaine touché par la sous-spécification est cruciale : des noms « spécifiés » d’un point de vue sémantique peuvent en effet être employés comme noms capsules (constat, aveu, reproche, etc.) et des noms « non spécifiés » ou généraux d’un point de vue sémantique peuvent aussi jouer ce rôle (fait, action, etc.). Pour notre part, la sous-spécification concerne, comme pour Legallois, le domaine informationnel. Sur la distinction entre noms généraux (ou sommitaux) et noms sous-spécifiés, voir Gerhard-Krait (Citation2021) et Huyghe (Citation2021).3 Certaines (voir notamment les constructions 6 et 7) apparaissent comme absolument non spécifiques des noms capsules. Nous renvoyons à la littérature qui a déjà largement relevé ce point.4 Les autres classes distinguées par Schmid (Citation2000) sont ‘Factual’, ‘Linguistic’, ‘Modal’, ‘Eventive’ et ‘Circumstancial’.5 Les autres catégories concernent les modalités aléthique, épistémique, appréciative, axiologique, déontique et relative.6 Voir aussi la relation sémantico-logique de projection chez Flowerdew et Forest (Citation2015, 44) et les « noms locatifs » qui expriment un lieu orienté que l’on cherche à atteindre chez Gross et Prandi (Citation2004).7 Nous n’exposerons pas ici en détail la démarche et l’analyse de Haas et al. (Citation2022). Précisons cependant que certains tests sont conjonctifs (marqués par ET), c’est-à-dire que le N doit satisfaire l’ensemble des constructions testées pour que le test soit positif, tandis que d’autres sont disjonctifs (marqués par OU), autrement dit le N doit satisfaire au moins l’une des tournures pour que le test soit positif.8 Dans une interprétation donnant les caractéristiques physiques d’un objectif et non ce qui constitue l’objectif (cf. 100 hectares est l’objectif à atteindre).9 L’accomplissement, la mise en exécution dont il est question, passe cependant par les actes impliqués par objectif et non par l’objectif lui-même.10 Il s’agit ici d’idéalités libres telles que opinion, croyance, idée. Les N d’idéalités pragmatiques sont quant à eux soumis à une modalité éthique et les N d’idéalités esthétiques à une modalité esthétique (Flaux et Stosic Citation2015).11 Il est utile de noter également que l’adjectif objectif (qui précède l’apparition du nom) appartient au vocabulaire scholastique signifiant « qui appartient à l’objet de la pensée » (DHLF Citation1998).12 Signalons que les tests d’agentivité classiques (cf. par exemple la présence d’un adjectif orienté vers l’agent, le complément d’agent en par et le lien morphologique avec un nom d’agent en –eur) ne peuvent pas s’appliquer sur des noms comme objectif, tout simplement parce qu’il s’agit d’un nom prédicatif autonome sans lien morphologique avec un verbe et par conséquent sans héritage verbal. L’agentivité (le rôle sémantique d’agent) n’est pas pour autant remise en cause, même dans les phrases avec un sujet syntaxique non humain (obtenues souvent par réductions structurales). La nécessité d’avoir un programme pour atteindre un objectif, qui émane d’un agent « doté de la liberté de poser un acte volontaire et conscient destiné à entraîner un résultat souhaité » (Gross et Prandi Citation2004, 149) en est la preuve. Néanmoins, objectif peut prendre aussi des lectures non directement agentives (mais présupposant des actions menées par des êtres humains).13 La manière dont la structure partitive est impliquée dans l’inscription temporelle d’objectif mérite d’être approfondie.14 Une interprétation intensive peut être associée à la lecture temporelle.15 Le but est vu comme un cas particulier de conséquence visée. Nazarenko (Citation2000, 123) rappelle la conception aristotélicienne de la cause qui distingue la cause efficiente et la cause finale, « le but en vue duquel on accomplit un acte ».16 Les verbes les plus typiques sont mis en évidence par Sketch Engine via le score de typicalité dit logDice indiquant le lien collocationnel entre objectif et les verbes avec lesquels il est utilisé en position d’objet. La distance d’avec le centre constitue le score de typicalité, la taille des cercles associés à chaque verbe donne des indications sur la fréquence de cette collocation.17 « [L]e but est un événement seulement potentiel, ce qui met en évidence la possibilité de continuer une phrase finale par mais : Paul a dit cela dans le but de convaincre mais il n’a pas réussi » (Gross et Prandi Citation2004, 154).18 On pourrait y ajouter immédiat, même si sa valeur temporelle tend à prendre le pas sur sa valeur spatiale.","PeriodicalId":35105,"journal":{"name":"Acta Linguistica Hafniensia","volume":"60 5","pages":"0"},"PeriodicalIF":0.0000,"publicationDate":"2023-11-02","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Acta Linguistica Hafniensia","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://doi.org/10.1080/03740463.2023.2249328","RegionNum":0,"RegionCategory":null,"ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"Q2","JCRName":"Arts and Humanities","Score":null,"Total":0}
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Abstract

RÉSUMÉCet article étudie les propriétés sémantiques et distributionnelles du nom objectif, tout en mettant au jour les difficultés rencontrées dans l’élaboration de typologies nominales et dans la manipulation des tests dédiés à leur justification. Objectif est un nom capsule, largement reconnu comme tel dans les recherches qui lui sont consacrées. Cette classe de noms relevant d’un mode de fonctionnement particulier, il n’en demeure pas moins que l’on peut attribuer une catégorie sémantique à objectif. Les tests distributionnels proposés dans la littérature peinent cependant à circonscrire l’ensemble de ses caractéristiques, dans la mesure où il présente des propriétés des noms d’objets mentaux et des noms de lieux.MOTS CLÉS: Typologie nominalenom d’objet mentalfinalitéprojection RemerciementsNous adressons tous nos remerciements à Francine Gerhard-Krait pour nos discussions stimulantes et son enrichissante relecture de notre travail, ainsi qu’a nos deux relecteurs anonymes.Disclosure statementNo potential conflict of interest was reported by the author(s).Notes1 Nous choisissons d’utiliser l’étiquette de nom capsule pour éviter les écueils que soulève celle de nom sous-spécifié qui peut, selon les auteurs, concerner le niveau sémantique, syntaxique et /ou discursif et informationnel.2 La question du domaine touché par la sous-spécification est cruciale : des noms « spécifiés » d’un point de vue sémantique peuvent en effet être employés comme noms capsules (constat, aveu, reproche, etc.) et des noms « non spécifiés » ou généraux d’un point de vue sémantique peuvent aussi jouer ce rôle (fait, action, etc.). Pour notre part, la sous-spécification concerne, comme pour Legallois, le domaine informationnel. Sur la distinction entre noms généraux (ou sommitaux) et noms sous-spécifiés, voir Gerhard-Krait (Citation2021) et Huyghe (Citation2021).3 Certaines (voir notamment les constructions 6 et 7) apparaissent comme absolument non spécifiques des noms capsules. Nous renvoyons à la littérature qui a déjà largement relevé ce point.4 Les autres classes distinguées par Schmid (Citation2000) sont ‘Factual’, ‘Linguistic’, ‘Modal’, ‘Eventive’ et ‘Circumstancial’.5 Les autres catégories concernent les modalités aléthique, épistémique, appréciative, axiologique, déontique et relative.6 Voir aussi la relation sémantico-logique de projection chez Flowerdew et Forest (Citation2015, 44) et les « noms locatifs » qui expriment un lieu orienté que l’on cherche à atteindre chez Gross et Prandi (Citation2004).7 Nous n’exposerons pas ici en détail la démarche et l’analyse de Haas et al. (Citation2022). Précisons cependant que certains tests sont conjonctifs (marqués par ET), c’est-à-dire que le N doit satisfaire l’ensemble des constructions testées pour que le test soit positif, tandis que d’autres sont disjonctifs (marqués par OU), autrement dit le N doit satisfaire au moins l’une des tournures pour que le test soit positif.8 Dans une interprétation donnant les caractéristiques physiques d’un objectif et non ce qui constitue l’objectif (cf. 100 hectares est l’objectif à atteindre).9 L’accomplissement, la mise en exécution dont il est question, passe cependant par les actes impliqués par objectif et non par l’objectif lui-même.10 Il s’agit ici d’idéalités libres telles que opinion, croyance, idée. Les N d’idéalités pragmatiques sont quant à eux soumis à une modalité éthique et les N d’idéalités esthétiques à une modalité esthétique (Flaux et Stosic Citation2015).11 Il est utile de noter également que l’adjectif objectif (qui précède l’apparition du nom) appartient au vocabulaire scholastique signifiant « qui appartient à l’objet de la pensée » (DHLF Citation1998).12 Signalons que les tests d’agentivité classiques (cf. par exemple la présence d’un adjectif orienté vers l’agent, le complément d’agent en par et le lien morphologique avec un nom d’agent en –eur) ne peuvent pas s’appliquer sur des noms comme objectif, tout simplement parce qu’il s’agit d’un nom prédicatif autonome sans lien morphologique avec un verbe et par conséquent sans héritage verbal. L’agentivité (le rôle sémantique d’agent) n’est pas pour autant remise en cause, même dans les phrases avec un sujet syntaxique non humain (obtenues souvent par réductions structurales). La nécessité d’avoir un programme pour atteindre un objectif, qui émane d’un agent « doté de la liberté de poser un acte volontaire et conscient destiné à entraîner un résultat souhaité » (Gross et Prandi Citation2004, 149) en est la preuve. Néanmoins, objectif peut prendre aussi des lectures non directement agentives (mais présupposant des actions menées par des êtres humains).13 La manière dont la structure partitive est impliquée dans l’inscription temporelle d’objectif mérite d’être approfondie.14 Une interprétation intensive peut être associée à la lecture temporelle.15 Le but est vu comme un cas particulier de conséquence visée. Nazarenko (Citation2000, 123) rappelle la conception aristotélicienne de la cause qui distingue la cause efficiente et la cause finale, « le but en vue duquel on accomplit un acte ».16 Les verbes les plus typiques sont mis en évidence par Sketch Engine via le score de typicalité dit logDice indiquant le lien collocationnel entre objectif et les verbes avec lesquels il est utilisé en position d’objet. La distance d’avec le centre constitue le score de typicalité, la taille des cercles associés à chaque verbe donne des indications sur la fréquence de cette collocation.17 « [L]e but est un événement seulement potentiel, ce qui met en évidence la possibilité de continuer une phrase finale par mais : Paul a dit cela dans le but de convaincre mais il n’a pas réussi » (Gross et Prandi Citation2004, 154).18 On pourrait y ajouter immédiat, même si sa valeur temporelle tend à prendre le pas sur sa valeur spatiale.
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客观名称的语义
Nazarenko(引文2000,123)回顾了亚里士多德的原因概念,该概念区分了有效原因和最终原因,即“执行行为的目的”Sketch Engine通过logDice的典型评分突出显示最典型的动词,logDice表示目标和在对象位置使用它的动词之间的排列链接。与中心的距离构成了典型评分,与每个动词相关的圆圈的大小表明了这种排列的频率。17“目标只是一个潜在的事件,这突出了通过but继续最后一句话的可能性:保罗说这句话是为了说服,但他没有成功”(Gross and Prandi Citation2004, 154)它可以是即时的,即使它的时间价值往往超过它的空间价值。
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Acta Linguistica Hafniensia
Acta Linguistica Hafniensia Arts and Humanities-Language and Linguistics
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