{"title":"Il était une fois… le Hirak au pays natal","authors":"Leïla Sebbar","doi":"10.1080/09639489.2022.2159352","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"Il écrirait une longue lettre à la femme qu’il aime, il la lancerait dans la foule au creux d’un drapeau algérien, rouge-vert-blanc, déployé sur la largeur du boulevard, des femmes avaient retrouvé le tissu secret et le bruit de la Singer à pédale. Ensemble, dans la chambre de couture et les rires joyeux de ce jour, semblable au jour de la libération du pays où on avait enveloppé, dans le drapeau national, la statue d’une jeune fille à cheval, on ne voyait plus sa cuirasse ni son habit de guerrière, elle ne portait pas de casque, seulement une coupe de jeune garçon et ses cheveux étaient blonds. Qui la connaissait ? Qui savait qu’elle avait défendu son pays, la France, contre l’occupant ennemi ? Qui savait son nom ? Sa statue serait un jour déboulonnée et rapatriée dans son village natal, « monument en exil » comme l’écrirait un natif de l’Algérie française. D’autres statues connaîtraient un sort semblable. Dans les rues, on entendait des chants patriotiques, hommes, femmes, garçons et filles chantaient. Les noms des femmes, héroïnes des maquis et de la Libération, criés d’un bout à l’autre des cortèges, résonnaient en un long ruban sonore dans le pays tout entier, depuis la côte jusqu’aux Hauts Plateaux à la limite du « Petit Désert », depuis les gorges du Rummel jusqu’au tombeau de l’étranger amoureux de Bou Saâda, il s’appelait Étienne, jusqu’à la célèbre Confrérie d’El-Hamel à Bou Saâda, désertée par le dernier héritier, il a traversé la mer, écrivain-voyageur, si loin qu’il ne reviendra pas dans la maison ancestrale, même s’il dit qu’il ne mourra pas en exil. Je veux rappeler et crier avec les femmes qui marchent dans les rues du pays natal les noms glorieux des femmes dans le Djebel en guerre, mortes ou vivantes :","PeriodicalId":44362,"journal":{"name":"Modern & Contemporary France","volume":"31 1","pages":"119 - 122"},"PeriodicalIF":0.3000,"publicationDate":"2023-01-02","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Modern & Contemporary France","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://doi.org/10.1080/09639489.2022.2159352","RegionNum":4,"RegionCategory":"历史学","ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"Q2","JCRName":"HISTORY","Score":null,"Total":0}
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Abstract
Il écrirait une longue lettre à la femme qu’il aime, il la lancerait dans la foule au creux d’un drapeau algérien, rouge-vert-blanc, déployé sur la largeur du boulevard, des femmes avaient retrouvé le tissu secret et le bruit de la Singer à pédale. Ensemble, dans la chambre de couture et les rires joyeux de ce jour, semblable au jour de la libération du pays où on avait enveloppé, dans le drapeau national, la statue d’une jeune fille à cheval, on ne voyait plus sa cuirasse ni son habit de guerrière, elle ne portait pas de casque, seulement une coupe de jeune garçon et ses cheveux étaient blonds. Qui la connaissait ? Qui savait qu’elle avait défendu son pays, la France, contre l’occupant ennemi ? Qui savait son nom ? Sa statue serait un jour déboulonnée et rapatriée dans son village natal, « monument en exil » comme l’écrirait un natif de l’Algérie française. D’autres statues connaîtraient un sort semblable. Dans les rues, on entendait des chants patriotiques, hommes, femmes, garçons et filles chantaient. Les noms des femmes, héroïnes des maquis et de la Libération, criés d’un bout à l’autre des cortèges, résonnaient en un long ruban sonore dans le pays tout entier, depuis la côte jusqu’aux Hauts Plateaux à la limite du « Petit Désert », depuis les gorges du Rummel jusqu’au tombeau de l’étranger amoureux de Bou Saâda, il s’appelait Étienne, jusqu’à la célèbre Confrérie d’El-Hamel à Bou Saâda, désertée par le dernier héritier, il a traversé la mer, écrivain-voyageur, si loin qu’il ne reviendra pas dans la maison ancestrale, même s’il dit qu’il ne mourra pas en exil. Je veux rappeler et crier avec les femmes qui marchent dans les rues du pays natal les noms glorieux des femmes dans le Djebel en guerre, mortes ou vivantes :