{"title":"Baudelaire prophète c(h)olérique : l’invocation au choléra dans La Belgique déshabillée","authors":"Patrick Thériault","doi":"10.7202/1072476ar","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"Le fragment de La Belgique deshabillee que Baudelaire a place sous la rubrique « Epilogue » et qu’on retrouve, dans l’edition d’Andre Guyaux (« Folio », 1986), au septieme feuillet de la section « Feuillets detaches », temoigne d’un exceptionnel effort d’esthetisation. On s’etonne qu’il ait suscite peu d’attention critique, d’autant plus qu’il culmine en une projection imaginaire d’une extreme violence. Le poete s’y met en scene dans l’anticipation febrile du cholera, en se delectant a l’avance des ravages que ce « fleau divin » devrait infliger aux Belges. Nous nous proposons ici de caracteriser l’element discursif qui represente – a l’echelle de toute La Belgique deshabillee aussi bien que dans ce projet d’epilogue – le plus puissant inducteur de la violence baudelairienne, a savoir la reference au cholera. Hautement pathetique, cette reference est aussi hautement revelatrice. D’une part, en brandissant le fleau du cholera et en posant au prophete de malheur, le Baudelaire de Belgique offre a la posterite le portrait sans doute le plus expressif du poete « de la fin » qu’il est fatalement devenu et qu’il a strategiquement choisi de devenir dans les annees 1860, un poete tout a la fois resigne et resolu a puiser dans la haine un principe nouveau de creation. D’autre part, evoquant cette destruction de masse, il reconduit de maniere imaginative la denonciation de la societe liberale qu’il associe a la Belgique. C’est contre cette realite historique, politique et plus largement ideologique, qu’il dechaine le plus manifestement sa colere. S’il recourt au cholera dans son epilogue, s’il isole ce motif de l’imaginaire social pour l’integrer dans son discours, c’est d’abord pour opposer l’atroce marche de ce fleau a celle, aussi terrible a ses yeux, du progres et de la civilisation.","PeriodicalId":42726,"journal":{"name":"ETUDES FRANCAISES","volume":"20 6 1","pages":"7-31"},"PeriodicalIF":0.1000,"publicationDate":"2020-01-01","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"1","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"ETUDES FRANCAISES","FirstCategoryId":"90","ListUrlMain":"https://doi.org/10.7202/1072476ar","RegionNum":4,"RegionCategory":"文学","ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"0","JCRName":"LITERATURE, ROMANCE","Score":null,"Total":0}
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Abstract
Le fragment de La Belgique deshabillee que Baudelaire a place sous la rubrique « Epilogue » et qu’on retrouve, dans l’edition d’Andre Guyaux (« Folio », 1986), au septieme feuillet de la section « Feuillets detaches », temoigne d’un exceptionnel effort d’esthetisation. On s’etonne qu’il ait suscite peu d’attention critique, d’autant plus qu’il culmine en une projection imaginaire d’une extreme violence. Le poete s’y met en scene dans l’anticipation febrile du cholera, en se delectant a l’avance des ravages que ce « fleau divin » devrait infliger aux Belges. Nous nous proposons ici de caracteriser l’element discursif qui represente – a l’echelle de toute La Belgique deshabillee aussi bien que dans ce projet d’epilogue – le plus puissant inducteur de la violence baudelairienne, a savoir la reference au cholera. Hautement pathetique, cette reference est aussi hautement revelatrice. D’une part, en brandissant le fleau du cholera et en posant au prophete de malheur, le Baudelaire de Belgique offre a la posterite le portrait sans doute le plus expressif du poete « de la fin » qu’il est fatalement devenu et qu’il a strategiquement choisi de devenir dans les annees 1860, un poete tout a la fois resigne et resolu a puiser dans la haine un principe nouveau de creation. D’autre part, evoquant cette destruction de masse, il reconduit de maniere imaginative la denonciation de la societe liberale qu’il associe a la Belgique. C’est contre cette realite historique, politique et plus largement ideologique, qu’il dechaine le plus manifestement sa colere. S’il recourt au cholera dans son epilogue, s’il isole ce motif de l’imaginaire social pour l’integrer dans son discours, c’est d’abord pour opposer l’atroce marche de ce fleau a celle, aussi terrible a ses yeux, du progres et de la civilisation.
期刊介绍:
Founded in 1965, Études françaises is a French-language journal of criticism and theory. It examines French-language literature and the relationships between the arts and the human sciences, discourse and writing. Each issue concentrates on a specific theme and presents diverse studies. While aimed particularly at specialists of French and Québécois literature, Études françaises addresses anyone with an interest in literature.