{"title":"侯爵夫人,或者沉默的考验","authors":"P. Chartier","doi":"10.58282/colloques.1402","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"1. La marquise est babillarde. Superbe babil sans doute, et des plus ecrits. Mais cette ecriture de soi, produite au jour le jour en direction d’un seul, occupe seule le texte, sans repondant. Lancee, cette ecriture ne cesse point ; elle n’a point de concurrent, de concurrence. D’ou ce terme d’epoque, quelque peu moqueur, qui designe l’oralite d’un propos ininterrompu, divers mais reitere, remarquable moins par son contenu que par son flux, toujours surprenant, insistant, comme irrepressible — organique voire secretement erotique. C’est a ce terme que Diderot, emule du Sopha, a recours seize ans plus tard pour designer les propos des bijoux de ces dames, qui, pieges par l’alliance d’un genie et d’un prince, usurpent a leur corps defendant l’organe ordinaire de la parole. Du moins, retorquera-t-on, quand le sujet le dit de lui-meme, c’est non sans ironie, sans auto-ironie, gage de lucidite. Il en va ainsi de la marquise, nous lui en donnons volontiers acte.Si nous le reprenons a notre tour ici, qu’en ferons-nous ? Est-ce pour insister sur l’etrange dimension de badinage passionnel, ou obsessionnel, de ces missives disposees en roman a la fois sature et satirique ? Car telle est, semble-t-il, leur verite, toute generique. Discours par lettres a une voix, le babil de la marquise est certes adresse, mais il est isole par un acte dont la « justification », produite vers la fin du texte, n’altere pas l’arbitraire : la destruction des lettres du comte. Faute de reponse enregistree,","PeriodicalId":381998,"journal":{"name":"Crébillon, Lettres de la marquise de M*** au comte de R***","volume":"213 1","pages":"0"},"PeriodicalIF":0.0000,"publicationDate":"2011-03-07","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":"{\"title\":\"La marquise, ou l’essai du silence\",\"authors\":\"P. Chartier\",\"doi\":\"10.58282/colloques.1402\",\"DOIUrl\":null,\"url\":null,\"abstract\":\"1. La marquise est babillarde. Superbe babil sans doute, et des plus ecrits. Mais cette ecriture de soi, produite au jour le jour en direction d’un seul, occupe seule le texte, sans repondant. Lancee, cette ecriture ne cesse point ; elle n’a point de concurrent, de concurrence. D’ou ce terme d’epoque, quelque peu moqueur, qui designe l’oralite d’un propos ininterrompu, divers mais reitere, remarquable moins par son contenu que par son flux, toujours surprenant, insistant, comme irrepressible — organique voire secretement erotique. C’est a ce terme que Diderot, emule du Sopha, a recours seize ans plus tard pour designer les propos des bijoux de ces dames, qui, pieges par l’alliance d’un genie et d’un prince, usurpent a leur corps defendant l’organe ordinaire de la parole. Du moins, retorquera-t-on, quand le sujet le dit de lui-meme, c’est non sans ironie, sans auto-ironie, gage de lucidite. Il en va ainsi de la marquise, nous lui en donnons volontiers acte.Si nous le reprenons a notre tour ici, qu’en ferons-nous ? Est-ce pour insister sur l’etrange dimension de badinage passionnel, ou obsessionnel, de ces missives disposees en roman a la fois sature et satirique ? Car telle est, semble-t-il, leur verite, toute generique. Discours par lettres a une voix, le babil de la marquise est certes adresse, mais il est isole par un acte dont la « justification », produite vers la fin du texte, n’altere pas l’arbitraire : la destruction des lettres du comte. Faute de reponse enregistree,\",\"PeriodicalId\":381998,\"journal\":{\"name\":\"Crébillon, Lettres de la marquise de M*** au comte de R***\",\"volume\":\"213 1\",\"pages\":\"0\"},\"PeriodicalIF\":0.0000,\"publicationDate\":\"2011-03-07\",\"publicationTypes\":\"Journal Article\",\"fieldsOfStudy\":null,\"isOpenAccess\":false,\"openAccessPdf\":\"\",\"citationCount\":\"0\",\"resultStr\":null,\"platform\":\"Semanticscholar\",\"paperid\":null,\"PeriodicalName\":\"Crébillon, Lettres de la marquise de M*** au comte de R***\",\"FirstCategoryId\":\"1085\",\"ListUrlMain\":\"https://doi.org/10.58282/colloques.1402\",\"RegionNum\":0,\"RegionCategory\":null,\"ArticlePicture\":[],\"TitleCN\":null,\"AbstractTextCN\":null,\"PMCID\":null,\"EPubDate\":\"\",\"PubModel\":\"\",\"JCR\":\"\",\"JCRName\":\"\",\"Score\":null,\"Total\":0}","platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Crébillon, Lettres de la marquise de M*** au comte de R***","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://doi.org/10.58282/colloques.1402","RegionNum":0,"RegionCategory":null,"ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"","JCRName":"","Score":null,"Total":0}
1. La marquise est babillarde. Superbe babil sans doute, et des plus ecrits. Mais cette ecriture de soi, produite au jour le jour en direction d’un seul, occupe seule le texte, sans repondant. Lancee, cette ecriture ne cesse point ; elle n’a point de concurrent, de concurrence. D’ou ce terme d’epoque, quelque peu moqueur, qui designe l’oralite d’un propos ininterrompu, divers mais reitere, remarquable moins par son contenu que par son flux, toujours surprenant, insistant, comme irrepressible — organique voire secretement erotique. C’est a ce terme que Diderot, emule du Sopha, a recours seize ans plus tard pour designer les propos des bijoux de ces dames, qui, pieges par l’alliance d’un genie et d’un prince, usurpent a leur corps defendant l’organe ordinaire de la parole. Du moins, retorquera-t-on, quand le sujet le dit de lui-meme, c’est non sans ironie, sans auto-ironie, gage de lucidite. Il en va ainsi de la marquise, nous lui en donnons volontiers acte.Si nous le reprenons a notre tour ici, qu’en ferons-nous ? Est-ce pour insister sur l’etrange dimension de badinage passionnel, ou obsessionnel, de ces missives disposees en roman a la fois sature et satirique ? Car telle est, semble-t-il, leur verite, toute generique. Discours par lettres a une voix, le babil de la marquise est certes adresse, mais il est isole par un acte dont la « justification », produite vers la fin du texte, n’altere pas l’arbitraire : la destruction des lettres du comte. Faute de reponse enregistree,