{"title":"伦理与急诊医学:必要的矛盾(上)","authors":"J Emmanuelli","doi":"10.1016/S0923-2524(97)85865-1","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"<div><p>La médecine d'urgence est une réponse à la nécessité de prodiguer des soins spécifiques sans délai. À travers les modalités de son action et au nom d'un idéal d'efficacité, elle cherche à conjurer le moment de la fin en palliant toute défaillance, y compris quand celle-ci est insurmontable, et repose sur une conception toujours plus instrumentale du soin qui tend à réduire le sujet au statut de corps. La question de ce travail revient à se demander dans quelle mesure ce qui fonde l'émergence (1<sup>e</sup> p partie) et la pratique (2<sup>e</sup> partie) de la médecine d'urgence signifie une perception de l'individu en contradiction dynamique avec la notion de sujet éthique. Dans une première partie (analyse épistémologique étayée par une revue bibliographique), nous essayons de montrer comment la médecine d'urgence, alors qu'elle se constitue au décours d'un lent processus de désubjectivation fondé sur le mythe de la réparation, peut néanmoins s'ouvrir sur la notion de sujet éthique. Pour progresser, l'art puis la science médicale contreviennent périodiquement aux lois cosmogoniques censées signifier la place du sujet dans un univers tour à tour magique, mythologique, religieux, mystique, laïque et scientifique pour aboutir à une vision réifiante de l'individu et engendrent ainsi une transgression continue de l'éthique au nom de l'éthique. Au sein de ces révolutions, la guerre est le moteur perpétuel des progrès de la médecine d'urgence et signifie à elle seule la transgression éthique et homicide de l'Autre (l'ennemi). Or, au plus fort de l'opposition historique entre médecine d'urgence militaire et reconnaissance éthique de l'Autre, lors de la sanglante bataille de Solférino, la question du sujet se pose de manière déchirante et laisse poindre la possibilité d'une fraternité transcendant la toute-puissance guerrière à travers la naissance de l'action humanitaire. Une seconde partie (approche compréhensive reposant sur l'analyse de contenu d'une série d'entretiens réalisés auprès de médecins ayant une expérience de Samu) tente de montrer comment et pourquoi, pour certains médecins de Samu, la chosification technique du patient (rapport archaïque à la toute-puissance instrumentale) constitue un moyen d'action nécessaire au point d'en devenir une fin et engendre ainsi une confusion entre les notions d'efficacité et d'utilité préjudiciable à l'éthique. Après analyse des conséquences possibles d'une prise de conscience de la notion de sujet pour ceux des médecins qui sont au plus fort de ce rapport, nous montrons pour finir comment le Samu peut constituer un moment d'initiation permettant, avec l'acceptation des limites, la reconnaissance éthique du sujet.</p></div>","PeriodicalId":101269,"journal":{"name":"Urgences Médicales","volume":"16 1","pages":"Pages 3-23"},"PeriodicalIF":0.0000,"publicationDate":"1997-01-01","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"https://sci-hub-pdf.com/10.1016/S0923-2524(97)85865-1","citationCount":"1","resultStr":"{\"title\":\"Éthique et médecine d'urgence: une contradiction nécessaire (Première partie)\",\"authors\":\"J Emmanuelli\",\"doi\":\"10.1016/S0923-2524(97)85865-1\",\"DOIUrl\":null,\"url\":null,\"abstract\":\"<div><p>La médecine d'urgence est une réponse à la nécessité de prodiguer des soins spécifiques sans délai. À travers les modalités de son action et au nom d'un idéal d'efficacité, elle cherche à conjurer le moment de la fin en palliant toute défaillance, y compris quand celle-ci est insurmontable, et repose sur une conception toujours plus instrumentale du soin qui tend à réduire le sujet au statut de corps. La question de ce travail revient à se demander dans quelle mesure ce qui fonde l'émergence (1<sup>e</sup> p partie) et la pratique (2<sup>e</sup> partie) de la médecine d'urgence signifie une perception de l'individu en contradiction dynamique avec la notion de sujet éthique. Dans une première partie (analyse épistémologique étayée par une revue bibliographique), nous essayons de montrer comment la médecine d'urgence, alors qu'elle se constitue au décours d'un lent processus de désubjectivation fondé sur le mythe de la réparation, peut néanmoins s'ouvrir sur la notion de sujet éthique. Pour progresser, l'art puis la science médicale contreviennent périodiquement aux lois cosmogoniques censées signifier la place du sujet dans un univers tour à tour magique, mythologique, religieux, mystique, laïque et scientifique pour aboutir à une vision réifiante de l'individu et engendrent ainsi une transgression continue de l'éthique au nom de l'éthique. Au sein de ces révolutions, la guerre est le moteur perpétuel des progrès de la médecine d'urgence et signifie à elle seule la transgression éthique et homicide de l'Autre (l'ennemi). Or, au plus fort de l'opposition historique entre médecine d'urgence militaire et reconnaissance éthique de l'Autre, lors de la sanglante bataille de Solférino, la question du sujet se pose de manière déchirante et laisse poindre la possibilité d'une fraternité transcendant la toute-puissance guerrière à travers la naissance de l'action humanitaire. Une seconde partie (approche compréhensive reposant sur l'analyse de contenu d'une série d'entretiens réalisés auprès de médecins ayant une expérience de Samu) tente de montrer comment et pourquoi, pour certains médecins de Samu, la chosification technique du patient (rapport archaïque à la toute-puissance instrumentale) constitue un moyen d'action nécessaire au point d'en devenir une fin et engendre ainsi une confusion entre les notions d'efficacité et d'utilité préjudiciable à l'éthique. Après analyse des conséquences possibles d'une prise de conscience de la notion de sujet pour ceux des médecins qui sont au plus fort de ce rapport, nous montrons pour finir comment le Samu peut constituer un moment d'initiation permettant, avec l'acceptation des limites, la reconnaissance éthique du sujet.</p></div>\",\"PeriodicalId\":101269,\"journal\":{\"name\":\"Urgences Médicales\",\"volume\":\"16 1\",\"pages\":\"Pages 3-23\"},\"PeriodicalIF\":0.0000,\"publicationDate\":\"1997-01-01\",\"publicationTypes\":\"Journal Article\",\"fieldsOfStudy\":null,\"isOpenAccess\":false,\"openAccessPdf\":\"https://sci-hub-pdf.com/10.1016/S0923-2524(97)85865-1\",\"citationCount\":\"1\",\"resultStr\":null,\"platform\":\"Semanticscholar\",\"paperid\":null,\"PeriodicalName\":\"Urgences Médicales\",\"FirstCategoryId\":\"1085\",\"ListUrlMain\":\"https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0923252497858651\",\"RegionNum\":0,\"RegionCategory\":null,\"ArticlePicture\":[],\"TitleCN\":null,\"AbstractTextCN\":null,\"PMCID\":null,\"EPubDate\":\"\",\"PubModel\":\"\",\"JCR\":\"\",\"JCRName\":\"\",\"Score\":null,\"Total\":0}","platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Urgences Médicales","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0923252497858651","RegionNum":0,"RegionCategory":null,"ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"","JCRName":"","Score":null,"Total":0}
Éthique et médecine d'urgence: une contradiction nécessaire (Première partie)
La médecine d'urgence est une réponse à la nécessité de prodiguer des soins spécifiques sans délai. À travers les modalités de son action et au nom d'un idéal d'efficacité, elle cherche à conjurer le moment de la fin en palliant toute défaillance, y compris quand celle-ci est insurmontable, et repose sur une conception toujours plus instrumentale du soin qui tend à réduire le sujet au statut de corps. La question de ce travail revient à se demander dans quelle mesure ce qui fonde l'émergence (1e p partie) et la pratique (2e partie) de la médecine d'urgence signifie une perception de l'individu en contradiction dynamique avec la notion de sujet éthique. Dans une première partie (analyse épistémologique étayée par une revue bibliographique), nous essayons de montrer comment la médecine d'urgence, alors qu'elle se constitue au décours d'un lent processus de désubjectivation fondé sur le mythe de la réparation, peut néanmoins s'ouvrir sur la notion de sujet éthique. Pour progresser, l'art puis la science médicale contreviennent périodiquement aux lois cosmogoniques censées signifier la place du sujet dans un univers tour à tour magique, mythologique, religieux, mystique, laïque et scientifique pour aboutir à une vision réifiante de l'individu et engendrent ainsi une transgression continue de l'éthique au nom de l'éthique. Au sein de ces révolutions, la guerre est le moteur perpétuel des progrès de la médecine d'urgence et signifie à elle seule la transgression éthique et homicide de l'Autre (l'ennemi). Or, au plus fort de l'opposition historique entre médecine d'urgence militaire et reconnaissance éthique de l'Autre, lors de la sanglante bataille de Solférino, la question du sujet se pose de manière déchirante et laisse poindre la possibilité d'une fraternité transcendant la toute-puissance guerrière à travers la naissance de l'action humanitaire. Une seconde partie (approche compréhensive reposant sur l'analyse de contenu d'une série d'entretiens réalisés auprès de médecins ayant une expérience de Samu) tente de montrer comment et pourquoi, pour certains médecins de Samu, la chosification technique du patient (rapport archaïque à la toute-puissance instrumentale) constitue un moyen d'action nécessaire au point d'en devenir une fin et engendre ainsi une confusion entre les notions d'efficacité et d'utilité préjudiciable à l'éthique. Après analyse des conséquences possibles d'une prise de conscience de la notion de sujet pour ceux des médecins qui sont au plus fort de ce rapport, nous montrons pour finir comment le Samu peut constituer un moment d'initiation permettant, avec l'acceptation des limites, la reconnaissance éthique du sujet.