{"title":"Queer Velocities: Time, Sex, and Biopower on the Early Modern Stage by Jennifer Eun-Jung Row (review)","authors":"Jennifer Tamas","doi":"10.1353/nef.2023.a905942","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"Reviewed by: Queer Velocities: Time, Sex, and Biopower on the Early Modern Stage by Jennifer Eun-Jung Row Jennifer Tamas Row, Jennifer Eun-Jung. Queer Velocities: Time, Sex, and Biopower on the Early Modern Stage. Evanston, Northwestern UP, 2022. ISBN 9780810144705, 224 p. Queer Velocities s’ouvre sur une introduction qui met à l’honneur une œuvre d’Isaac de Benserade, sans doute moins connue que les quatre pièces canoniques de Jean Racine et de Pierre Corneille que Jennifer E. Row analyse ensuite. Il s’agit de la première comédie de Benserade intitulée Iphis et Iante, qui aborde frontalement la question de l’homosexualité féminine en imaginant ce que produirait le mariage de deux personnes du même sexe dans la France du 17e siècle. Row nous guide habilement dans ce texte avec une attention et une finesse d’analyse exemplaires en ce qu’elle épingle le vocabulaire et les faits de style qui décrivent l’émerveillement de deux femmes découvrant leur corps pendant leur nuit de noces. Notons que Benserade reprend à Ovide cette fable mais qu’il la change de manière significative en imaginant la métamorphose d’Iphis en homme non avant mais après la nuit de [End Page 236] noces, ce qui lui permet de parler de la rencontre voluptueuse des corps féminins. Row se sert notamment des vers et du lexique pour élaborer les concepts nécessaires à l’interprétation comme à la méthodologie déployée dans les quatre chapitres suivants. Il est toujours difficile de résumer une thèse sans l’affaiblir, mais la démarche s’attache visiblement à démontrer qu’une expérience de queerness naîtrait d’un temps non linéaire qu’il est possible de dégager dans le théâtre classique à travers les rapports de pouvoir (chap. 1, Le Cid), l’union amoureuse au-delà du vivant (chap. 2, Andromaque), l’ordre politico-religieux (chap. 3, Polyeucte) ou les liens polyamoureux (chap. 4, Bérénice). Ces rapports de force et de transgression induisent un questionnement sur le temps et les affects. Row recourt ainsi à la notion de velocity (en tant que “vitesse” mais aussi en tant que “direction”) pour réfléchir au tempo du texte, à ses retards, ses hésitations, mais aussi à ses effets de suspense, d’attente et à l’alternance entre rapidité et lenteur. Dès lors, tout écart par rapport aux normes classiques et dramaturgiques est source d’intérêt. A contrario, la linéarité renverrait pour sa part à la norme sexuelle (avec un jeu de mots sur “straight”). De manière surprenante, la notion de velocity et ce qui en découle éclipsent celles qui trouvent leurs équivalents dans la dramaturgie classique et dans les traités rhétoriques de l’époque (on raisonne alors en termes de copia, brevitas, tension, nœud, acmé, catastrophe, etc.). Dans cette perspective, l’approche aristotélicienne (notamment La Poétique que ne cessent d’interroger les dramaturges de l’époque) est également évacuée: l’analyse temporelle de Row se passe de notions telles que le “temps tragique,” la “fatalité” ou la “prédiction.” Rien n’est dit non plus du genre tragique qu’elle choisit plutôt que la comédie. Or la tragédie, par définition, offre un temps qui n’est jamais linéaire en ce qu’il est rongé par les souvenirs, les fantômes, les ombres; qu’il s’ouvre sur des nappes de passé qu’il juxtapose au présent; bref qu’il met en scène un “carambolage des temps,” selon la notion forgée par l’historienne Sophie Wahnich. Si l’on s’en tient à la façon dont Row caractérise l’idée de queerness, c’est toute la tragédie qu’il faudrait ainsi considérer. Spécialiste de littérature française et ouvertement comparatiste, Row déploie ici une approche transdisciplinaire et foncièrement théorique qui repose aussi bien sur les Queer studies que sur les études anglicistes postmodernes et postcoloniales. Cette démarche est indissociable d’une préoccupation pédagogique essentielle et profondément ancrée...","PeriodicalId":19369,"journal":{"name":"Nouvelles Études Francophones","volume":"14 1","pages":"0"},"PeriodicalIF":0.0000,"publicationDate":"2023-01-01","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Nouvelles Études Francophones","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://doi.org/10.1353/nef.2023.a905942","RegionNum":0,"RegionCategory":null,"ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"","JCRName":"","Score":null,"Total":0}
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Abstract
Reviewed by: Queer Velocities: Time, Sex, and Biopower on the Early Modern Stage by Jennifer Eun-Jung Row Jennifer Tamas Row, Jennifer Eun-Jung. Queer Velocities: Time, Sex, and Biopower on the Early Modern Stage. Evanston, Northwestern UP, 2022. ISBN 9780810144705, 224 p. Queer Velocities s’ouvre sur une introduction qui met à l’honneur une œuvre d’Isaac de Benserade, sans doute moins connue que les quatre pièces canoniques de Jean Racine et de Pierre Corneille que Jennifer E. Row analyse ensuite. Il s’agit de la première comédie de Benserade intitulée Iphis et Iante, qui aborde frontalement la question de l’homosexualité féminine en imaginant ce que produirait le mariage de deux personnes du même sexe dans la France du 17e siècle. Row nous guide habilement dans ce texte avec une attention et une finesse d’analyse exemplaires en ce qu’elle épingle le vocabulaire et les faits de style qui décrivent l’émerveillement de deux femmes découvrant leur corps pendant leur nuit de noces. Notons que Benserade reprend à Ovide cette fable mais qu’il la change de manière significative en imaginant la métamorphose d’Iphis en homme non avant mais après la nuit de [End Page 236] noces, ce qui lui permet de parler de la rencontre voluptueuse des corps féminins. Row se sert notamment des vers et du lexique pour élaborer les concepts nécessaires à l’interprétation comme à la méthodologie déployée dans les quatre chapitres suivants. Il est toujours difficile de résumer une thèse sans l’affaiblir, mais la démarche s’attache visiblement à démontrer qu’une expérience de queerness naîtrait d’un temps non linéaire qu’il est possible de dégager dans le théâtre classique à travers les rapports de pouvoir (chap. 1, Le Cid), l’union amoureuse au-delà du vivant (chap. 2, Andromaque), l’ordre politico-religieux (chap. 3, Polyeucte) ou les liens polyamoureux (chap. 4, Bérénice). Ces rapports de force et de transgression induisent un questionnement sur le temps et les affects. Row recourt ainsi à la notion de velocity (en tant que “vitesse” mais aussi en tant que “direction”) pour réfléchir au tempo du texte, à ses retards, ses hésitations, mais aussi à ses effets de suspense, d’attente et à l’alternance entre rapidité et lenteur. Dès lors, tout écart par rapport aux normes classiques et dramaturgiques est source d’intérêt. A contrario, la linéarité renverrait pour sa part à la norme sexuelle (avec un jeu de mots sur “straight”). De manière surprenante, la notion de velocity et ce qui en découle éclipsent celles qui trouvent leurs équivalents dans la dramaturgie classique et dans les traités rhétoriques de l’époque (on raisonne alors en termes de copia, brevitas, tension, nœud, acmé, catastrophe, etc.). Dans cette perspective, l’approche aristotélicienne (notamment La Poétique que ne cessent d’interroger les dramaturges de l’époque) est également évacuée: l’analyse temporelle de Row se passe de notions telles que le “temps tragique,” la “fatalité” ou la “prédiction.” Rien n’est dit non plus du genre tragique qu’elle choisit plutôt que la comédie. Or la tragédie, par définition, offre un temps qui n’est jamais linéaire en ce qu’il est rongé par les souvenirs, les fantômes, les ombres; qu’il s’ouvre sur des nappes de passé qu’il juxtapose au présent; bref qu’il met en scène un “carambolage des temps,” selon la notion forgée par l’historienne Sophie Wahnich. Si l’on s’en tient à la façon dont Row caractérise l’idée de queerness, c’est toute la tragédie qu’il faudrait ainsi considérer. Spécialiste de littérature française et ouvertement comparatiste, Row déploie ici une approche transdisciplinaire et foncièrement théorique qui repose aussi bien sur les Queer studies que sur les études anglicistes postmodernes et postcoloniales. Cette démarche est indissociable d’une préoccupation pédagogique essentielle et profondément ancrée...
《酷儿速度:早期现代阶段的时间、性和生物力量》(Queer Velocities: Time, Sex, and Biopower on Early Modern Stage)。《酷儿速度:早期现代阶段的时间、性和生物力量》。埃文斯顿,西北UP, 2022年。《酷儿速度》以一篇介绍开始,介绍了艾萨克·德·本塞拉德(isaac de Benserade)的一部作品,这部作品可能不如詹妮弗·e·罗(Jennifer E. Row)后来分析的让·拉辛(Jean Racine)和皮埃尔·高乃依(Pierre Corneille)的四部经典作品出名。这是本塞拉德的第一部喜剧《伊菲斯与伊安特》,通过想象17世纪法国同性婚姻的结果,直面了女性同性恋的问题。罗以堪称楷模的关注和分析技巧巧妙地引导我们通过这篇文章,她指出了描述两个女人在新婚之夜发现自己身体的奇迹的词汇和风格事实。值得注意的是,本塞拉德从奥维德那里继承了这个寓言,但他以一种显著的方式改变了它,想象伊菲斯变成了一个男人,不是在新婚之夜之前,而是在新婚之夜之后,这让他能够谈论女性身体的性感相遇。在接下来的四章中,Row特别使用诗句和词汇来发展解释和方法所需的概念。总是很难总结一个命题不削弱这一办法,但显然致力于证明queerness经历了一个非线性的时间出生的古典戏剧中有可能产生权力通过报告(第四章)。1、Cid)联盟恋爱生活之外(第六章)。2、Andromaque政治宗教秩序(第3章)、Polyeucte)或polyamoureux联系(第4章,蕾妮)的。这些力量和越界的关系引发了对时间和影响的质疑。因此,Row使用速度的概念(既可以是“速度”,也可以是“方向”)来反映文本的节奏、延迟、犹豫,以及悬念、等待和速度与慢的交替。因此,任何偏离古典和戏剧规范的行为都是有趣的来源。相比之下,线性则指的是性规范(用一个关于“直”的双关语)。令人惊讶的是,速度的概念和由此产生的东西掩盖了那些在古典戏剧和当时的修辞论文中找到它们的对等物(然后用copia, brevitas, tension, noud, acme, catastrophe等来解释)。从这个角度来看,亚里士多德的方法(尤其是当时剧作家不断质疑的诗学)也被抛弃了:Row的时间分析忽略了诸如“悲剧时间”、“宿命论”或“预言”等概念。除了喜剧,她选择的悲剧类型也没有什么可说的。悲剧,从定义上讲,提供了一个永远不是线性的时间,因为它被记忆、幽灵和阴影所吞噬;它打开了一层过去,并与现在并列;简而言之,根据历史学家索菲·瓦尼奇(Sophie Wahnich)创造的概念,它上演了一场“时代的衰落”。从Row对queerness概念的描述来看,这是整个悲剧。作为法国文学和公开比较主义的专家,Row在这里运用了一种跨学科和基本的理论方法,既依赖于酷儿研究,也依赖于后现代和后殖民英国主义研究。这种方法与一个基本的、根深蒂固的教育问题是分不开的。