Pub Date : 2023-09-01DOI: 10.1353/nef.2023.a905918
Mohamed Aït-Aarab
Abstract:Un écrivain, dit-on, écrit toujours le même livre pour parler d’un seul et unique sujet, lui-même. L’œuvre de Jean-Marc Tera’ituatini Pambrun, multiple, éclatée, diverse, se distingue notamment par sa faculté et sa volonté d’aborder des territoires littéraires multiples. On connaît peu et mal l’homme, trop tôt disparu (2011), écorché vif aux engagements incandescents. Son roman Le Bambou noir (2005) dévoilait, précautionneusement, une personnalité inquiète, souvent à contre-courant de la pensée dominante, des valeurs du groupe. L’œuvre de Pambrun est traversée par les questionnements sur une identité (personnelle, collective) qu’il s’agit de mettre au jour, ensevelie qu’elle fut (qu’elle est?) sous des “flots d’encre” (Margueron). Mais une réflexion sur le sujet ne peut s’envisager sans tenir compte de l’Autre. La confrontation avec l’altérité, qu’elle s’avance bienveillante ou se révèle dominatrice, est un passage obligé pour qui veut penser sa présence au monde, sa place dans l’histoire.
{"title":"Soi-même comme un autre. Jean-Marc Tera’ituatini Pambrun: Ethos d’un écrivain mā’ohi","authors":"Mohamed Aït-Aarab","doi":"10.1353/nef.2023.a905918","DOIUrl":"https://doi.org/10.1353/nef.2023.a905918","url":null,"abstract":"Abstract:Un écrivain, dit-on, écrit toujours le même livre pour parler d’un seul et unique sujet, lui-même. L’œuvre de Jean-Marc Tera’ituatini Pambrun, multiple, éclatée, diverse, se distingue notamment par sa faculté et sa volonté d’aborder des territoires littéraires multiples. On connaît peu et mal l’homme, trop tôt disparu (2011), écorché vif aux engagements incandescents. Son roman Le Bambou noir (2005) dévoilait, précautionneusement, une personnalité inquiète, souvent à contre-courant de la pensée dominante, des valeurs du groupe. L’œuvre de Pambrun est traversée par les questionnements sur une identité (personnelle, collective) qu’il s’agit de mettre au jour, ensevelie qu’elle fut (qu’elle est?) sous des “flots d’encre” (Margueron). Mais une réflexion sur le sujet ne peut s’envisager sans tenir compte de l’Autre. La confrontation avec l’altérité, qu’elle s’avance bienveillante ou se révèle dominatrice, est un passage obligé pour qui veut penser sa présence au monde, sa place dans l’histoire.","PeriodicalId":19369,"journal":{"name":"Nouvelles Études Francophones","volume":"49 1","pages":"21 - 7"},"PeriodicalIF":0.0,"publicationDate":"2023-09-01","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":null,"resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":"139344325","PeriodicalName":null,"FirstCategoryId":null,"ListUrlMain":null,"RegionNum":0,"RegionCategory":"","ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":"","EPubDate":null,"PubModel":null,"JCR":null,"JCRName":null,"Score":null,"Total":0}
Pub Date : 2023-01-01DOI: 10.1353/nef.2023.a905932
Alicia Lambert, Nicolas Pitz, Nicolas Wouters
Entretien croisé avec Nicolas Pitz et Nicolas Wouters Alicia Lambert (bio), Nicolas Pitz (bio), and Nicolas Wouters (bio) Les entretiens ont été initialement réalisés en visioconférence (Teams), le 07 octobre 2021 avec Nicolas Wouters, et le 19 janvier 2022 avec Nicolas Pitz. Les enregistrements ont ensuite été retranscrits, afin que certaines parties puissent être sélectionnées et adaptées à la publication d’un entretien croisé, avec l’accord des deux auteurs. alicia lambert: Les bandes dessinées Les Jardins du Congo (Nicolas Pitz, 2013) et Elle ne parlait jamais du Congo (Nicolas Wouters, 2017) sont dédiées à l’expérience de vos grands-parents en tant qu’anciens colons dans le Congo belge des années cinquante. Qu’est-ce qui vous a amenés vers ce sujet? nicolas pitz: C’était cette envie de savoir d’où on vient, de savoir qui étaient mes parents et grands-parents. Il y avait plein de secrets de famille. Le fait que mes grands-parents et mes parents avaient vécu au Congo, c’était assez caché, presque invisibilsé. Que cela soit chez mes grands-parents ou chez mes parents, il y avait toujours des objets, mais ils étaient cachés. En étant enfants, on jouait avec, mais on ne savait pas vraiment ce que c’était. Mes cousins et moi avons simplement posé des questions. Un jour, à l’adolescence, je demande à mes grands-parents de m’expliquer ce que c’était le Congo. C’était très frustrant, je posais des questions très simples, et je me retrouvais face à un mur. Toutes leurs réponses étaient complètement contradictoires, rien n’était clair. On me disait des banalités historiques, comme si j’ouvrais un Wikipedia aujourd’hui. Moi, ce qui m’intéressait, ce n’était pas la grande histoire, mais ce qu’eux avaient été faire là-bas. Confronté à un mur de mécaniques de défense, je creusais, donc je dérangeais. Je posais les mauvaises questions, et c’est ça qu’il fallait faire. nicolas wouters: Je savais que j’allais faire une thèse de doctorat à l’Université Catholique de Louvain (UCL). J’avais fait de la BD, et j’avais étudié le cinéma à l’Institut des Arts de Diffusion (IAD). Il y avait déjà cette idée, dans la thèse, de travailler sur la transmission de la mémoire et sur l’animation. Mon travail de fin d’études en BD, c’était sur mon grand-père, du côté de mon [End Page 192] père (sur son éducation chrétienne), et j’avais bien aimé travailler sur une figure familiale. Puis j’ai pensé au grand-père du côté de ma mère, qui était parti au Congo. Et je me suis vite rendu compte qu’il y avait un problème, lié au fait que les destins masculins avaient été énormément abordés dans la famille. J’avais l’impression qu’il n’y avait rien qui résistait à une espèce de biographie héroïque de mon grand-père au Congo. J’ai repensé à la relation que j’avais avec ma grand-mère, car mon grand-père est mort quand j’étais très jeune. Derrière l’impression que j’avais que mon grand-père était le centre d’intérêt, j’étais fourvoyé par cette espèce d’imaginaire patriarcal. Je trouvais c
{"title":"Entretien croisé avec Nicolas Pitz et Nicolas Wouters","authors":"Alicia Lambert, Nicolas Pitz, Nicolas Wouters","doi":"10.1353/nef.2023.a905932","DOIUrl":"https://doi.org/10.1353/nef.2023.a905932","url":null,"abstract":"Entretien croisé avec Nicolas Pitz et Nicolas Wouters Alicia Lambert (bio), Nicolas Pitz (bio), and Nicolas Wouters (bio) Les entretiens ont été initialement réalisés en visioconférence (Teams), le 07 octobre 2021 avec Nicolas Wouters, et le 19 janvier 2022 avec Nicolas Pitz. Les enregistrements ont ensuite été retranscrits, afin que certaines parties puissent être sélectionnées et adaptées à la publication d’un entretien croisé, avec l’accord des deux auteurs. alicia lambert: Les bandes dessinées Les Jardins du Congo (Nicolas Pitz, 2013) et Elle ne parlait jamais du Congo (Nicolas Wouters, 2017) sont dédiées à l’expérience de vos grands-parents en tant qu’anciens colons dans le Congo belge des années cinquante. Qu’est-ce qui vous a amenés vers ce sujet? nicolas pitz: C’était cette envie de savoir d’où on vient, de savoir qui étaient mes parents et grands-parents. Il y avait plein de secrets de famille. Le fait que mes grands-parents et mes parents avaient vécu au Congo, c’était assez caché, presque invisibilsé. Que cela soit chez mes grands-parents ou chez mes parents, il y avait toujours des objets, mais ils étaient cachés. En étant enfants, on jouait avec, mais on ne savait pas vraiment ce que c’était. Mes cousins et moi avons simplement posé des questions. Un jour, à l’adolescence, je demande à mes grands-parents de m’expliquer ce que c’était le Congo. C’était très frustrant, je posais des questions très simples, et je me retrouvais face à un mur. Toutes leurs réponses étaient complètement contradictoires, rien n’était clair. On me disait des banalités historiques, comme si j’ouvrais un Wikipedia aujourd’hui. Moi, ce qui m’intéressait, ce n’était pas la grande histoire, mais ce qu’eux avaient été faire là-bas. Confronté à un mur de mécaniques de défense, je creusais, donc je dérangeais. Je posais les mauvaises questions, et c’est ça qu’il fallait faire. nicolas wouters: Je savais que j’allais faire une thèse de doctorat à l’Université Catholique de Louvain (UCL). J’avais fait de la BD, et j’avais étudié le cinéma à l’Institut des Arts de Diffusion (IAD). Il y avait déjà cette idée, dans la thèse, de travailler sur la transmission de la mémoire et sur l’animation. Mon travail de fin d’études en BD, c’était sur mon grand-père, du côté de mon [End Page 192] père (sur son éducation chrétienne), et j’avais bien aimé travailler sur une figure familiale. Puis j’ai pensé au grand-père du côté de ma mère, qui était parti au Congo. Et je me suis vite rendu compte qu’il y avait un problème, lié au fait que les destins masculins avaient été énormément abordés dans la famille. J’avais l’impression qu’il n’y avait rien qui résistait à une espèce de biographie héroïque de mon grand-père au Congo. J’ai repensé à la relation que j’avais avec ma grand-mère, car mon grand-père est mort quand j’étais très jeune. Derrière l’impression que j’avais que mon grand-père était le centre d’intérêt, j’étais fourvoyé par cette espèce d’imaginaire patriarcal. Je trouvais c","PeriodicalId":19369,"journal":{"name":"Nouvelles Études Francophones","volume":"10 1","pages":"0"},"PeriodicalIF":0.0,"publicationDate":"2023-01-01","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":null,"resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":"136003152","PeriodicalName":null,"FirstCategoryId":null,"ListUrlMain":null,"RegionNum":0,"RegionCategory":"","ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":"","EPubDate":null,"PubModel":null,"JCR":null,"JCRName":null,"Score":null,"Total":0}
Pub Date : 2023-01-01DOI: 10.1353/nef.2023.a905925
Audrey Ogès
Abstract: La littérature francophone polynésienne s’inscrit dans un contexte post-colonialiste dont les conséquences continuent d’affecter les territoires et les populations. Ce sont bien souvent des femmes qui prennent la plume pour dénoncer les violences commises, qu’elles soient exogènes ou endogènes. Chantal T. Spitz et Titaua Peu comptent parmi les auteures influentes et très engagées pour leur pays. Elles expriment toute leur colère et toute leur rancœur, alors qu’elles disent vivre dans des pays encore colonisés. Dans cet article, nous nous pencherons sur leurs parcours d’écrivaines polynésiennes. Comment expriment-elles leur propre vision de l’existence et de l’Histoire? En quoi l’originalité de leur écriture continue-t-elle de nous surprendre et de nous “interloquer”?
摘要:波利尼西亚法语文学是后殖民主义背景的一部分,其后果继续影响着领土和人口。通常是妇女带头谴责所发生的暴力,无论是外生的还是内生的。尚塔尔·t·斯皮兹(Chantal T. Spitz)和蒂托瓦(Titaua)是少数几个对他们的国家有影响力和高度承诺的作家。他们表达了他们所有的愤怒和怨恨,尽管他们说他们生活在仍然被殖民的国家。在这篇文章中,我们将看看他们作为波利尼西亚作家的职业生涯。他们如何表达自己对存在和历史的看法?他们写作的原创性是如何继续让我们惊讶和“困惑”的?
{"title":"À corps et à cris: Itinéraires de deux auteures tahitiennes engagées, Chantal T. Spitz et Titaua Peu","authors":"Audrey Ogès","doi":"10.1353/nef.2023.a905925","DOIUrl":"https://doi.org/10.1353/nef.2023.a905925","url":null,"abstract":"Abstract: La littérature francophone polynésienne s’inscrit dans un contexte post-colonialiste dont les conséquences continuent d’affecter les territoires et les populations. Ce sont bien souvent des femmes qui prennent la plume pour dénoncer les violences commises, qu’elles soient exogènes ou endogènes. Chantal T. Spitz et Titaua Peu comptent parmi les auteures influentes et très engagées pour leur pays. Elles expriment toute leur colère et toute leur rancœur, alors qu’elles disent vivre dans des pays encore colonisés. Dans cet article, nous nous pencherons sur leurs parcours d’écrivaines polynésiennes. Comment expriment-elles leur propre vision de l’existence et de l’Histoire? En quoi l’originalité de leur écriture continue-t-elle de nous surprendre et de nous “interloquer”?","PeriodicalId":19369,"journal":{"name":"Nouvelles Études Francophones","volume":"87 1","pages":"0"},"PeriodicalIF":0.0,"publicationDate":"2023-01-01","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":null,"resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":"136003157","PeriodicalName":null,"FirstCategoryId":null,"ListUrlMain":null,"RegionNum":0,"RegionCategory":"","ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":"","EPubDate":null,"PubModel":null,"JCR":null,"JCRName":null,"Score":null,"Total":0}
Pub Date : 2023-01-01DOI: 10.1353/nef.2023.a905929
Sylvie André
Le théâtre en Polynésie françaiseBibliographie critique Sylvie André Plutôt que le théâtre proprement dit, il apparaît plus opportun d’envisager les réalisations de la théâtralité en Polynésie française. En effet, la notion de théâtre telle que nous l’entendons en Europe correspond à peu de réalisations dans le Pays de la part d’écrivains confirmés. Il semble que l’on puisse rattacher la plupart des manifestations de théâtralité actuelles à une très ancienne institution, évoquée par les “découvreurs occidentaux” de la Polynésie française, la secte des Ariois. Intéressés par cette coutume, les premiers ethnographes William Ellis, J.A. Morenhout et Teuira Henry, n’en demeurent pas moins très circonspects lorsqu’ils la décrivent. Segalen dépeint une troupe itinérante de prêtres et de comédiens, participant activement aux cérémonies religieuses mais donnant aussi des spectacles profanes au ton licencieux et provocateur. On peut faire référence à cette tradition à propos du renouveau du ’Orero, pièce déclamatoire accompagnée d’une pantomime. À l’époque précoloniale, celui-ci était uniquement interprété à l’occasion de représentations collectives mêlant la musique, la danse, le chant, le récit et le mime. Ces sortes d’opéras/ballets ont d’ailleurs survécu jusqu’à nos jours et sont toujours joués pendant le Heiva ou Tiurai devant un public de connaisseurs, les meilleures œuvres étant récompensées par des prix. Cependant le ’Orero a maintenant pris son autonomie et fait même l’objet d’un enseignement dans les collèges du pays. Ces spectacles, ’Orero et œuvres du Heiva sont en reo mā’ohi et prennent généralement pour thème une légende polynésienne. L’utilisation récente d’un thème biblique a été fortement controversée. Par ailleurs, on peut avancer l’hypothèse que les représentations satiriques des Ariois sont à rapprocher de l’engouement suscité par une pièce comique écrite en reo mā’ohi par un membre de l’Académie tahitienne, Maco Tevane, dont le succès ne se dément pas: Mama Roro et Papa Penu. À l’appui de cette hypothèse on peut citer aussi la célébrité durable acquise par l’adaptation en reo mā’ohi du Bourgeois gentilhomme par John Mairai: Te Manu tāne. [End Page 155] Parallèlement à cette veine traditionnelle, un groupe de jeunes gens à l’origine d’une “renaissance culturelle” à Tahiti dans les années 1970, s’est inspiré de la forme occidentale du théâtre pour faire vivre la Maison de la Culture, créée à la même époque (1972), et dynamiser la vie culturelle. Cette entreprise a connu un coup d’arrêt dans les années 1980. En effet, leurs créations pouvaient apparaître subversives aux yeux du pouvoir politique. La mort avant l’heure d’un personnage charisma-tique, Henri Hiro, poète, dramaturge, réalisateur de films, homme engagé, a aussi contribué à mettre en sommeil une création théâtrale par ailleurs fortement dépen-dante des subventions des pouvoirs publics. Les réalisations se partageaient entre adaptations et créations, pour la plupart d’entre ell
{"title":"Le théâtre en Polynésie française: Bibliographie critique","authors":"Sylvie André","doi":"10.1353/nef.2023.a905929","DOIUrl":"https://doi.org/10.1353/nef.2023.a905929","url":null,"abstract":"Le théâtre en Polynésie françaiseBibliographie critique Sylvie André Plutôt que le théâtre proprement dit, il apparaît plus opportun d’envisager les réalisations de la théâtralité en Polynésie française. En effet, la notion de théâtre telle que nous l’entendons en Europe correspond à peu de réalisations dans le Pays de la part d’écrivains confirmés. Il semble que l’on puisse rattacher la plupart des manifestations de théâtralité actuelles à une très ancienne institution, évoquée par les “découvreurs occidentaux” de la Polynésie française, la secte des Ariois. Intéressés par cette coutume, les premiers ethnographes William Ellis, J.A. Morenhout et Teuira Henry, n’en demeurent pas moins très circonspects lorsqu’ils la décrivent. Segalen dépeint une troupe itinérante de prêtres et de comédiens, participant activement aux cérémonies religieuses mais donnant aussi des spectacles profanes au ton licencieux et provocateur. On peut faire référence à cette tradition à propos du renouveau du ’Orero, pièce déclamatoire accompagnée d’une pantomime. À l’époque précoloniale, celui-ci était uniquement interprété à l’occasion de représentations collectives mêlant la musique, la danse, le chant, le récit et le mime. Ces sortes d’opéras/ballets ont d’ailleurs survécu jusqu’à nos jours et sont toujours joués pendant le Heiva ou Tiurai devant un public de connaisseurs, les meilleures œuvres étant récompensées par des prix. Cependant le ’Orero a maintenant pris son autonomie et fait même l’objet d’un enseignement dans les collèges du pays. Ces spectacles, ’Orero et œuvres du Heiva sont en reo mā’ohi et prennent généralement pour thème une légende polynésienne. L’utilisation récente d’un thème biblique a été fortement controversée. Par ailleurs, on peut avancer l’hypothèse que les représentations satiriques des Ariois sont à rapprocher de l’engouement suscité par une pièce comique écrite en reo mā’ohi par un membre de l’Académie tahitienne, Maco Tevane, dont le succès ne se dément pas: Mama Roro et Papa Penu. À l’appui de cette hypothèse on peut citer aussi la célébrité durable acquise par l’adaptation en reo mā’ohi du Bourgeois gentilhomme par John Mairai: Te Manu tāne. [End Page 155] Parallèlement à cette veine traditionnelle, un groupe de jeunes gens à l’origine d’une “renaissance culturelle” à Tahiti dans les années 1970, s’est inspiré de la forme occidentale du théâtre pour faire vivre la Maison de la Culture, créée à la même époque (1972), et dynamiser la vie culturelle. Cette entreprise a connu un coup d’arrêt dans les années 1980. En effet, leurs créations pouvaient apparaître subversives aux yeux du pouvoir politique. La mort avant l’heure d’un personnage charisma-tique, Henri Hiro, poète, dramaturge, réalisateur de films, homme engagé, a aussi contribué à mettre en sommeil une création théâtrale par ailleurs fortement dépen-dante des subventions des pouvoirs publics. Les réalisations se partageaient entre adaptations et créations, pour la plupart d’entre ell","PeriodicalId":19369,"journal":{"name":"Nouvelles Études Francophones","volume":"26 1","pages":"0"},"PeriodicalIF":0.0,"publicationDate":"2023-01-01","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":null,"resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":"136002954","PeriodicalName":null,"FirstCategoryId":null,"ListUrlMain":null,"RegionNum":0,"RegionCategory":"","ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":"","EPubDate":null,"PubModel":null,"JCR":null,"JCRName":null,"Score":null,"Total":0}
Pub Date : 2023-01-01DOI: 10.1353/nef.2023.a905926
Riccardo Pineri
Abstract: Cet article met en lumière l’héritage des modèles de la littérature identitaire des auteurs français récents dans la jeune littérature polynésienne francophone, mais également les identités d’emprunt puisées dans la culture indigéniste de l’Amérique latine et de la littérature postcoloniale africaine. Dans Microlectures polynésiennes (2017), le chercheur hongrois Kàroly Sandòr Pallai examine des textes d’écrivains polynésiens récents, les passant au crible de la critique postmoderne de Derrida, Deleuze et Lyotard. Cette rencontre de la critique hypermoderne occidentale et de l’écriture polynésienne est un exemple intéressant de la fabrication identitaire dans les cultures des nations postcoloniales. La fin de l’article évoque Le Sentier semé d’étoiles de Fetia Maucotel (2021), roman d’apprentissage d’un jeune auteur sino-polynésien. En quête du sens de la vie, il s’écarte du nombrilisme de toute une littérature contemporaine et retrouve la figure de l’individu problématique à la recherche de la construction du moi, essentielle dans l’histoire de la littérature, loin des “novlangues” et des indigences identitaires.
摘要:本文强调了近代法国作家在年轻的法语波利尼西亚文学中的身份文学模式的遗产,以及从拉丁美洲土著文化和后殖民非洲文学中借用的身份。在《Microlectures polynesiennes》(2017)一书中,匈牙利研究人员karoly sandor Pallai通过德里达、德勒兹和利奥塔尔的后现代批评,考察了近代波利尼西亚作家的文本。西方超现代批评与波利尼西亚写作的相遇是后殖民国家文化中身份建构的一个有趣例子。文章的结尾让人想起菲蒂亚·莫科特(Fetia Maucotel, 2021)的《星光之路》(the star trail),这是一位年轻的中波利尼西亚作家的学习小说。在寻找生命意义的过程中,他脱离了当代文学的狭隘,重新发现了问题个体的形象,在文学史上寻找自我的构建,这是必不可少的,远离了“新语言”和身份的需要。
{"title":"Fragmentation et reconstruction du moi dans la littérature francophone de la Polynésie française","authors":"Riccardo Pineri","doi":"10.1353/nef.2023.a905926","DOIUrl":"https://doi.org/10.1353/nef.2023.a905926","url":null,"abstract":"Abstract: Cet article met en lumière l’héritage des modèles de la littérature identitaire des auteurs français récents dans la jeune littérature polynésienne francophone, mais également les identités d’emprunt puisées dans la culture indigéniste de l’Amérique latine et de la littérature postcoloniale africaine. Dans Microlectures polynésiennes (2017), le chercheur hongrois Kàroly Sandòr Pallai examine des textes d’écrivains polynésiens récents, les passant au crible de la critique postmoderne de Derrida, Deleuze et Lyotard. Cette rencontre de la critique hypermoderne occidentale et de l’écriture polynésienne est un exemple intéressant de la fabrication identitaire dans les cultures des nations postcoloniales. La fin de l’article évoque Le Sentier semé d’étoiles de Fetia Maucotel (2021), roman d’apprentissage d’un jeune auteur sino-polynésien. En quête du sens de la vie, il s’écarte du nombrilisme de toute une littérature contemporaine et retrouve la figure de l’individu problématique à la recherche de la construction du moi, essentielle dans l’histoire de la littérature, loin des “novlangues” et des indigences identitaires.","PeriodicalId":19369,"journal":{"name":"Nouvelles Études Francophones","volume":"20 1","pages":"0"},"PeriodicalIF":0.0,"publicationDate":"2023-01-01","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":null,"resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":"136003153","PeriodicalName":null,"FirstCategoryId":null,"ListUrlMain":null,"RegionNum":0,"RegionCategory":"","ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":"","EPubDate":null,"PubModel":null,"JCR":null,"JCRName":null,"Score":null,"Total":0}
Pub Date : 2023-01-01DOI: 10.1353/nef.2023.a905945
Cynthia Volanosy Parfait
Reviewed by: Nassur Attoumani. Du théâtre satirique aux contes pédagogiques (1992–2022) by Linda Rasoamanana Cynthia Volanosy Parfait Rasoamanana, Linda. Nassur Attoumani. Du théâtre satirique aux contes pédagogiques (1992–2022). Paris, Les Éditions du Cerf, 2022. ISBN 9782204153270. 210 p. L’espace littéraire indianocéanique se félicite de la parution de l’ouvrage de synthèse sur un des grands écrivains de la zone, le Mahorais Nassur Attoumani. L’ouvrage est signé par Linda Rasoamanana dont les études sérieuses sur l’archipel des Comores et sa littérature19 lui assurent toute légitimité. Les œuvres d’Attoumani ont fait l’objet d’intéressantes publications; trois décennies de création ininterrompue au cœur de la toute jeune littérature mahoraise suscitent forcément l’engouement des universitaires. L’heure est donc à la restitution et l’auteure l’a très bien compris; “d’où cet essai qui vise à mettre en contexte (archipélique et indianocéanique) et en perspective (intertextuelle et réticulaire) trente années de création” (13). L’ouvrage retrace les productions de l’écrivain mahorais de la parution de sa comédie de mœurs, La [End Page 248] Fille du polygame en 1992, jusqu’en 2022 avec ses contes plurilingues déjà publiés ou en cours de publication. Dès l’introduction, l’auteure inscrit à juste titre la création de l’écrivain dans son environnement direct, une création profondément ancrée dans l’archipel d’origine et tournée ouvertement vers les îles-sœurs. Dans la première partie, Rasoamanana propose une notice biographique de l’écrivain en insistant sur les éléments qui ont nourri les premières productions de ce dernier. Cette notice est suivie de repères chronologiques, présentés sous forme de tableaux, qui rappellent les anthologies ainsi que les manuels littéraires où les publications d’écrivains sont immédiatement circonscrites dans des événements socioculturels et politiques. La deuxième partie, “Lectures critiques des œuvres publiées: de 1992–2022,” qui s’étale sur une centaine de pages, constitue le nœud de l’ouvrage. L’auteure double la lecture générique des productions attoumaniennes d’une analyse thématique permettant d’en saisir la portée dans le paysage littéraire de l’océan Indien. Le découpage par genre proposé, “Panorama générique,” est composé d’un résumé ciblé et commenté de chacune des œuvres intelligemment reliées entre elles pour ainsi attester la maturation dans la pratique du genre. Pour rappel, l’écrivain mahorais compte à son actif cinq pièces de théâtre—La Fille du polygame (1992), Le Turban et la capote (1997), Interview d’un macchabée (2000), Entre les mailles du diable (2005), Autopsie d’un macchabée (2009)—et “[a]u fil des parutions,” souligne l’auteure, “le ratio/scènes devient plus maîtrisé, les dialogues plus percutants, le rire plus oblique et subtil” (44). Avec ses premiers romans Le Calvaire des baobabs et Nerf de bœuf, parus en 2000, Attoumani revient, par ailleurs, sur la colonisation et l’esclavagisme. Or, si
{"title":"Nassur Attoumani. Du théâtre satirique aux contes pédagogiques (1992–2022) by Linda Rasoamanana (review)","authors":"Cynthia Volanosy Parfait","doi":"10.1353/nef.2023.a905945","DOIUrl":"https://doi.org/10.1353/nef.2023.a905945","url":null,"abstract":"Reviewed by: Nassur Attoumani. Du théâtre satirique aux contes pédagogiques (1992–2022) by Linda Rasoamanana Cynthia Volanosy Parfait Rasoamanana, Linda. Nassur Attoumani. Du théâtre satirique aux contes pédagogiques (1992–2022). Paris, Les Éditions du Cerf, 2022. ISBN 9782204153270. 210 p. L’espace littéraire indianocéanique se félicite de la parution de l’ouvrage de synthèse sur un des grands écrivains de la zone, le Mahorais Nassur Attoumani. L’ouvrage est signé par Linda Rasoamanana dont les études sérieuses sur l’archipel des Comores et sa littérature19 lui assurent toute légitimité. Les œuvres d’Attoumani ont fait l’objet d’intéressantes publications; trois décennies de création ininterrompue au cœur de la toute jeune littérature mahoraise suscitent forcément l’engouement des universitaires. L’heure est donc à la restitution et l’auteure l’a très bien compris; “d’où cet essai qui vise à mettre en contexte (archipélique et indianocéanique) et en perspective (intertextuelle et réticulaire) trente années de création” (13). L’ouvrage retrace les productions de l’écrivain mahorais de la parution de sa comédie de mœurs, La [End Page 248] Fille du polygame en 1992, jusqu’en 2022 avec ses contes plurilingues déjà publiés ou en cours de publication. Dès l’introduction, l’auteure inscrit à juste titre la création de l’écrivain dans son environnement direct, une création profondément ancrée dans l’archipel d’origine et tournée ouvertement vers les îles-sœurs. Dans la première partie, Rasoamanana propose une notice biographique de l’écrivain en insistant sur les éléments qui ont nourri les premières productions de ce dernier. Cette notice est suivie de repères chronologiques, présentés sous forme de tableaux, qui rappellent les anthologies ainsi que les manuels littéraires où les publications d’écrivains sont immédiatement circonscrites dans des événements socioculturels et politiques. La deuxième partie, “Lectures critiques des œuvres publiées: de 1992–2022,” qui s’étale sur une centaine de pages, constitue le nœud de l’ouvrage. L’auteure double la lecture générique des productions attoumaniennes d’une analyse thématique permettant d’en saisir la portée dans le paysage littéraire de l’océan Indien. Le découpage par genre proposé, “Panorama générique,” est composé d’un résumé ciblé et commenté de chacune des œuvres intelligemment reliées entre elles pour ainsi attester la maturation dans la pratique du genre. Pour rappel, l’écrivain mahorais compte à son actif cinq pièces de théâtre—La Fille du polygame (1992), Le Turban et la capote (1997), Interview d’un macchabée (2000), Entre les mailles du diable (2005), Autopsie d’un macchabée (2009)—et “[a]u fil des parutions,” souligne l’auteure, “le ratio/scènes devient plus maîtrisé, les dialogues plus percutants, le rire plus oblique et subtil” (44). Avec ses premiers romans Le Calvaire des baobabs et Nerf de bœuf, parus en 2000, Attoumani revient, par ailleurs, sur la colonisation et l’esclavagisme. Or, si ","PeriodicalId":19369,"journal":{"name":"Nouvelles Études Francophones","volume":"43 1","pages":"0"},"PeriodicalIF":0.0,"publicationDate":"2023-01-01","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":null,"resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":"136003164","PeriodicalName":null,"FirstCategoryId":null,"ListUrlMain":null,"RegionNum":0,"RegionCategory":"","ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":"","EPubDate":null,"PubModel":null,"JCR":null,"JCRName":null,"Score":null,"Total":0}
Pub Date : 2023-01-01DOI: 10.1353/nef.2023.a905936
Emmanuelle Eymard Traoré
Reviewed by: Écopoétiques africaines. Une expérience décoloniale des lieux by Xavier Garnier Emmanuelle Eymard Traoré Garnier, Xavier. Écopoétiques africaines. Une expérience décoloniale des lieux. Paris, Karthala, 2022. ISBN 9782811129941. 264 p. Dans un contexte d’aggravation des crises écologiques qui affectent en particulier les pays des Suds, de nombreuses études philosophiques, sociologiques et littéraires (Blanc, 2008; Collot, 2014; David, 2013; Ferdinand, 2019; Latour, 2017; Collectif ZoneZadir, 2021; Schoentjes, 2015) développent des réflexions depuis la localité et dans le sillage de la sociocritique (Westphal, 2007), proposant de nouvelles perspectives intellectuelles. Dans le domaine de la littérature plus spécifiquement, l’écopoétique renvoie pour sa part au fait “de prêter particulièrement attention aux constructions discursives, énonciatives et narratives des questions environnementales en contexte littéraire” (Defraeye et Lepage 9). Professeur de littérature comparée, Xavier Garnier s’intéresse depuis quelques années à ce domaine, comme l’attestent notamment ses nombreux articles, le dynamisme du collectif universitaire ZoneZadir3 auquel il appartient, ou encore l’ouvrage dont il est ici question. De fait, Écopoétiques africaines se présente comme une somme théorique autant que comme une nouvelle proposition critique à laquelle l’auteur nous enjoint à réfléchir en analysant de nombreux textes africains essentiellement narratifs et poétiques, de Léopold Sédar Senghor à In Koli Jean Bofane. Appréhendées depuis les lieux que les textes campent, les œuvres littéraires s’entendent comme des espaces de résistance qui permettent “de ramener les Modernes sur terre, de les détacher de leur acosmisme, pour les mettre au contact des écosystèmes” (13). En posant un regard chronologique sur un vaste corpus africain, l’universitaire parisien fait état de trois moments qui constituent les trois parties de l’ouvrage. Dans une première partie, Garnier analyse des textes littéraires issus de l’époque coloniale ou juste postérieure, à la “morsure des lieux, cette insurrection écopoétique des lieux sous le glacis impérial” (23), tandis que s’affrontent textes coloniaux, qui figent et folklorisent les lieux, et textes locaux qui entendent les revitaliser. La démonstration concernant l’œuvre de Senghor, notamment Chant d’ombre (1945), [End Page 213] propose une approche renouvelée de la production du chantre de la négritude en l’appréhendant comme “une poésie spirituelle et incarnée” (46), qui tire sa force, son énergie, de ce qui l’entoure, de la nature: “Le lyrisme senghorien est tactile, c’est un flux qui enveloppe la réalité pour en extraire, par friction, de précieuses pail-lettes/Le lyrisme senghorien est donc d’abord un vertige” (46). Ces “paillettes” peuvent être réinvesties au présent et régénérer l’avenir, tandis que l’on touche du doigt ce que le lyrisme de Senghor transmet. Or, selon le chercheur, le toucher est le sens caractéristique des
{"title":"Écopoétiques africaines. Une expérience décoloniale des lieux by Xavier Garnier (review)","authors":"Emmanuelle Eymard Traoré","doi":"10.1353/nef.2023.a905936","DOIUrl":"https://doi.org/10.1353/nef.2023.a905936","url":null,"abstract":"Reviewed by: Écopoétiques africaines. Une expérience décoloniale des lieux by Xavier Garnier Emmanuelle Eymard Traoré Garnier, Xavier. Écopoétiques africaines. Une expérience décoloniale des lieux. Paris, Karthala, 2022. ISBN 9782811129941. 264 p. Dans un contexte d’aggravation des crises écologiques qui affectent en particulier les pays des Suds, de nombreuses études philosophiques, sociologiques et littéraires (Blanc, 2008; Collot, 2014; David, 2013; Ferdinand, 2019; Latour, 2017; Collectif ZoneZadir, 2021; Schoentjes, 2015) développent des réflexions depuis la localité et dans le sillage de la sociocritique (Westphal, 2007), proposant de nouvelles perspectives intellectuelles. Dans le domaine de la littérature plus spécifiquement, l’écopoétique renvoie pour sa part au fait “de prêter particulièrement attention aux constructions discursives, énonciatives et narratives des questions environnementales en contexte littéraire” (Defraeye et Lepage 9). Professeur de littérature comparée, Xavier Garnier s’intéresse depuis quelques années à ce domaine, comme l’attestent notamment ses nombreux articles, le dynamisme du collectif universitaire ZoneZadir3 auquel il appartient, ou encore l’ouvrage dont il est ici question. De fait, Écopoétiques africaines se présente comme une somme théorique autant que comme une nouvelle proposition critique à laquelle l’auteur nous enjoint à réfléchir en analysant de nombreux textes africains essentiellement narratifs et poétiques, de Léopold Sédar Senghor à In Koli Jean Bofane. Appréhendées depuis les lieux que les textes campent, les œuvres littéraires s’entendent comme des espaces de résistance qui permettent “de ramener les Modernes sur terre, de les détacher de leur acosmisme, pour les mettre au contact des écosystèmes” (13). En posant un regard chronologique sur un vaste corpus africain, l’universitaire parisien fait état de trois moments qui constituent les trois parties de l’ouvrage. Dans une première partie, Garnier analyse des textes littéraires issus de l’époque coloniale ou juste postérieure, à la “morsure des lieux, cette insurrection écopoétique des lieux sous le glacis impérial” (23), tandis que s’affrontent textes coloniaux, qui figent et folklorisent les lieux, et textes locaux qui entendent les revitaliser. La démonstration concernant l’œuvre de Senghor, notamment Chant d’ombre (1945), [End Page 213] propose une approche renouvelée de la production du chantre de la négritude en l’appréhendant comme “une poésie spirituelle et incarnée” (46), qui tire sa force, son énergie, de ce qui l’entoure, de la nature: “Le lyrisme senghorien est tactile, c’est un flux qui enveloppe la réalité pour en extraire, par friction, de précieuses pail-lettes/Le lyrisme senghorien est donc d’abord un vertige” (46). Ces “paillettes” peuvent être réinvesties au présent et régénérer l’avenir, tandis que l’on touche du doigt ce que le lyrisme de Senghor transmet. Or, selon le chercheur, le toucher est le sens caractéristique des ","PeriodicalId":19369,"journal":{"name":"Nouvelles Études Francophones","volume":"20 1","pages":"0"},"PeriodicalIF":0.0,"publicationDate":"2023-01-01","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":null,"resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":"136003166","PeriodicalName":null,"FirstCategoryId":null,"ListUrlMain":null,"RegionNum":0,"RegionCategory":"","ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":"","EPubDate":null,"PubModel":null,"JCR":null,"JCRName":null,"Score":null,"Total":0}
Reviewed by: Jacques Audiard by Gemma King Erin Tremblay Ponnou-Delaffon and Erin Tremblay Ponnou-Delaffon King, Gemma. Jacques Audiard. Manchester, Manchester UP, 2021. French Film Directors Series. ISBN 9781526133007. 188 p. Première monographie consacrée au célèbre réalisateur, scénariste et producteur français, Jacques Audiard de Gemma King représente une contribution substantielle aux études cinématographiques. L’ouvrage poursuit la tendance—observée tant dans les travaux antérieurs de l’auteure que dans ce domaine de recherche en général—qui s’attache à décentrer la France et le cinéma national dans le but de privilégier une perspective transnationale. D’ailleurs, l’inclusion de ce volume dans la série “French Film Directors” s’avère intéressante car, comme l’auteure nous le démontre, l’œuvre d’Audiard englobe et dépasse, voire problématise, à la fois les trois termes, “français,” “film” et “réalisateurs.” La démarche de King s’inspire du cinéma d’Audiard, prenant les limites, les barrières et les frontières—ainsi que leur traversée, leur transgression et leur démantèlement—comme motif central et comme élément structurant du livre. Selon sa thèse, appuyée avec brio, l’art d’Audiard serait un cinéma qui “dépasse les frontières” (5),4 et ce sur plusieurs plans: thématique, esthétique, linguistique, genré, socioculturel, générique, théorique et national. Ainsi, Audiard et ses films occupentils une position double et parfois paradoxale qui renforce et repense en même temps nos catégories traditionnelles: Situés quelque part entre les films d’art et d’essai et ceux de la série B, le français et le transnational, le féministe et le patriarcal, le familier et l’innovant, les personnages et les films de Jacques Audiard sont à l’image de sa posture toujours changeante, insaisissable, à la fois au sein et au-delà de l’imaginaire du cinéma français. (160)5 L’analyse se décline en trois chapitres principaux: “Body” (corps), “Society” (Société) “Globe” (Globe). Cette progression du plus intime au plus mondial permet à King de souligner la variété ainsi que les enjeux des lignes physiques et symboliques transgressées dans et par le corpus d’Audiard. Chaque chapitre interroge deux ou trois longs métrages réalisés par le cinéaste, tout en se montrant attentif à son travail en tant que scénariste, producteur, monteur et ingénieur du son, ainsi [End Page 228] qu’à ses projets mineurs comme ses clips. (Paru en 2021, l’ouvrage ne tient pas compte de son dernier film, Les Olympiades (2021), co-écrit avec Céline Sciamma et Léa Mysius.) Dans l’introduction, l’auteure insiste sur la centralité des corps traumatisés et vulnérables chez Audiard. Elle contextualise son corpus en termes d’influences (notamment familiale), de collaborations et d’engagements (notamment sa participation au Club des 13 et au Collectif des cinéastes pour les sans-papiers). Elle y survole également les grandes lignes de sa filmographie. Cette introduction fait donc ressortir d’emblée une te
{"title":"Jacques Audiard by Gemma King (review)","authors":"Erin Tremblay Ponnou-Delaffon, Erin Tremblay Ponnou-Delaffon","doi":"10.1353/nef.2023.a905940","DOIUrl":"https://doi.org/10.1353/nef.2023.a905940","url":null,"abstract":"Reviewed by: Jacques Audiard by Gemma King Erin Tremblay Ponnou-Delaffon and Erin Tremblay Ponnou-Delaffon King, Gemma. Jacques Audiard. Manchester, Manchester UP, 2021. French Film Directors Series. ISBN 9781526133007. 188 p. Première monographie consacrée au célèbre réalisateur, scénariste et producteur français, Jacques Audiard de Gemma King représente une contribution substantielle aux études cinématographiques. L’ouvrage poursuit la tendance—observée tant dans les travaux antérieurs de l’auteure que dans ce domaine de recherche en général—qui s’attache à décentrer la France et le cinéma national dans le but de privilégier une perspective transnationale. D’ailleurs, l’inclusion de ce volume dans la série “French Film Directors” s’avère intéressante car, comme l’auteure nous le démontre, l’œuvre d’Audiard englobe et dépasse, voire problématise, à la fois les trois termes, “français,” “film” et “réalisateurs.” La démarche de King s’inspire du cinéma d’Audiard, prenant les limites, les barrières et les frontières—ainsi que leur traversée, leur transgression et leur démantèlement—comme motif central et comme élément structurant du livre. Selon sa thèse, appuyée avec brio, l’art d’Audiard serait un cinéma qui “dépasse les frontières” (5),4 et ce sur plusieurs plans: thématique, esthétique, linguistique, genré, socioculturel, générique, théorique et national. Ainsi, Audiard et ses films occupentils une position double et parfois paradoxale qui renforce et repense en même temps nos catégories traditionnelles: Situés quelque part entre les films d’art et d’essai et ceux de la série B, le français et le transnational, le féministe et le patriarcal, le familier et l’innovant, les personnages et les films de Jacques Audiard sont à l’image de sa posture toujours changeante, insaisissable, à la fois au sein et au-delà de l’imaginaire du cinéma français. (160)5 L’analyse se décline en trois chapitres principaux: “Body” (corps), “Society” (Société) “Globe” (Globe). Cette progression du plus intime au plus mondial permet à King de souligner la variété ainsi que les enjeux des lignes physiques et symboliques transgressées dans et par le corpus d’Audiard. Chaque chapitre interroge deux ou trois longs métrages réalisés par le cinéaste, tout en se montrant attentif à son travail en tant que scénariste, producteur, monteur et ingénieur du son, ainsi [End Page 228] qu’à ses projets mineurs comme ses clips. (Paru en 2021, l’ouvrage ne tient pas compte de son dernier film, Les Olympiades (2021), co-écrit avec Céline Sciamma et Léa Mysius.) Dans l’introduction, l’auteure insiste sur la centralité des corps traumatisés et vulnérables chez Audiard. Elle contextualise son corpus en termes d’influences (notamment familiale), de collaborations et d’engagements (notamment sa participation au Club des 13 et au Collectif des cinéastes pour les sans-papiers). Elle y survole également les grandes lignes de sa filmographie. Cette introduction fait donc ressortir d’emblée une te","PeriodicalId":19369,"journal":{"name":"Nouvelles Études Francophones","volume":"15 1","pages":"0"},"PeriodicalIF":0.0,"publicationDate":"2023-01-01","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":null,"resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":"136003169","PeriodicalName":null,"FirstCategoryId":null,"ListUrlMain":null,"RegionNum":0,"RegionCategory":"","ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":"","EPubDate":null,"PubModel":null,"JCR":null,"JCRName":null,"Score":null,"Total":0}
Pub Date : 2023-01-01DOI: 10.1353/nef.2023.a905928
Jean Bessière
Notes sur Nicolas Kurtovitch et Good Night FriendCulture kanak, traumatismes et reconstitution de la tradition Jean Bessière (bio) Le bref roman de Nicolas Kurtovitch, Good Night Friend (2006), peut certainement être lu suivant une ligne organisatrice et quasiment argumentative nette: dans la société kanak de la Nouvelle-Calédonie, un mari tue l’homme qui a très largement importuné sa femme, laquelle dépérit à la suite d’un sort jeté par celui-ci. Le mari est lui-même tué par un membre de la famille de cet homme, faute d’avoir observé les règles de la demande de pardon kanak. De plus, la fille du premier meur-trier subit des violences de genre, dirait-on dans un vocabulaire que n’utilise pas Kurtovitch, alors qu’elle recherche son frère aîné, seul capable d’éviter le meurtre du Père. Dila, l’épouse victime du sort jeté, trouve en conclusion du récit, après la mort de son mari, un rôle essentiel dans l’illustration du pouvoir de la tradition culturelle. Ce pouvoir peut être celui de donner un plein droit de cité à la femme; elle reçoit ce plein droit de cité et symbolise ultimement le lien tribal, le lien avec la nature, le lien avec le temps. Elle devient une sorte de vaste figure herméneutique, parfaite médiation de l’interprétation de tout ce qui s’est passé dans le roman. Cette conclusion soulève un dernier point remarquable: cette femme reçoit ce pouvoir d’un vieillard, isolé dans la montagne, figure de la lignée des chefs de la tribu à laquelle ont appartenu le père et les ancêtres de son mari, premier meurtrier. Loin d’être exhaustif, ce résumé de l’intrigue comporte des blancs à cause de sa simplicité et des silences du roman même. On ne sait pas comment on va du mari meurtrier et finalement tué à cette place centrale ultimement prêtée à sa femme, dans l’isolement, faut-il ajouter. On ne le sait pas parce qu’il n’est jamais prêté, sauf à la conclusion, une parole explicative à cette femme. Viennent s’ajouter d’autres omissions: aussi explicites que soient les liens familiaux, ou apparentés à la famille centrale du roman, les rapports entre les personnages, certes souvent manifestes, ne sont pas toujours exactement précisés. Cela traduit une sorte d’égalité de ces personnages dans l’énonciation ou dans le fil narratif du roman. Comme s’impose la question de la parole explicative de la mère, s’impose aussi pour le lecteur de connaître la raison de ce traitement égal des personnages, qui conduit à une difficile identification des énonciateurs de tel ou tel passage. [End Page 148] À rebours de ces questions implicitement attachées au récit, le roman pose expressément, par le biais des personnages du père et de sa fille Léa, la question du changement de nom de cette famille; un changement d’abord tenu pour révélateur d’une faute: les ancêtres avaient pris le parti des colonisateurs et changé de nom, rompant le lien à la terre (63). Si tel est le souvenir du passé de la famille, le lien à la tradition est perdu. Le roman de Kurtovitch n’a plus m
笔记上尼古拉斯Kurtovitch和Good Night FriendCulture卡纳克、创伤和重建,让传统Bessière (Nicolas Kurtovitch bio)短暂的小说《Good Night Friend》(2006),几乎肯定可以读一条组织者和净argumentative:新喀里多尼亚卡纳克社会中,一个丈夫杀死的那个人已经非常广泛的妻子拿结婚,其中整死后,奠定了它的命运。丈夫本人被这个男人的家人杀害,因为他没有遵守卡纳克宽恕请求的规则。此外,第一个杀人犯的女儿正在遭受性别暴力,这是库尔托维奇没有使用的词汇,因为她正在寻找她的哥哥,唯一能够阻止父亲被谋杀的哥哥。Dila是命运的受害者,在她丈夫死后,她在故事的结尾发现了一个重要的角色,说明了文化传统的力量。这种权力可以是给予妇女充分的权利;它被赋予了城市的全部权利,最终象征着部落的联系,与自然的联系,与时间的联系。她成为了一种巨大的解释学人物,完美地诠释了小说中发生的一切。这个结论引出了最后一个值得注意的观点:这个女人从一个被孤立在山区的老人那里获得了这种权力,他是她的第一个谋杀丈夫的父亲和祖先所属的部落首领的后裔。这个情节总结远不是详尽无遗的,因为它的简单和小说本身的沉默,有一些空白。我们不知道一个人是如何从谋杀的丈夫,最终在这个中心位置被杀害,最终借给他的妻子,在孤立中,我们必须补充。我们不知道,因为除了最后,从来没有人对这个女人说过一句解释性的话。除此之外,还有其他的遗漏:尽管家庭关系很明确,或者与小说的核心家庭有关,但人物之间的关系,虽然经常很明显,但并不总是精确地定义。这反映了这些人物在小说的发音或叙事线索上的某种平等。正如母亲的解释性话语问题所强调的那样,读者也有必要知道为什么对人物的平等对待会导致很难识别特定段落的作者。与这些隐含在故事中的问题相反,小说通过父亲和女儿lea的角色明确地提出了这个家庭改名的问题;这种变化最初被认为揭示了一个错误:祖先站在殖民者一边,改变了名字,切断了与土地的联系(63)。如果这是对家族过去的记忆,那么与传统的联系就失去了。库尔托维奇的小说已经没有任何意义了。然而,它确实有一个目的,那就是确认传统的一致性和与土地的联系。组织线和明显的白色线的二元性说明了小说很难平衡卡纳克文化,没有卡纳克特征的日常生活文化,以及新喀里多尼亚的互动。然而,在小说中,对卡纳克文化的充分承认代表了解释的路线和解释学的力量,这一事实减轻了这一困难,即使许多细节逃脱了这条路线或与之相矛盾有一个问题是,卡纳克数据和…
{"title":"Notes sur Nicolas Kurtovitch et Good Night Friend : Culture kanak, traumatismes et reconstitution de la tradition","authors":"Jean Bessière","doi":"10.1353/nef.2023.a905928","DOIUrl":"https://doi.org/10.1353/nef.2023.a905928","url":null,"abstract":"Notes sur Nicolas Kurtovitch et Good Night FriendCulture kanak, traumatismes et reconstitution de la tradition Jean Bessière (bio) Le bref roman de Nicolas Kurtovitch, Good Night Friend (2006), peut certainement être lu suivant une ligne organisatrice et quasiment argumentative nette: dans la société kanak de la Nouvelle-Calédonie, un mari tue l’homme qui a très largement importuné sa femme, laquelle dépérit à la suite d’un sort jeté par celui-ci. Le mari est lui-même tué par un membre de la famille de cet homme, faute d’avoir observé les règles de la demande de pardon kanak. De plus, la fille du premier meur-trier subit des violences de genre, dirait-on dans un vocabulaire que n’utilise pas Kurtovitch, alors qu’elle recherche son frère aîné, seul capable d’éviter le meurtre du Père. Dila, l’épouse victime du sort jeté, trouve en conclusion du récit, après la mort de son mari, un rôle essentiel dans l’illustration du pouvoir de la tradition culturelle. Ce pouvoir peut être celui de donner un plein droit de cité à la femme; elle reçoit ce plein droit de cité et symbolise ultimement le lien tribal, le lien avec la nature, le lien avec le temps. Elle devient une sorte de vaste figure herméneutique, parfaite médiation de l’interprétation de tout ce qui s’est passé dans le roman. Cette conclusion soulève un dernier point remarquable: cette femme reçoit ce pouvoir d’un vieillard, isolé dans la montagne, figure de la lignée des chefs de la tribu à laquelle ont appartenu le père et les ancêtres de son mari, premier meurtrier. Loin d’être exhaustif, ce résumé de l’intrigue comporte des blancs à cause de sa simplicité et des silences du roman même. On ne sait pas comment on va du mari meurtrier et finalement tué à cette place centrale ultimement prêtée à sa femme, dans l’isolement, faut-il ajouter. On ne le sait pas parce qu’il n’est jamais prêté, sauf à la conclusion, une parole explicative à cette femme. Viennent s’ajouter d’autres omissions: aussi explicites que soient les liens familiaux, ou apparentés à la famille centrale du roman, les rapports entre les personnages, certes souvent manifestes, ne sont pas toujours exactement précisés. Cela traduit une sorte d’égalité de ces personnages dans l’énonciation ou dans le fil narratif du roman. Comme s’impose la question de la parole explicative de la mère, s’impose aussi pour le lecteur de connaître la raison de ce traitement égal des personnages, qui conduit à une difficile identification des énonciateurs de tel ou tel passage. [End Page 148] À rebours de ces questions implicitement attachées au récit, le roman pose expressément, par le biais des personnages du père et de sa fille Léa, la question du changement de nom de cette famille; un changement d’abord tenu pour révélateur d’une faute: les ancêtres avaient pris le parti des colonisateurs et changé de nom, rompant le lien à la terre (63). Si tel est le souvenir du passé de la famille, le lien à la tradition est perdu. Le roman de Kurtovitch n’a plus m","PeriodicalId":19369,"journal":{"name":"Nouvelles Études Francophones","volume":"72 2 1","pages":"0"},"PeriodicalIF":0.0,"publicationDate":"2023-01-01","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":null,"resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":"136003171","PeriodicalName":null,"FirstCategoryId":null,"ListUrlMain":null,"RegionNum":0,"RegionCategory":"","ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":"","EPubDate":null,"PubModel":null,"JCR":null,"JCRName":null,"Score":null,"Total":0}
Pub Date : 2023-01-01DOI: 10.1353/nef.2023.a905941
Chloé Vettier
Reviewed by: Geometry and Jean Genet: Shaping the Subject by Joanne Brueton Chloé Vettier Brueton, Joanne. Geometry and Jean Genet: Shaping the Subject. Cambridge (UK), Modern Humanities Research Association, 2022. ISBN 9781781884522. 181 p. Avec Geometry and Jean Genet: Shaping the Subject (2022), Joanne Brueton s’inscrit dans un courant de la critique littéraire inspiré de la “French Theory.” Celleci constitue d’ailleurs un thème capital de l’ouvrage, à tel point que, comme le suggère le titre, Jean Genet s’en trouve parfois relégué à une place secondaire. De fait, Brueton travaille avec une égale énergie à souligner l’importance qu’occupent [End Page 231] les formes géométriques dans les écrits de Genet ainsi que dans ceux de Roland Barthes, Hélène Cixous, Jacques Derrida, Gilles Deleuze et Félix Guattari, Michel Foucault, ou encore Jean-Luc Nancy. En lisant ces textes côte à côte, elle rend compte de l’objet impossible que constitue la subjectivité selon Genet, celle-ci ne se laissant jamais appréhender par des unités métriques ou des normes établies. Plus précisément, les formes géométriques qui constellent l’œuvre de Genet dessinent un sujet solitaire et irréductible (avec le point), à la fois affilié et fuyant (avec la ligne), échappant à toute orientation prédéterminée (avec la diagonale), et qui demeure libre malgré les tentatives d’enfermement (avec la grille et le cercle). Faisant chacune l’objet d’un chapitre, ces figures reflètent paradoxalement l’instabilité et l’incertitude caractéristiques du sujet selon Genet. Le premier chapitre est consacré au point, soit “là où la géométrie commence” selon Brueton (13).11 Défini par Euclide comme “ce qui n’a pas de parties” (13),12 le point représente chez Genet l’isolement et l’inaccessibilité du sujet. Le person-nage appelé “Lou-du-Point-du-Jour,” que le narrateur de Miracle de la Rose dépeint comme “le plus isolé de nous par son nom” (Genet, Miracle 238) incarne, à titre d’exemple, cette singularité irréductible qui caractérise le point géométrique. Dans son fonctionnement, le point genétien offre une version textuelle du punctum de Barthes, en ce qu’il constitue “ce hasard qui [. . .] me point (mais aussi me meurtrit, me poigne)” (Barthes 809). Mais si la radicale subjectivité des personnages genétiens suscite chez la lectrice un rapprochement affectif, elle est aussi ce qui la tient à distance. Chez Genet, ce qui poigne est tout autant insaisissable, le point genétien opérant de façon ambiguë: il pique notre intérêt en même temps qu’il le blesse. Pour Genet, la rencontre avec l’autre constitue d’ailleurs une blessure pour le moi. Telles les stigmata de Cixous, le point genétien perfore le langage tout en rendant la blessure lisible, de telle sorte qu’avec Genet, “on entre en littérature par lésion” (Cixous s.p.). Car la blessure permet de s’identifier aux personnages, d’atteindre, comme le dit Genet dans L’Atelier d’Alberto Giacometti, “ce point précieux où l’être humain serait ramené à c
Reviewed by:任务中and Jean Genet: the stairs塑造by chloe Joanne Brueton Vettier Brueton,乔安妮。= =地理= =根据美国人口普查,这个县的总面积为,其中土地和(3.064平方公里)水。英国剑桥,现代人文研究协会,2022年。en 9781781884522。在《几何与让·热内:塑造主题》(2022)一书中,乔安妮·布鲁顿加入了受“法国理论”启发的文学批评潮流。事实上,这是这本书的一个主要主题,以至于正如书名所暗示的那样,让·热内有时被置于次要地位。事实上,布鲁顿同样努力地强调几何形式在热内、罗兰·巴特、helene Cixous、雅克·德里达、吉尔斯·德勒兹和felix Guattari、米歇尔·福柯和让-卢克·南希的作品中的重要性。当她并排阅读这些文本时,她意识到主体性是一个不可能的对象,根据Genet的说法,主体性从来没有被公制单位或既定的规范所理解。更具体地说,构成Genet作品的几何形状描绘了一个孤独的、不可简化的主体(用点),既附属于又逃避(用线),逃避任何预先确定的方向(用对角线),尽管试图封闭(用网格和圆),但它仍然是自由的。根据Genet的说法,这些人物矛盾地反映了主题的不稳定性和不确定性。第一章是关于布鲁顿(13)所说的“几何学开始的地方”。欧几里得将点定义为“没有部分的东西”(13),12在Genet中,点代表了主体的孤立和不可接近。《玫瑰奇迹》(Miracle of the Rose)的叙述者将他描述为“名字上与我们最孤立的人”(Genet, Miracle 238),作为一个例子,体现了几何点特征的不可简化的奇点。在它的工作中,创世纪点提供了巴特点的一个文本版本,因为它构成了“这个机会[…]点我(但也伤害我,抓住我)”(巴特809)。但是,如果《创世纪》中人物的激进主观性让读者产生了一种情感上的接近,这也是使她保持距离的原因。在Genet的作品中,尖锐的东西同样难以捉摸,genetian的观点以一种模糊的方式运作:它既伤害我们的利益,也伤害我们的利益。对Genet来说,与他人的相遇也是对自我的伤害。就像Cixous的stigmata一样,genetian point在使伤口可读的同时刺穿了语言,所以在Genet中,“我们通过损伤进入文学”(Cixous s.p.)。正如Genet在alberto Giacometti的工作室中所说,受伤使我们能够认同角色,达到“一个宝贵的点,在这个点上,人类将被带回他最不可还原的东西:他与他人完全相同的孤独”(51)。然而,点的图形提醒我们,与他人的识别和交流是有限的。因此,要打破角色们试图表达自己的孤独撤退是不可能的。热内的主体性就像一个盲点——用德里达在《盲人的记忆》(57)中的话说,就是一个盲点——因为我们必须采取的退后一步矛盾地使任何形式的语言都不可能。这一点的其他表现强化了一种印象,即人物的沉默和孤独是不可挽回的。这些人物,就像《花之圣母院》的叙述者踮着脚尖飞一样,实际上已经沦为隐身和沉默。没有舞蹈是真正芭蕾的起源,la pointe也是一种不可言说的表达,一种不可能……
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