{"title":"“L’Écrivain, c’est le miroir de sa société”: Entretien avec la romancière camerounaise Djaïli Amadou Amal","authors":"Djaïli Amadou Amal, Charlotte Mackay","doi":"10.1353/nef.2023.a905933","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"“L’Écrivain, c’est le miroir de sa société”Entretien avec la romancière camerounaise Djaïli Amadou Amal Djaïli Amadou Amal (bio) and Charlotte Mackay (bio) Cet entretien a été réalisé via téléconférence (Zoom) le 21 décembre 2022. Suite à la retranscription de l’enregistrement, certaines parties ont été sélectionnées et adaptées à la publication, avec l’accord de l’autrice. Figurant parmi les plumes contemporaines camerounaises et africaines les plus connues et célébrées, Djaïli Amadou Amal est née en 1975 dans la communauté peule de Maroua à l’extrême nord du Cameroun. Bien qu’elle soit issue d’un milieu aisé, sa vie n’est pas facile. Adolescente, elle est mariée de force à un premier époux bien plus âgé qu’elle. Si elle réussit à s’extraire de cette première union, son second mariage ne sera pas plus épanouissant à cause d’un mari violent qui, au moment de leur rupture, enlève leurs deux filles. Amadou Amal s’installe à Yaoundé où elle intègre le Cercle de la Nolica (Nouvelle littérature camerounaise) et participe aux ateliers de l’écriture pendant plus d’une année, puis elle vend ses bijoux pour financer son projet littéraire. Son premier roman, Walaande, l’art de partager un mari, paru chez Ifrikiya en 2010, sera rapidement remarqué pour ses qualités littéraires ainsi que son engagement. Un deuxième roman, Mistiriijo, la mangeuse d’âmes, suivra trois ans plus tard. Si sa renommée est déjà bien établie au sein de l’institution littéraire camerounaise et dans d’autres pays d’Afrique francophone, c’est la réédition et la publication en France aux Éditions Emmanuelle Collas de son troisième roman Munyal, les larmes de la patience sous le titre Les Impatientes, lauréat du Prix Goncourt des Lycéens en 2020, qui la projettera au premier plan de la scène littéraire mondiale francophone. Son quatrième roman, Cœur du Sahel, vient de paraître en 2022 chez la même éditrice, et adopte à nouveau la perspective réaliste sociale désormais indissociable de l’écriture amalienne. Amadou Amal est une écrivaine résolument engagée qui prête sa voix aux sans-voix dans le but de lever le voile sur une gamme de tabous sociétaux, culturels et religieux touchant à la (sur)vie, à l’épanouissement et à la dignité des habitants de sa région natale. Ses écrits portent une attention particulière à la condition féminine, un engagement qui se trouve reflété dans les actions de son association Femmes du Sahel. Son œuvre littéraire et son parcours lui ont valu un Doctorat Honoris Causa de l’Université Sorbonne Nouvelle, le 28 novembre 2022 à Paris, un honneur qu’elle a dédié “à toutes les femmes du monde” (“Distinction” s.p.). [End Page 199] charlotte mackay: Êtes-vous venue à l’écriture ou est-ce l’écriture qui est venue à vous? Avez-vous toujours su que vous finiriez écrivaine? djaïli amadou amal: Quand on a tellement de passion pour la lecture, l’écriture vient automatiquement. J’ai toujours lu depuis l’âge de huit ans. J’ai commencé à écrire adolescente quand j’avais déjà beaucoup de difficultés avec mon corps et avec qui j’étais. J’ai, en effet, été donnée en mariage à un homme qui avait plus de cinquante ans. Cela m’a complètement brisée. Un jour, j’ai pris un agenda et je me suis mise à écrire. C’était sans préméditation et je me suis rendu compte que j’étais en train de vomir sur le papier toute la colère, toute la frustration que je ressentais. Au bout de quelques heures, je me sentais beaucoup mieux. Alors, c’est devenu une sorte de médicament, une thérapie à part entière, et il fallait que j’écrive, que je dise sur le papier tout ce que je ressentais. Finalement, je ne sais pas si c’est la littérature qui m’a trouvée ou si c’est moi qui l’ai trouvée. On...","PeriodicalId":19369,"journal":{"name":"Nouvelles Études Francophones","volume":"26 1","pages":"0"},"PeriodicalIF":0.0000,"publicationDate":"2023-01-01","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Nouvelles Études Francophones","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://doi.org/10.1353/nef.2023.a905933","RegionNum":0,"RegionCategory":null,"ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"","JCRName":"","Score":null,"Total":0}
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Abstract
“L’Écrivain, c’est le miroir de sa société”Entretien avec la romancière camerounaise Djaïli Amadou Amal Djaïli Amadou Amal (bio) and Charlotte Mackay (bio) Cet entretien a été réalisé via téléconférence (Zoom) le 21 décembre 2022. Suite à la retranscription de l’enregistrement, certaines parties ont été sélectionnées et adaptées à la publication, avec l’accord de l’autrice. Figurant parmi les plumes contemporaines camerounaises et africaines les plus connues et célébrées, Djaïli Amadou Amal est née en 1975 dans la communauté peule de Maroua à l’extrême nord du Cameroun. Bien qu’elle soit issue d’un milieu aisé, sa vie n’est pas facile. Adolescente, elle est mariée de force à un premier époux bien plus âgé qu’elle. Si elle réussit à s’extraire de cette première union, son second mariage ne sera pas plus épanouissant à cause d’un mari violent qui, au moment de leur rupture, enlève leurs deux filles. Amadou Amal s’installe à Yaoundé où elle intègre le Cercle de la Nolica (Nouvelle littérature camerounaise) et participe aux ateliers de l’écriture pendant plus d’une année, puis elle vend ses bijoux pour financer son projet littéraire. Son premier roman, Walaande, l’art de partager un mari, paru chez Ifrikiya en 2010, sera rapidement remarqué pour ses qualités littéraires ainsi que son engagement. Un deuxième roman, Mistiriijo, la mangeuse d’âmes, suivra trois ans plus tard. Si sa renommée est déjà bien établie au sein de l’institution littéraire camerounaise et dans d’autres pays d’Afrique francophone, c’est la réédition et la publication en France aux Éditions Emmanuelle Collas de son troisième roman Munyal, les larmes de la patience sous le titre Les Impatientes, lauréat du Prix Goncourt des Lycéens en 2020, qui la projettera au premier plan de la scène littéraire mondiale francophone. Son quatrième roman, Cœur du Sahel, vient de paraître en 2022 chez la même éditrice, et adopte à nouveau la perspective réaliste sociale désormais indissociable de l’écriture amalienne. Amadou Amal est une écrivaine résolument engagée qui prête sa voix aux sans-voix dans le but de lever le voile sur une gamme de tabous sociétaux, culturels et religieux touchant à la (sur)vie, à l’épanouissement et à la dignité des habitants de sa région natale. Ses écrits portent une attention particulière à la condition féminine, un engagement qui se trouve reflété dans les actions de son association Femmes du Sahel. Son œuvre littéraire et son parcours lui ont valu un Doctorat Honoris Causa de l’Université Sorbonne Nouvelle, le 28 novembre 2022 à Paris, un honneur qu’elle a dédié “à toutes les femmes du monde” (“Distinction” s.p.). [End Page 199] charlotte mackay: Êtes-vous venue à l’écriture ou est-ce l’écriture qui est venue à vous? Avez-vous toujours su que vous finiriez écrivaine? djaïli amadou amal: Quand on a tellement de passion pour la lecture, l’écriture vient automatiquement. J’ai toujours lu depuis l’âge de huit ans. J’ai commencé à écrire adolescente quand j’avais déjà beaucoup de difficultés avec mon corps et avec qui j’étais. J’ai, en effet, été donnée en mariage à un homme qui avait plus de cinquante ans. Cela m’a complètement brisée. Un jour, j’ai pris un agenda et je me suis mise à écrire. C’était sans préméditation et je me suis rendu compte que j’étais en train de vomir sur le papier toute la colère, toute la frustration que je ressentais. Au bout de quelques heures, je me sentais beaucoup mieux. Alors, c’est devenu une sorte de médicament, une thérapie à part entière, et il fallait que j’écrive, que je dise sur le papier tout ce que je ressentais. Finalement, je ne sais pas si c’est la littérature qui m’a trouvée ou si c’est moi qui l’ai trouvée. On...