{"title":"Religion et prééminence du droit dans la théorie du développement politique de Francis Fukuyama","authors":"Tristan Pouthier","doi":"10.3917/rfhip1.057.0013","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"Dans son ouvrage The Origins of Political Order paru en 2011, Francis Fukuyama élabore une théorie du développement politique qui se rattache aux vastes études comparatistes de la science politique américaine de l’après-guerre et, de façon explicite, à l’œuvre de Samuel Huntington. À la suite de Huntington, il soutient que le développement n’est pas nécessairement un phénomène unitaire qui envelopperait dans un même mouvement progrès institutionnel, progrès social et progrès économique. Cette idée est à la base de sa théorie de l’ordre politique. Celui-ci est composé selon Fukuyama de trois éléments qui, du point de vue historique, n’apparaissent, ne se maintiennent et ne disparaissent pas nécessairement ensemble : l’État, la prééminence du droit et le gouvernement représentatif. Fukuyama propose dans ce cadre une thèse originale au sujet de l’origine de la prééminence du droit : celle-ci serait un produit de la religion. Reconnaissant pleinement l’effectivité politique des idées religieuses, Fukuyama soutient que la prééminence du droit trouve son origine dans un processus de sacralisation d’un corps de règles et de principes fondamentaux de la communauté politique, qui se trouvent ainsi placés hors de portée de la volonté des décideurs politiques. Situant en Inde le modèle originel de la prééminence du droit, Fukuyama montre que celle-ci ne s’établit de façon durable qu’à la condition que les clercs jouissent d’une indépendance par rapport au pouvoir politique, et que l’État soit cependant suffisamment puissant pour assurer l’application effective du droit. Ces deux conditions n’ont été réunies qu’en Europe suite à la Réforme grégorienne.","PeriodicalId":280035,"journal":{"name":"Revue Française d'Histoire des Idées Politiques","volume":"1 1","pages":""},"PeriodicalIF":0.0000,"publicationDate":"2023-07-24","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Revue Française d'Histoire des Idées Politiques","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://doi.org/10.3917/rfhip1.057.0013","RegionNum":0,"RegionCategory":null,"ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"","JCRName":"","Score":null,"Total":0}
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Abstract
Dans son ouvrage The Origins of Political Order paru en 2011, Francis Fukuyama élabore une théorie du développement politique qui se rattache aux vastes études comparatistes de la science politique américaine de l’après-guerre et, de façon explicite, à l’œuvre de Samuel Huntington. À la suite de Huntington, il soutient que le développement n’est pas nécessairement un phénomène unitaire qui envelopperait dans un même mouvement progrès institutionnel, progrès social et progrès économique. Cette idée est à la base de sa théorie de l’ordre politique. Celui-ci est composé selon Fukuyama de trois éléments qui, du point de vue historique, n’apparaissent, ne se maintiennent et ne disparaissent pas nécessairement ensemble : l’État, la prééminence du droit et le gouvernement représentatif. Fukuyama propose dans ce cadre une thèse originale au sujet de l’origine de la prééminence du droit : celle-ci serait un produit de la religion. Reconnaissant pleinement l’effectivité politique des idées religieuses, Fukuyama soutient que la prééminence du droit trouve son origine dans un processus de sacralisation d’un corps de règles et de principes fondamentaux de la communauté politique, qui se trouvent ainsi placés hors de portée de la volonté des décideurs politiques. Situant en Inde le modèle originel de la prééminence du droit, Fukuyama montre que celle-ci ne s’établit de façon durable qu’à la condition que les clercs jouissent d’une indépendance par rapport au pouvoir politique, et que l’État soit cependant suffisamment puissant pour assurer l’application effective du droit. Ces deux conditions n’ont été réunies qu’en Europe suite à la Réforme grégorienne.