Écouvillons de smartphone comme outil en toxico-épidemiologie : évaluation des performances et des consommations lors de soirées de musique électronique en club
{"title":"Écouvillons de smartphone comme outil en toxico-épidemiologie : évaluation des performances et des consommations lors de soirées de musique électronique en club","authors":"Théo Willeman , Justine Grunwald , Marc Manceau , Frederic Lapierre , Lila Krebs-Drouot , Coralie Boudin , Virginie Scolan , Hélène Eysseric-Guerin , Françoise Stanke-Labesque , Bruno Revol","doi":"10.1016/j.toxac.2024.03.054","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"<div><h3>Objectifs</h3><p>Les smartphones sont devenus des objets du quotidien sur lesquels l’accumulation de traces papillaires latentes semble importante. Des premiers résultats ont montré l’intérêt de cette nouvelle matrice inerte en toxicologie (Willeman<!--> <!-->T et al. Toxicol Anal Clin 2023;35:335-341). Néanmoins, le risque de contamination par l’environnement de la surface du smartphone semble élevé.</p><p>L’objectif de ce travail est d’évaluer l’écouvillonnage de smartphones comme nouvelle matrice en toxico-épidémiologie en étudiant ses performances diagnostiques, par comparaison des substances détectées aux déclarations des participants.</p></div><div><h3>Méthode</h3><p>Cette étude a été menée lors de deux événements distincts (une soirée techno et une soirée trance) dans un club de musique électronique à Grenoble, en France. Des usagers de stupéfiants majeurs et volontaires participants à ces évènements ont indiqué sur un questionnaire anonyme leur consommation et s’ils sniffaient directement sur le smartphone. Ensuite, pour recueillir les traces papillaires latentes et les résidus de poudres sur les smartphones, un écouvillon sec a été frotté pendant 20 secondes sur toutes les faces du smartphone. L’extrait a été analysé par chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse en tandem sur un Xevo TQ-XS (Waters). L’acquisition en mode MRM était un screening ciblé contenant 349 substances et 166 NPS.</p><p>Les diagrammes en réseaux ont été construits et tracés à l’aide du logiciel R et de son module ggraph. Les performances diagnostiques ont également été évaluées (sensibilités, spécificités, valeurs prédictives positives, valeurs prédictives négatives). Des courbes ROC ont été réalisées avec les aires de substances, avec ou sans les métabolites, pour minimiser l’impact des contaminations.</p></div><div><h3>Résultats</h3><p>Sur chaque évènement, 61 écouvillons ont été collectés (<em>n</em> <!-->=<!--> <!-->122), représentant 6,1 % des participants totaux. Les trois principales substances identifiées étaient la MDMA (<em>n</em> <!-->=<!--> <!-->83, 68 %), la cocaïne (<em>n</em> <!-->=<!--> <!-->59, 48,4 %) et le THC (<em>n</em> <!-->=<!--> <!-->51, 41,8 %). La MDMA était la substance la plus détectée lors de la soirée techno. Entre les deux événements, la poly-exposition à des substances était plus importante dans la soirée trance, tout comme la détection de substances hallucinogènes et de cocaïne. Sur la base des données déclaratives, la sensibilité et la spécificité variaient respectivement de 73 à 97,2 % et de 71,8 à 88,1 % pour la MDMA, la cocaïne et le THC. Les valeurs prédictives négatives allaient de 85,9 % pour le THC à 96 % pour la kétamine. Ainsi, plusieurs cas de contaminations sont à souligner. D’autres substances ont été identifiées comme la phénacétine, le lévamisole ou la lidocaïne (utilisés comme adultérants à la cocaïne), la kétamine, l’amphétamine, le LSD, la méthamphétamine, le CBD, la DMT, l’héroïne, la mescaline, mais aussi plusieurs NPS (X-MMC, X-CMC, 2F-DCK, DCK, 2-CB, 5-MAPB, méthylone). Il n’a pas été possible d’identifier de la psilocine malgré 3 déclarations de consommation. La consommation de NPS a été sous déclarée par les participants, soulignant l’inadéquation entre la substance supposément achetée et la substance consommée. L’association cocaïne et kétamine (mélange Calvin Klein) a été retrouvée. Les courbes ROC sur la seule base des aires des substances n’ont pas amélioré les performances diagnostiques par rapport à l’utilisation des métabolites.</p></div><div><h3>Conclusion</h3><p>Cette preuve de concept portant sur 122 participants montre que l’analyse d’écouvillons de smartphone peut fournir un outil intéressant et complémentaire notamment pour les programmes de réduction des risques et les études de toxico-épidémiologie. Les performances diagnostiques sont acceptables malgré les données déclaratives de consommateurs. Les avantages de cette méthode sont sa procédure d’échantillonnage rapide permettant un débit important et l’utilisation de la spectrométrie de masse en tandem désormais largement répandue. Des études de stabilité doivent être menées pour une meilleure interprétation et notamment la rémanence des produits à la surface du smartphone après une consommation.</p></div>","PeriodicalId":23170,"journal":{"name":"Toxicologie Analytique et Clinique","volume":"36 2","pages":"Page S38"},"PeriodicalIF":1.8000,"publicationDate":"2024-05-16","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Toxicologie Analytique et Clinique","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2352007824000763","RegionNum":0,"RegionCategory":null,"ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"Q4","JCRName":"TOXICOLOGY","Score":null,"Total":0}
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Abstract
Objectifs
Les smartphones sont devenus des objets du quotidien sur lesquels l’accumulation de traces papillaires latentes semble importante. Des premiers résultats ont montré l’intérêt de cette nouvelle matrice inerte en toxicologie (Willeman T et al. Toxicol Anal Clin 2023;35:335-341). Néanmoins, le risque de contamination par l’environnement de la surface du smartphone semble élevé.
L’objectif de ce travail est d’évaluer l’écouvillonnage de smartphones comme nouvelle matrice en toxico-épidémiologie en étudiant ses performances diagnostiques, par comparaison des substances détectées aux déclarations des participants.
Méthode
Cette étude a été menée lors de deux événements distincts (une soirée techno et une soirée trance) dans un club de musique électronique à Grenoble, en France. Des usagers de stupéfiants majeurs et volontaires participants à ces évènements ont indiqué sur un questionnaire anonyme leur consommation et s’ils sniffaient directement sur le smartphone. Ensuite, pour recueillir les traces papillaires latentes et les résidus de poudres sur les smartphones, un écouvillon sec a été frotté pendant 20 secondes sur toutes les faces du smartphone. L’extrait a été analysé par chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse en tandem sur un Xevo TQ-XS (Waters). L’acquisition en mode MRM était un screening ciblé contenant 349 substances et 166 NPS.
Les diagrammes en réseaux ont été construits et tracés à l’aide du logiciel R et de son module ggraph. Les performances diagnostiques ont également été évaluées (sensibilités, spécificités, valeurs prédictives positives, valeurs prédictives négatives). Des courbes ROC ont été réalisées avec les aires de substances, avec ou sans les métabolites, pour minimiser l’impact des contaminations.
Résultats
Sur chaque évènement, 61 écouvillons ont été collectés (n = 122), représentant 6,1 % des participants totaux. Les trois principales substances identifiées étaient la MDMA (n = 83, 68 %), la cocaïne (n = 59, 48,4 %) et le THC (n = 51, 41,8 %). La MDMA était la substance la plus détectée lors de la soirée techno. Entre les deux événements, la poly-exposition à des substances était plus importante dans la soirée trance, tout comme la détection de substances hallucinogènes et de cocaïne. Sur la base des données déclaratives, la sensibilité et la spécificité variaient respectivement de 73 à 97,2 % et de 71,8 à 88,1 % pour la MDMA, la cocaïne et le THC. Les valeurs prédictives négatives allaient de 85,9 % pour le THC à 96 % pour la kétamine. Ainsi, plusieurs cas de contaminations sont à souligner. D’autres substances ont été identifiées comme la phénacétine, le lévamisole ou la lidocaïne (utilisés comme adultérants à la cocaïne), la kétamine, l’amphétamine, le LSD, la méthamphétamine, le CBD, la DMT, l’héroïne, la mescaline, mais aussi plusieurs NPS (X-MMC, X-CMC, 2F-DCK, DCK, 2-CB, 5-MAPB, méthylone). Il n’a pas été possible d’identifier de la psilocine malgré 3 déclarations de consommation. La consommation de NPS a été sous déclarée par les participants, soulignant l’inadéquation entre la substance supposément achetée et la substance consommée. L’association cocaïne et kétamine (mélange Calvin Klein) a été retrouvée. Les courbes ROC sur la seule base des aires des substances n’ont pas amélioré les performances diagnostiques par rapport à l’utilisation des métabolites.
Conclusion
Cette preuve de concept portant sur 122 participants montre que l’analyse d’écouvillons de smartphone peut fournir un outil intéressant et complémentaire notamment pour les programmes de réduction des risques et les études de toxico-épidémiologie. Les performances diagnostiques sont acceptables malgré les données déclaratives de consommateurs. Les avantages de cette méthode sont sa procédure d’échantillonnage rapide permettant un débit important et l’utilisation de la spectrométrie de masse en tandem désormais largement répandue. Des études de stabilité doivent être menées pour une meilleure interprétation et notamment la rémanence des produits à la surface du smartphone après une consommation.