{"title":"Apport de l’analyse toxicologique dans un cas d’exposition à la poudre de noix de muscade","authors":"","doi":"10.1016/j.toxac.2024.08.038","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"<div><h3>Objectif</h3><p>Confirmer une intoxication volontaire pauci-symptomatique à la poudre de noix de muscade.</p></div><div><h3>Historique du cas</h3><p>Un homme de 35<!--> <!-->ans dépressif traité par mirtazapine (15<!--> <!-->mg/j) et escitalopram (20<!--> <!-->mg/j) se présente spontanément aux urgences suite à la consommation volontaire, la veille, d’une quantité inconnue d’alcool et de 50 à 100<!--> <!-->g de poudre de noix de muscade. À l’admission, le patient est conscient (Glasgow 15) mais se sent « étrange » et se plaint de vertiges et d’hallucinations. Le reste du bilan clinicobiologique est sans particularité. Après avis du Centre antipoison de Paris, le patient est admis en réanimation médicale et toxicologique (RMT) pour surveillance. L’évolution rapidement favorable permet la sortie du patient après 24<!--> <!-->heures d’hospitalisation. Des prélèvements de sang et d’urines de l’admission en RMT sont transmis au laboratoire de toxicologie pour confirmer une exposition à la poudre de noix de muscade.</p></div><div><h3>Méthodes</h3><p>Un bilan toxicologique d’urgence est réalisé sur plasma et urines par méthodes immunochimiques et enzymatiques (Alinity™, Abbott), complété par un screening et une quantification par LC-HR/MS (Q Exactive Focus™, Thermo Scientific) en mode ciblé et non ciblé. L’analyse urinaire, après déconjugaison, a été complétée par un screening en chromatographie gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (GC-MS).</p></div><div><h3>Résultats</h3><p>Seul de l’éthylglucuronide urinaire à 0,15<!--> <!-->mg/L est retrouvé dans le premier bilan. Les screenings ciblés plasmatique et urinaire ont identifié de l’escitalopram, de la mirtazapine et leurs métabolites déméthylés. Les concentrations plasmatiques des antidépresseurs étaient en zone thérapeutiques. Le screening non ciblé a identifié des métabolites de phases I et II du safrole, de la myristicine et de l’élémicine, dérivés de l’allylcatéchol, composants de la noix de muscade. Dans les urines, la desmethyl-élémicine a pu être identifiée ainsi que les formes glucuro- et sulfoconjugées de l’hydroxy-safrole, de l’hydroxy-myristicine et de la desmethyl-élémicine. La présence de certains de ces différents composés a été confirmée en GC-MS. Dans le plasma, seuls des dérivés conjugués de l’hydroxy-myristicine et de la desmethyl-élémicine ont été identifiés.</p></div><div><h3>Discussion</h3><p>Les dérivés de l’allylcatéchol sont responsables des manifestations cliniques qui habituellement perdurent entre 3 et 8<!--> <!-->heures post-ingestion <span><span>[1]</span></span>. Les effets centraux décrits, dont les vertiges, hallucinations, confusion, sont en lien avec une activité <em>amphétamine-like</em> de métabolites de la myristicine et de l’élémicine tandis que les troubles cardiaques sont liés aux propriétés IMAO de la myristicine <span><span>[2]</span></span>. Chez notre patient, seuls des troubles centraux ont été observés, en accord avec la détection de métabolites des substances psychoactives contenues dans la poudre de noix de muscade consommée et en absence d’identification d’autres composés psychoactifs hormis éthanol et traitement antidépresseur. Le tableau clinique pauci-symptomatique est à relier au délai écoulé entre l’admission et l’ingestion et à la quantité ingérée, probablement plus faible que celle rapportée. Seul un screening non ciblé a permis d’identifier des marqueurs d’exposition à la noix de muscade sous forme de métabolites de phases I et II pour la première fois dans le plasma et dans l’urine.</p></div><div><h3>Conclusion</h3><p>Notre observation confirme l’intérêt d’une approche analytique non ciblée pour documenter des expositions rares et pour identifier des métabolites inconnus, comme de possibles marqueurs d’exposition tardive.</p></div>","PeriodicalId":23170,"journal":{"name":"Toxicologie Analytique et Clinique","volume":null,"pages":null},"PeriodicalIF":1.8000,"publicationDate":"2024-09-10","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Toxicologie Analytique et Clinique","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2352007824001999","RegionNum":0,"RegionCategory":null,"ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"Q4","JCRName":"TOXICOLOGY","Score":null,"Total":0}
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Abstract
Objectif
Confirmer une intoxication volontaire pauci-symptomatique à la poudre de noix de muscade.
Historique du cas
Un homme de 35 ans dépressif traité par mirtazapine (15 mg/j) et escitalopram (20 mg/j) se présente spontanément aux urgences suite à la consommation volontaire, la veille, d’une quantité inconnue d’alcool et de 50 à 100 g de poudre de noix de muscade. À l’admission, le patient est conscient (Glasgow 15) mais se sent « étrange » et se plaint de vertiges et d’hallucinations. Le reste du bilan clinicobiologique est sans particularité. Après avis du Centre antipoison de Paris, le patient est admis en réanimation médicale et toxicologique (RMT) pour surveillance. L’évolution rapidement favorable permet la sortie du patient après 24 heures d’hospitalisation. Des prélèvements de sang et d’urines de l’admission en RMT sont transmis au laboratoire de toxicologie pour confirmer une exposition à la poudre de noix de muscade.
Méthodes
Un bilan toxicologique d’urgence est réalisé sur plasma et urines par méthodes immunochimiques et enzymatiques (Alinity™, Abbott), complété par un screening et une quantification par LC-HR/MS (Q Exactive Focus™, Thermo Scientific) en mode ciblé et non ciblé. L’analyse urinaire, après déconjugaison, a été complétée par un screening en chromatographie gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (GC-MS).
Résultats
Seul de l’éthylglucuronide urinaire à 0,15 mg/L est retrouvé dans le premier bilan. Les screenings ciblés plasmatique et urinaire ont identifié de l’escitalopram, de la mirtazapine et leurs métabolites déméthylés. Les concentrations plasmatiques des antidépresseurs étaient en zone thérapeutiques. Le screening non ciblé a identifié des métabolites de phases I et II du safrole, de la myristicine et de l’élémicine, dérivés de l’allylcatéchol, composants de la noix de muscade. Dans les urines, la desmethyl-élémicine a pu être identifiée ainsi que les formes glucuro- et sulfoconjugées de l’hydroxy-safrole, de l’hydroxy-myristicine et de la desmethyl-élémicine. La présence de certains de ces différents composés a été confirmée en GC-MS. Dans le plasma, seuls des dérivés conjugués de l’hydroxy-myristicine et de la desmethyl-élémicine ont été identifiés.
Discussion
Les dérivés de l’allylcatéchol sont responsables des manifestations cliniques qui habituellement perdurent entre 3 et 8 heures post-ingestion [1]. Les effets centraux décrits, dont les vertiges, hallucinations, confusion, sont en lien avec une activité amphétamine-like de métabolites de la myristicine et de l’élémicine tandis que les troubles cardiaques sont liés aux propriétés IMAO de la myristicine [2]. Chez notre patient, seuls des troubles centraux ont été observés, en accord avec la détection de métabolites des substances psychoactives contenues dans la poudre de noix de muscade consommée et en absence d’identification d’autres composés psychoactifs hormis éthanol et traitement antidépresseur. Le tableau clinique pauci-symptomatique est à relier au délai écoulé entre l’admission et l’ingestion et à la quantité ingérée, probablement plus faible que celle rapportée. Seul un screening non ciblé a permis d’identifier des marqueurs d’exposition à la noix de muscade sous forme de métabolites de phases I et II pour la première fois dans le plasma et dans l’urine.
Conclusion
Notre observation confirme l’intérêt d’une approche analytique non ciblée pour documenter des expositions rares et pour identifier des métabolites inconnus, comme de possibles marqueurs d’exposition tardive.