C. Chevallier , A. Daveluy , H. Peyrière , V. Ferey , C. Victorri-Vigneau , S. Cherki , A. Boucher
{"title":"Les nitazènes : pharmacotoxicologie et données du réseau français d’addictovigilance","authors":"C. Chevallier , A. Daveluy , H. Peyrière , V. Ferey , C. Victorri-Vigneau , S. Cherki , A. Boucher","doi":"10.1016/j.toxac.2024.08.033","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"<div><h3>Objectif</h3><p>Décrire les propriétés pharmacotoxicologiques des nitazènes, nouveaux opioïdes de synthèse, ainsi que les conséquences sanitaires rapportées notamment en France.</p></div><div><h3>Méthodes</h3><p>Analyse de la littérature médico-scientifique relative à ces composés, ainsi que des données du réseau français d’addictovigilance, colligées jusqu’au 31/12/2023 (sans borne inférieure).</p></div><div><h3>Résultats</h3><p>Les nitazènes sont des opioïdes synthétisés à la fin des années 50 comme de potentiels médicaments antalgiques mais sans développement ni commercialisation ultérieurs. Agonistes sélectifs et affins des récepteurs μ, ils sont nettement plus puissants que la morphine avec une équianalagésie chez l’animal sans équivoque : morphine (1)<!--> <!--><<!--> <!-->métonitazène (100)<!--> <!--><<!--> <!-->protonitazène (200)<!--> <!--><<!--> <!-->isotonitazène (500)<!--> <!--><<!--> <!-->étonitazène (1000). Ce sont de puissants dépresseurs respiratoires induisant bradypnée profonde et hypoventilation marquée. Ils ont émergé sur le marché des drogues en 2019 en Europe et en 2021 en France avec 1 cas isolé, avant 2 clusters d’intoxications en Occitanie <span><span>[1]</span></span> et sur l’île de la Réunion <span><span>[2]</span></span> en 2023. Sur la période d’étude, on a dénombré 12 notifications d’addictovigilance, concernant toutes des hommes d’âge médian 39<!--> <!-->ans [20–42]. Dans certains cas, le recours à l’analyse de produits via SINTES a permis d’identifier le nitazène concerné dans le produit consommé, voire d’orienter les analyses toxicologiques dans les fluides biologiques. Les molécules déclarées et/ou identifiées étaient isotonitazène (<em>n</em> <!-->=<!--> <!-->4), protonitazène (<em>n</em> <!-->=<!--> <!-->2), métonitazène (<em>n</em> <!-->=<!--> <!-->1), protonitazépyne (<em>n</em> <!-->=<!--> <!-->1) et nitazène non mieux précisé (<em>n</em> <!-->=<!--> <!-->4). Dix notifications concernaient une intoxication aiguë avec syndrome opioïde typique et sévère. La quasi-totalité des patients ont décrit une exposition à ces opioïdes à leur insu, pensant notamment consommer de l’héroïne ou de la <em>chimique.</em> L’évolution était favorable dans tous les cas, après administration de naloxone et/ou hospitalisation avec traitement symptomatique. Les 2 derniers dossiers rapportaient respectivement un décès (sujet retrouvé décédé, constatations autopsiques compatibles avec un décès toxique et isotonitazène seule substance d’intérêt toxicologique identifiée en post-mortem) et un trouble de l’usage à divers opioïdes dont du métonitazène. Les divers autres signaux étaient relatifs à la circulation de métonitazène et d’isotonitazène sur le territoire national.</p></div><div><h3>Discussion</h3><p>Les nitazènes sont des opioïdes au profil pharmacotoxicologique inquiétant et à risque élevé d’overdose sévère. Leur circulation sous des présentations variées complique leur détection et accroit le risque de consommation à l’insu ; une sensibilisation des usagers comme des structures de soins aux risques liés à ces nitazènes est nécessaire. Il est important également de rappeler que la naloxone reste un recours efficace face à ces superagonistes μ, sous réserve de posologies pouvant être plus élevées que celles usuellement préconisées en cas d’intoxication par morphine ou héroïne.</p></div><div><h3>Conclusion</h3><p>Après plusieurs décennies passées dans l’oubli, la résurgence de ces opioïdes puissants a mis au défi les structures de veille sanitaire et d’identification des toxiques. La collaboration des professionnels de santé, des acteurs de terrain et des structures de vigilance est essentielle. La dangerosité de ces nouveaux opioïdes montre l’urgence à documenter leur circulation, afin de mettre en place les réponses les plus adaptées possibles en termes de santé publique.</p></div>","PeriodicalId":23170,"journal":{"name":"Toxicologie Analytique et Clinique","volume":"36 3","pages":"Page S89"},"PeriodicalIF":1.8000,"publicationDate":"2024-09-10","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Toxicologie Analytique et Clinique","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S235200782400194X","RegionNum":0,"RegionCategory":null,"ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"Q4","JCRName":"TOXICOLOGY","Score":null,"Total":0}
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Abstract
Objectif
Décrire les propriétés pharmacotoxicologiques des nitazènes, nouveaux opioïdes de synthèse, ainsi que les conséquences sanitaires rapportées notamment en France.
Méthodes
Analyse de la littérature médico-scientifique relative à ces composés, ainsi que des données du réseau français d’addictovigilance, colligées jusqu’au 31/12/2023 (sans borne inférieure).
Résultats
Les nitazènes sont des opioïdes synthétisés à la fin des années 50 comme de potentiels médicaments antalgiques mais sans développement ni commercialisation ultérieurs. Agonistes sélectifs et affins des récepteurs μ, ils sont nettement plus puissants que la morphine avec une équianalagésie chez l’animal sans équivoque : morphine (1) < métonitazène (100) < protonitazène (200) < isotonitazène (500) < étonitazène (1000). Ce sont de puissants dépresseurs respiratoires induisant bradypnée profonde et hypoventilation marquée. Ils ont émergé sur le marché des drogues en 2019 en Europe et en 2021 en France avec 1 cas isolé, avant 2 clusters d’intoxications en Occitanie [1] et sur l’île de la Réunion [2] en 2023. Sur la période d’étude, on a dénombré 12 notifications d’addictovigilance, concernant toutes des hommes d’âge médian 39 ans [20–42]. Dans certains cas, le recours à l’analyse de produits via SINTES a permis d’identifier le nitazène concerné dans le produit consommé, voire d’orienter les analyses toxicologiques dans les fluides biologiques. Les molécules déclarées et/ou identifiées étaient isotonitazène (n = 4), protonitazène (n = 2), métonitazène (n = 1), protonitazépyne (n = 1) et nitazène non mieux précisé (n = 4). Dix notifications concernaient une intoxication aiguë avec syndrome opioïde typique et sévère. La quasi-totalité des patients ont décrit une exposition à ces opioïdes à leur insu, pensant notamment consommer de l’héroïne ou de la chimique. L’évolution était favorable dans tous les cas, après administration de naloxone et/ou hospitalisation avec traitement symptomatique. Les 2 derniers dossiers rapportaient respectivement un décès (sujet retrouvé décédé, constatations autopsiques compatibles avec un décès toxique et isotonitazène seule substance d’intérêt toxicologique identifiée en post-mortem) et un trouble de l’usage à divers opioïdes dont du métonitazène. Les divers autres signaux étaient relatifs à la circulation de métonitazène et d’isotonitazène sur le territoire national.
Discussion
Les nitazènes sont des opioïdes au profil pharmacotoxicologique inquiétant et à risque élevé d’overdose sévère. Leur circulation sous des présentations variées complique leur détection et accroit le risque de consommation à l’insu ; une sensibilisation des usagers comme des structures de soins aux risques liés à ces nitazènes est nécessaire. Il est important également de rappeler que la naloxone reste un recours efficace face à ces superagonistes μ, sous réserve de posologies pouvant être plus élevées que celles usuellement préconisées en cas d’intoxication par morphine ou héroïne.
Conclusion
Après plusieurs décennies passées dans l’oubli, la résurgence de ces opioïdes puissants a mis au défi les structures de veille sanitaire et d’identification des toxiques. La collaboration des professionnels de santé, des acteurs de terrain et des structures de vigilance est essentielle. La dangerosité de ces nouveaux opioïdes montre l’urgence à documenter leur circulation, afin de mettre en place les réponses les plus adaptées possibles en termes de santé publique.