Étude rétrospective (2007–2022) des causes de dermatites allergiques de contact en Algérie identifiées par la batterie standard européenne : à propos de 202 cas

Abstract

Introduction

L’eczéma de contact (ou DAC) est une affection dermatologique courante, prévalence estimée entre 13,3 et 27 % . En Algérie, les données sur le profil allergologique de la population touchée sont limitées. Cette étude visait à définir les caractéristiques épidémiologiques et cliniques des patients ayant présenté une DAC et à analyser leur profil de sensibilisation aux allergènes de la batterie standard européenne (BSE) dans un cabinet d’allergologie à Constantine, entre mars 2007 et février 2022. L’objectif secondaire était d’évaluer la pertinence de la BSE en tant qu’outil diagnostique dans cette population.

Méthodologie

Étude rétrospective monocentrique, menée entre 2007 et 2022 à Constantine, Algérie, a analysé les résultats des tests épicutanés réalisés sur 202 patients suspectés de DAC, comprenant des primo-consultants et des patients orientés pour ces tests. Les tests ont été effectués et interprétés selon les recommandations de l’International Contact Dermatitis Research Group (ICDRG). Les paramètres étudiés comprenaient le profil démographique, la durée des symptômes, l’atopie sous-jacente, la localisation des lésions, la positivité des tests et la pertinence des sensibilisations. La pertinence des tests positifs a été évaluée selon la classification de Lachapelle (score de 0 à 3 : nul, incertain, possible, probable).

Résultats

Parmi les 202 patients inclus, 125 femmes (61,9 %), 77 hommes (38,1 %), moyenne d’âge : 36 ± 13 ans) avec une prédominance de la tranche d’âge entre 31 et 46 ans, 61,9 % étaient des femmes, avec une moyenne d’âge de 36 ans, la dermatite évoluait depuis moins de trois mois dans 43,1 % des cas et 71,3 % des patients consultaient un médecin pour la première fois pour cet eczéma. Cent trente-huit patients (68,3 %) (93 femmes, 45 hommes) étaient sensibilisés à au moins un allergène de la BSE, l’âge moyen des hommes testés positifs (40 ± 12) était significativement supérieur à celui des femmes (34 ± 11 ans) (p ˂ 0,01), l’eczéma touchait essentiellement les mains (53,6 %), le visage (31,9 % dont 9,4 % uniquement les paupières) et les pieds (19,6 %), 38 (27,5 %) des patients étaient positifs pour un seul allergène, 58 (42 %) pour plus de deux allergènes. Les dix principaux allergènes retrouvés positifs sont : Nickel (44,2 %, n = 61) avec une nette prédominance féminine (58 %, n : 54/93 tests positifs) (p ˂ 0,0001), Cobalt (40,6 %, n = 56). Bichromate de potassium (38,4 %, n = 53) c’est l’allergène prédominant chez les hommes (54 %, n = 25/45 tests positifs) (p ˂ 0,01), Myroxylon pereirae (14,5 %, n = 20). Fragrance mix I (12,3 %, n = 17), Colophane (10,1 %, n = 15), les isothiazolinones (10,1 %, n = 14), le thiuram mix (7 %, n = 11), fragrance mix II (7 %, n = 11) et le formaldéhyde (7,2 %, n = 10). Des co-sensibilisations étaient détectées et fréquentes entre métaux, l’atopie était trois fois plus fréquente chez les patients sensibilisés versus patients non sensibilisés, les tests positifs à trois croix concernaient le nickel et le chrome. Les tests positifs étaient pertinents en majorité, ainsi 67 patients (48,5 %) avaient une pertinence « probable » et 37 patients (26,8 %) avaient une pertinence « possible » de leurs sensibilisations. Seulement 19 patients (13,8 %) avaient une pertinence « incertaine » et 15 patients (10,9 %) présentaient une pertinence « nulle », plus le taux (ou degré) de positivité des tests à « deux et trois croix » était présent plus les pertinences « possible et probable » étaient significatives (p : 0,04).

Discussion

Le risque de sensibilisation allergique dépend de la nature de l’allergène, ainsi que de facteurs individuels, génétiques et environnementaux[1,2] . En Algérie, les études sur les dermatoses allergiques se sont jusqu’ici concentrées sur des milieux professionnels, montrant un risque significatif dans des secteurs comme le cuir, la plasturgie, le bâtiment, la métallurgie et la santé [3]. Notre étude est la première en son genre à analyser la sensibilisation aux allergènes de contact dans la population générale algérienne. Chez 68,3 % des patients testés avec la BSE, au moins un test épicutané était positif. La cohorte présente un sexe-ratio de 0,5, avec un âge moyen plus élevé chez les hommes sensibilisés (40 ± 12 ans) par rapport aux femmes (34 ± 11 ans, p < 0,01), sans différence statistiquement significative des taux de sensibilisation (58,4 % chez les hommes contre 74,4 % chez les femmes). Les allergènes les plus fréquemment identifiés étaient les métaux (nickel, cobalt, potassium bichromate), suivis par myroxylon pereirae, les mélanges de parfums synthétiques (fragrance mix I et II), la colophane, les isothiazolinones, le thiuram mix et le formaldéhyde, en accord avec les données de la littérature [1,2].