La clairvoyance des rois dans les chroniques géorgiennes de la Vie du K’art’li et de la Conversion du K’art’li

1 La clairvoyance était l’une des vertus primordiales de la royauté dans les imaginaires politiques de la Caucasie du Sud. Sa présence dans les sources médiévales du monde géorgien témoigne d’une évolution plus large des valeurs et des pratiques de gouvernement à travers un processus de christianisation entamé durant l’Antiquité tardive. L’essor de la dynastie bagratide entre le VIII e et le XIV e siècle alla de pair avec un mouvement historiographique ayant conduit à la rédaction de plusieurs chroniques en langue géorgienne, rassemblées dans les corpus de la Vie du K’art’li ( K’art’lis C’xovreba ) et de la Conversion du K’art’li ( Mok’c’evay K’art’lisay ). Ces récits revisitaient le passé de l’ancien royaume du K’art’li, connu aussi sous le nom d’Ibérie du Caucase, dont la période d’existence s’établit entre le III e siècle avant notre ère et le VI e siècle de notre ère, et auquel les Bagratides se rattachaient idéologiquement. Les conceptions politiques des chroniqueurs de l’ère bagratide reprirent de fait une partie de l’héritage des temps préchrétiens, façonné par des siècles de contacts avec le monde iranien et mazdéen 1 . L’hégémonie du christianisme et les relations avec Byzance opérèrent comme un filtre dans cet effort de réinterprétation du passé k’art’vélien.