{"title":"RETEX NOVI:2 月 6 日土耳其地震","authors":"Isabelle Bardin-Vial (Médecin capitaine, Médecin SAMU69-Urgences)","doi":"10.1016/j.pxur.2023.10.011","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"<div><p>Le 6 février 2023, un séisme d’une magnitude de 7,8 sur l’échelle de Richter a eu lieu en Turquie (le plus puissant depuis l’an 365) et a été ressenti jusqu’à Chypre jusqu’au Liban et jusqu’en Israël. Il est intervenu de nuit à 04h17 heure locale, avec une réplique de 7,5 en magnitude 10<!--> <!-->heures plus tard. Plus de 200 répliques dans les 12<!--> <!-->heures et plus de 6000 répliques dans les jours qui ont suivi.</p><p>La zone de rupture dans laquelle la terre aura été en mouvement est d’environ 190<!--> <!-->km de long et 25<!--> <!-->km de large sur une profondeur de 18<!--> <!-->km.</p><p>Avec les difficultés de recensement que l’on sait, on dénombre à ce jour, plus de 56 000 morts plus de 120 000 blessés, ainsi que 120 000 bâtiments au sol. Très rapidement, 49 pays ont proposé d’envoyer de l’aide, dont la France.</p><p>L’association CASC Appui (Section humanitaire du Comité d’animation sociale et culturelle) adossée aux sapeurs-pompiers de Rhône (SDMIS69), s’est immédiatement positionnée (<span>Figure 1</span>). Un départ a été envisagé dans les 48<!--> <!-->heures avec une équipe réduite, mais ultra technique : sept sapeurs-pompiers dont un médecin, un infirmier, un maître-chien et des spécialistes sauvetage-déblaiement.</p><p>Au prix de multiples échanges, les autorisations administratives ont été construites avec le ministère des affaires étrangères et le consulat de Turquie permettant à l’équipe d’arriver rapidement sur l’épicentre du séisme.</p><p>Sur place, l’adaptation a été de mise, dans une région où il n’y avait plus d’eau courante, plus d’électricité, de rares communications réseau, un système routier totalement saturé, et de nombreuses difficultés administratives.</p><p>Les 48 premières heures ont été consacrées à la recherche d’un campement provisoire, et à des auto-missionnements sur des sites fournis par les passagers des différents vols empruntés, dont les propres famille étaient portées disparues sous les décombres. Le chien, véritable médiateur lors des prises de contacts avec les bénévoles locaux, qui creusaient avec des moyens bien succincts les décombres, était envoyé en premier passage, car capable de marquer le vivant. Suite à son marquage, nous sommes intervenus avec des moyens de recherche : sonomètre, caméra flexible (30 m), et caméra thermique. Et en collaboration avec l’ensemble des équipes turques sur place, nous avons ensuite déblayé les sites repérés par le chien. Il était frappant de constater que les familles attendaient, sidérées, résignées, sans agitation, qu’on leur rende leurs morts, et plus rarement leurs vivants.</p><p>Dépossédés de tous, dans un froid intense, la population locale survivait au pied des décombres de leurs proches, autour de braseros de fortune, donc les fumées polluantes obscurcissaient le ciel dès 17h00 chaque soir.</p><p>Ils ont pourtant partagé avec nous leurs repas, leur thé, leurs sièges, leurs points chauds.</p><p>À tout moment, nous avons travaillé dans un contexte où le risque était omniprésent, en enchaînant, les chantiers et les heures de travail sans compter. Le sentiment d’impuissance était grand.</p><p>La gratitude et la solidarité dont les locaux faisaient preuve était un véritable moteur, et, malgré les barrières de langue, beaucoup d’émotions et d’intenses sentiments ont pu être échangés.</p><p>Pour l’équipe aussi, le chien a permis de canaliser la fatigue et les émotions.</p><p>Malgré les conditions logistiques extrêmement difficiles, une prise de risque permanente, la faim, le froid, et les difficultés d’échanges avec les représentants turcs, la solidarité interne à l’équipe a créé des liens indéfectibles.</p><p>À notre retour, couverts de cadeaux tout au long du trajet par les différents interlocuteurs turcs en charge de notre trajet, nous avons bénéficié d’une prise en charge psychologique systématique proposée par le SDMIS69.</p></div>","PeriodicalId":100904,"journal":{"name":"Médecine de Catastrophe - Urgences Collectives","volume":"7 4","pages":"Pages 274-275"},"PeriodicalIF":0.0000,"publicationDate":"2023-12-01","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":"{\"title\":\"RETEX NOVI : séisme Turquie 6 février\",\"authors\":\"Isabelle Bardin-Vial (Médecin capitaine, Médecin SAMU69-Urgences)\",\"doi\":\"10.1016/j.pxur.2023.10.011\",\"DOIUrl\":null,\"url\":null,\"abstract\":\"<div><p>Le 6 février 2023, un séisme d’une magnitude de 7,8 sur l’échelle de Richter a eu lieu en Turquie (le plus puissant depuis l’an 365) et a été ressenti jusqu’à Chypre jusqu’au Liban et jusqu’en Israël. 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Il était frappant de constater que les familles attendaient, sidérées, résignées, sans agitation, qu’on leur rende leurs morts, et plus rarement leurs vivants.</p><p>Dépossédés de tous, dans un froid intense, la population locale survivait au pied des décombres de leurs proches, autour de braseros de fortune, donc les fumées polluantes obscurcissaient le ciel dès 17h00 chaque soir.</p><p>Ils ont pourtant partagé avec nous leurs repas, leur thé, leurs sièges, leurs points chauds.</p><p>À tout moment, nous avons travaillé dans un contexte où le risque était omniprésent, en enchaînant, les chantiers et les heures de travail sans compter. 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Le 6 février 2023, un séisme d’une magnitude de 7,8 sur l’échelle de Richter a eu lieu en Turquie (le plus puissant depuis l’an 365) et a été ressenti jusqu’à Chypre jusqu’au Liban et jusqu’en Israël. Il est intervenu de nuit à 04h17 heure locale, avec une réplique de 7,5 en magnitude 10 heures plus tard. Plus de 200 répliques dans les 12 heures et plus de 6000 répliques dans les jours qui ont suivi.
La zone de rupture dans laquelle la terre aura été en mouvement est d’environ 190 km de long et 25 km de large sur une profondeur de 18 km.
Avec les difficultés de recensement que l’on sait, on dénombre à ce jour, plus de 56 000 morts plus de 120 000 blessés, ainsi que 120 000 bâtiments au sol. Très rapidement, 49 pays ont proposé d’envoyer de l’aide, dont la France.
L’association CASC Appui (Section humanitaire du Comité d’animation sociale et culturelle) adossée aux sapeurs-pompiers de Rhône (SDMIS69), s’est immédiatement positionnée (Figure 1). Un départ a été envisagé dans les 48 heures avec une équipe réduite, mais ultra technique : sept sapeurs-pompiers dont un médecin, un infirmier, un maître-chien et des spécialistes sauvetage-déblaiement.
Au prix de multiples échanges, les autorisations administratives ont été construites avec le ministère des affaires étrangères et le consulat de Turquie permettant à l’équipe d’arriver rapidement sur l’épicentre du séisme.
Sur place, l’adaptation a été de mise, dans une région où il n’y avait plus d’eau courante, plus d’électricité, de rares communications réseau, un système routier totalement saturé, et de nombreuses difficultés administratives.
Les 48 premières heures ont été consacrées à la recherche d’un campement provisoire, et à des auto-missionnements sur des sites fournis par les passagers des différents vols empruntés, dont les propres famille étaient portées disparues sous les décombres. Le chien, véritable médiateur lors des prises de contacts avec les bénévoles locaux, qui creusaient avec des moyens bien succincts les décombres, était envoyé en premier passage, car capable de marquer le vivant. Suite à son marquage, nous sommes intervenus avec des moyens de recherche : sonomètre, caméra flexible (30 m), et caméra thermique. Et en collaboration avec l’ensemble des équipes turques sur place, nous avons ensuite déblayé les sites repérés par le chien. Il était frappant de constater que les familles attendaient, sidérées, résignées, sans agitation, qu’on leur rende leurs morts, et plus rarement leurs vivants.
Dépossédés de tous, dans un froid intense, la population locale survivait au pied des décombres de leurs proches, autour de braseros de fortune, donc les fumées polluantes obscurcissaient le ciel dès 17h00 chaque soir.
Ils ont pourtant partagé avec nous leurs repas, leur thé, leurs sièges, leurs points chauds.
À tout moment, nous avons travaillé dans un contexte où le risque était omniprésent, en enchaînant, les chantiers et les heures de travail sans compter. Le sentiment d’impuissance était grand.
La gratitude et la solidarité dont les locaux faisaient preuve était un véritable moteur, et, malgré les barrières de langue, beaucoup d’émotions et d’intenses sentiments ont pu être échangés.
Pour l’équipe aussi, le chien a permis de canaliser la fatigue et les émotions.
Malgré les conditions logistiques extrêmement difficiles, une prise de risque permanente, la faim, le froid, et les difficultés d’échanges avec les représentants turcs, la solidarité interne à l’équipe a créé des liens indéfectibles.
À notre retour, couverts de cadeaux tout au long du trajet par les différents interlocuteurs turcs en charge de notre trajet, nous avons bénéficié d’une prise en charge psychologique systématique proposée par le SDMIS69.