Matthieu Langlois (Membre du conseil d’administration de la Société française de médecine de catastrophe (SFMC))
{"title":"人群自发向医院设施移动","authors":"Matthieu Langlois (Membre du conseil d’administration de la Société française de médecine de catastrophe (SFMC))","doi":"10.1016/j.pxur.2023.10.003","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"<div><p>Anticiper les mouvements de foule permet d’avoir un temps d’avance sur la réponse sécuritaire mais aussi sur l’organisation des secours. Lors de crises avec de nombreuses victimes, il est très probable que des flux spontanés de victimes se dirigeront vers les structures hospitalières. L’organisation des secours doit se préparer, non seulement à la réponse préhospitalière, mais aussi à anticiper la capacité hospitalière à gérer un afflux spontané.</p><p>Pour illustrer cette forte probabilité et ses conséquences sur l’organisation hospitalière, les exemples sont nombreux. On peut analyser, en France, l’explosion de l’usine AZF et les attentats de Paris, et à l’international, la tuerie de Las Vegas, des explosions sur des sites industriels en Malaisie ou au Liban ainsi que des catastrophes naturelles. Ces retours d’expériences montrent à quel point un afflux spontané peut en quelques minutes peut rendre totalement non opérationnel un service et même l’ensemble d’une structure hospitalière. La perte de temps dans la prise en charge des patients les plus graves peut avoir des conséquences dramatiques.</p><p>Des exercices sont réalisés depuis 2015, prenant en compte cette problématique. Un exercice majeur a été réalisé dans un parc d’attraction pour observer le comportement d’une structure hospitalière à proximité du parc. Les résultats sont confidentiels mais démontrent parfaitement la cinétique des flux et la complexité pour une structure hospitalière de s’organiser dans l’urgence et pour les services de secours d’apporter un concours et des solutions alternatives pour désaturer l’hôpital.</p><p>Modéliser ces flux, leurs cinétiques, leurs densités, les pathologies et le comportement collectif est une obligation pour tout service de sécurité, de secours et pour toute structure hospitalière. Il n’existe aucun modèle prédictif qui ne puisse pas laisser une place importante à l’inconnu. Des réflexions pragmatiques en Israël ou aux États-Unis sont avancées sur une capacité à organiser un délestage immédiat des urgences vers une salle dédiée à ce type de catastrophe et ainsi « sanctuariser » les urgences et les blocs opératoires.</p><p>Le personnel hospitalier doit se préparer, s’entraîner et visualiser, avec réalisme et sérénité, ce que sera un flux spontané en cas de catastrophe à proximité de l’établissement. La régulation du SAMU protège toujours les établissements de proximité mais ne pourra pas empêcher ces flux d’autant plus s’il s’agit d’un rassemblement de foule.</p><p>Nous pouvons partager quelques réflexions non exhaustives :</p><p>– comprendre la cinétique des foules. Le temps de présentation du flux sur la structure peut, dans de nombreuses situations, être beaucoup plus court que le temps pour la structure et son personnel d’activer un plan ORSAN-AMAVI ;</p><p>– la localisation de la structure par rapport à la catastrophe, mais aussi par rapport à l’offre de soins, modifiera les effets vulnérants. Dans les grandes villes, il sera possible de réorienter les flux, en revanche, dans des régions plus isolées, un manque d’anticipation sera catastrophique et probablement plus déstructurant que la crise elle-même. Or les rassemblements ne concernent pas que les grandes villes. Le temps de délestage ou de réorganisation des flux secondaires sera long ;</p><p>– sur le plan de la réponse médicale, il est évident que la majorité du flux spontané sera composée de victimes valides, de catégorisation urgence relative (UR), mais impactées psychologiquement. Il est aussi facile d’imaginer des flux de jeunes enfants arrivant dans les bras des parents dans l’unique structure d’urgence ou tout établissement ou cabinet médical.</p><p>L’organisation de la réponse doit intégrer ces complexités dans les plans qui devront démontrer obligatoirement des modalités d’actions agiles et innovantes, accompagnées de formations et d’entraînements.</p><p>Le Directeur médical de crise (DMC) doit être préparé et en capacité d’anticiper ces flux, de conseiller la direction de l’établissement pour fixer immédiatement des actions tactiques afin de maintenir une continuité d’activité, de définir des points de rupture et de coordonner, avec les services de sécurité et de secours, l’adaptation des réponses.</p><p>Face à un afflux spontané de victimes, il parait totalement illusoire de penser protéger l’hôpital sans un travail conjoint avec les Forces de sécurité intérieure pour assurer la sécurité bâtimentaire, la sécurité des malades et du personnel. Le plan de sécurisation des établissements, annexé au plan blanc, doit être testé avec cette composante d’intrusion de masse. Un flux massif, avec une part d’agitation, voire de violence, peut se transformer en arme dirigée sur une structure hospitalière et son personnel. Le comportement de la foule, les émotions collectives et l’incertitude quant aux conséquences, seront à un niveau paroxystique. La réponse dépendra en grande partie de la capacité à donner des consignes structurantes, afin de minimiser l’impact psychologique sur le personnel et la foule elle-même. Être leader, décider dans l’action et l’inconnu, s’apprend.</p><p>En conclusion, les crises chaotiques que nous traversons obligent à ne pas surestimer les capacités préhospitalières comme hospitalières, confrontées à des mouvements de foule pouvant menacer les structures hospitalières. Ces situations seront par définition très complexes et anxiogènes, mais une anticipation architecturale avec un zonage, l’élaboration de solutions agiles et de consignes simples, l’entraînement des équipes, sont l’unique solution pour éviter une catastrophe dans la catastrophe.</p></div>","PeriodicalId":100904,"journal":{"name":"Médecine de Catastrophe - Urgences Collectives","volume":"7 4","pages":"Page 277"},"PeriodicalIF":0.0000,"publicationDate":"2023-12-01","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":"{\"title\":\"Mouvement spontané d’une foule vers une structure hospitalière\",\"authors\":\"Matthieu Langlois (Membre du conseil d’administration de la Société française de médecine de catastrophe (SFMC))\",\"doi\":\"10.1016/j.pxur.2023.10.003\",\"DOIUrl\":null,\"url\":null,\"abstract\":\"<div><p>Anticiper les mouvements de foule permet d’avoir un temps d’avance sur la réponse sécuritaire mais aussi sur l’organisation des secours. 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La perte de temps dans la prise en charge des patients les plus graves peut avoir des conséquences dramatiques.</p><p>Des exercices sont réalisés depuis 2015, prenant en compte cette problématique. Un exercice majeur a été réalisé dans un parc d’attraction pour observer le comportement d’une structure hospitalière à proximité du parc. Les résultats sont confidentiels mais démontrent parfaitement la cinétique des flux et la complexité pour une structure hospitalière de s’organiser dans l’urgence et pour les services de secours d’apporter un concours et des solutions alternatives pour désaturer l’hôpital.</p><p>Modéliser ces flux, leurs cinétiques, leurs densités, les pathologies et le comportement collectif est une obligation pour tout service de sécurité, de secours et pour toute structure hospitalière. Il n’existe aucun modèle prédictif qui ne puisse pas laisser une place importante à l’inconnu. 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Le temps de présentation du flux sur la structure peut, dans de nombreuses situations, être beaucoup plus court que le temps pour la structure et son personnel d’activer un plan ORSAN-AMAVI ;</p><p>– la localisation de la structure par rapport à la catastrophe, mais aussi par rapport à l’offre de soins, modifiera les effets vulnérants. Dans les grandes villes, il sera possible de réorienter les flux, en revanche, dans des régions plus isolées, un manque d’anticipation sera catastrophique et probablement plus déstructurant que la crise elle-même. Or les rassemblements ne concernent pas que les grandes villes. Le temps de délestage ou de réorganisation des flux secondaires sera long ;</p><p>– sur le plan de la réponse médicale, il est évident que la majorité du flux spontané sera composée de victimes valides, de catégorisation urgence relative (UR), mais impactées psychologiquement. Il est aussi facile d’imaginer des flux de jeunes enfants arrivant dans les bras des parents dans l’unique structure d’urgence ou tout établissement ou cabinet médical.</p><p>L’organisation de la réponse doit intégrer ces complexités dans les plans qui devront démontrer obligatoirement des modalités d’actions agiles et innovantes, accompagnées de formations et d’entraînements.</p><p>Le Directeur médical de crise (DMC) doit être préparé et en capacité d’anticiper ces flux, de conseiller la direction de l’établissement pour fixer immédiatement des actions tactiques afin de maintenir une continuité d’activité, de définir des points de rupture et de coordonner, avec les services de sécurité et de secours, l’adaptation des réponses.</p><p>Face à un afflux spontané de victimes, il parait totalement illusoire de penser protéger l’hôpital sans un travail conjoint avec les Forces de sécurité intérieure pour assurer la sécurité bâtimentaire, la sécurité des malades et du personnel. 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Mouvement spontané d’une foule vers une structure hospitalière
Anticiper les mouvements de foule permet d’avoir un temps d’avance sur la réponse sécuritaire mais aussi sur l’organisation des secours. Lors de crises avec de nombreuses victimes, il est très probable que des flux spontanés de victimes se dirigeront vers les structures hospitalières. L’organisation des secours doit se préparer, non seulement à la réponse préhospitalière, mais aussi à anticiper la capacité hospitalière à gérer un afflux spontané.
Pour illustrer cette forte probabilité et ses conséquences sur l’organisation hospitalière, les exemples sont nombreux. On peut analyser, en France, l’explosion de l’usine AZF et les attentats de Paris, et à l’international, la tuerie de Las Vegas, des explosions sur des sites industriels en Malaisie ou au Liban ainsi que des catastrophes naturelles. Ces retours d’expériences montrent à quel point un afflux spontané peut en quelques minutes peut rendre totalement non opérationnel un service et même l’ensemble d’une structure hospitalière. La perte de temps dans la prise en charge des patients les plus graves peut avoir des conséquences dramatiques.
Des exercices sont réalisés depuis 2015, prenant en compte cette problématique. Un exercice majeur a été réalisé dans un parc d’attraction pour observer le comportement d’une structure hospitalière à proximité du parc. Les résultats sont confidentiels mais démontrent parfaitement la cinétique des flux et la complexité pour une structure hospitalière de s’organiser dans l’urgence et pour les services de secours d’apporter un concours et des solutions alternatives pour désaturer l’hôpital.
Modéliser ces flux, leurs cinétiques, leurs densités, les pathologies et le comportement collectif est une obligation pour tout service de sécurité, de secours et pour toute structure hospitalière. Il n’existe aucun modèle prédictif qui ne puisse pas laisser une place importante à l’inconnu. Des réflexions pragmatiques en Israël ou aux États-Unis sont avancées sur une capacité à organiser un délestage immédiat des urgences vers une salle dédiée à ce type de catastrophe et ainsi « sanctuariser » les urgences et les blocs opératoires.
Le personnel hospitalier doit se préparer, s’entraîner et visualiser, avec réalisme et sérénité, ce que sera un flux spontané en cas de catastrophe à proximité de l’établissement. La régulation du SAMU protège toujours les établissements de proximité mais ne pourra pas empêcher ces flux d’autant plus s’il s’agit d’un rassemblement de foule.
Nous pouvons partager quelques réflexions non exhaustives :
– comprendre la cinétique des foules. Le temps de présentation du flux sur la structure peut, dans de nombreuses situations, être beaucoup plus court que le temps pour la structure et son personnel d’activer un plan ORSAN-AMAVI ;
– la localisation de la structure par rapport à la catastrophe, mais aussi par rapport à l’offre de soins, modifiera les effets vulnérants. Dans les grandes villes, il sera possible de réorienter les flux, en revanche, dans des régions plus isolées, un manque d’anticipation sera catastrophique et probablement plus déstructurant que la crise elle-même. Or les rassemblements ne concernent pas que les grandes villes. Le temps de délestage ou de réorganisation des flux secondaires sera long ;
– sur le plan de la réponse médicale, il est évident que la majorité du flux spontané sera composée de victimes valides, de catégorisation urgence relative (UR), mais impactées psychologiquement. Il est aussi facile d’imaginer des flux de jeunes enfants arrivant dans les bras des parents dans l’unique structure d’urgence ou tout établissement ou cabinet médical.
L’organisation de la réponse doit intégrer ces complexités dans les plans qui devront démontrer obligatoirement des modalités d’actions agiles et innovantes, accompagnées de formations et d’entraînements.
Le Directeur médical de crise (DMC) doit être préparé et en capacité d’anticiper ces flux, de conseiller la direction de l’établissement pour fixer immédiatement des actions tactiques afin de maintenir une continuité d’activité, de définir des points de rupture et de coordonner, avec les services de sécurité et de secours, l’adaptation des réponses.
Face à un afflux spontané de victimes, il parait totalement illusoire de penser protéger l’hôpital sans un travail conjoint avec les Forces de sécurité intérieure pour assurer la sécurité bâtimentaire, la sécurité des malades et du personnel. Le plan de sécurisation des établissements, annexé au plan blanc, doit être testé avec cette composante d’intrusion de masse. Un flux massif, avec une part d’agitation, voire de violence, peut se transformer en arme dirigée sur une structure hospitalière et son personnel. Le comportement de la foule, les émotions collectives et l’incertitude quant aux conséquences, seront à un niveau paroxystique. La réponse dépendra en grande partie de la capacité à donner des consignes structurantes, afin de minimiser l’impact psychologique sur le personnel et la foule elle-même. Être leader, décider dans l’action et l’inconnu, s’apprend.
En conclusion, les crises chaotiques que nous traversons obligent à ne pas surestimer les capacités préhospitalières comme hospitalières, confrontées à des mouvements de foule pouvant menacer les structures hospitalières. Ces situations seront par définition très complexes et anxiogènes, mais une anticipation architecturale avec un zonage, l’élaboration de solutions agiles et de consignes simples, l’entraînement des équipes, sont l’unique solution pour éviter une catastrophe dans la catastrophe.