{"title":"不要把婴儿和洗澡水一起倒掉。关于蒿属植物。","authors":"J-F Pays","doi":"10.3166/bspe-2019-0089","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"La publication du dernier rapport OMS sur le paludisme (novembre 2018, concernant l’année 2017) [3] constate que toutes les craintes qui avaient été formulées et reprises dans un ensemble de réflexions publié dans le Bulletin de la Société de pathologie exotique en 2010 [5] sont devenues aujourd’hui des réalités : quasi-stagnation depuis 2015 de la morbidité (219 millions de cas contre 239 millions en 2010) et de la mortalité (435 000 décès annuels, au lieu d’un chiffre proche de zéro promis pour 2015, si on s’en réfère aux objectifs du Programme mondial de lutte contre le paludisme lorsque celui-ci a pris le relai de Roll Back Malaria en 2010), échec de l’universalité de la couverture par les moustiquaires imprégnées d’insecticide à longue durée d’action (MILD ou MILDA) dont ne bénéficie aujourd’hui qu’une petite moitié de la population africaine à risque, associé à une résistance d’importance croissante des anophèles aux pyréthrinoïdes qui en sont le fer de lance, adaptation des vecteurs aux contraintes générées par l’ensemble des moyens de lutte antivectorielle...[3], tout cela dans le contexte d’une résistance de plus en plus préoccupante de P. falciparum aux combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine (CTA) et de l’entrée en scène d’un vaccin dont l’efficacité plus que médiocre (40 % dans le meilleur des cas), le condamnerait, en d’autres circonstances, à rester au placard [2]. Comme ces aristocrates de la Restauration dont Talleyrand disait qu’ils n’avaient rien oublié et rien appris, les responsables de la Stratégie technique mondiale de lutte contre le paludisme qui disposent aujourd’hui d’un budget annuel de 3 milliards de dollars, mais qui en réclament plus du double, s’étaient fixés en 2016, comme objectif intermédiaire 2020, une réduction de 40 % de la morbidité et de la mortalité du paludisme par rapport à 2015, et, à plus long terme, de 90 % en 2030. L’OMS a d’ores et déjà entériné le fait que les objectifs de moyen terme seront une fois de plus loin d’être atteints [4). Tout ce qui touche au traitement et à la prévention du paludisme à P. falciparum est donc plus que jamais d’actualité. Ce qu’il fallait dire au sujet de l’incitation à utiliser dans ce cadre, en monothérapie par voie orale et sous forme de tisane, donc à des doses qui ne peuvent être contrôlées, la plante dont est extraite l’artémisinine a été à juste titre dit à plusieurs reprises dans notre Bulletin et ailleurs. Il est un point sur lequel nous voudrions toutefois revenir : les tisanes préparées avec des feuilles séchées d’Artemisia afra feraient jeu égal avec celles d’Artemisia annua dans le traitement des accès de paludisme, alors qu’Artemisia afra ne contient pratiquement pas d’artémisinine (0,036 mg/gr de feuilles sèches versus 1,35 à 1,70 mg pour Artemisia annua). C’est du moins ce que prétendent les promoteurs et les défenseurs des tisanes d’Artemisia spp à la suite d’un essai randomisé en double insu [1] portant sur 943 patients et comparant respectivement l’activité de l’ASAQ aux tisanes d’Artemisia annua et d’Artemisia afra dans le traitement des accès simples de paludisme à P. falciparum. L’article qui en rend compte est critiquable sur de nombreux points. À moins de postuler d’emblée que les résultats rapportés ne correspondent en rien à la réalité, il n’en reste pas moins que ceux qui concernent Artemisia afra vont à l’encontre de toutes les attentes et de toute logique. Leur confirmation par des équipes travaillant sans a priori et en dehors de tout positionnement idéologique pourrait témoigner de la présence, dans les feuilles séchées de cette espèce d’armoise, soit d’une molécule autre que l’artémisinine, mais qui aurait une activité antipaludique semblable, ce que ne confirme pas les tests in vitro, soit d’une pro-drogue susceptible d’acquérir cette activité après avoir été métabolisée, soit enfin de plusieurs molécules, inactives prises isolément, mais qui tireraient leur activité antipaludique in vivo de leur association, sans que l’on puisse parler véritablement de polychimiothérapie comme certains ne manqueraient probablement pas, dans ce cas, de le faire. Dans l’état actuel de nos connaissances, l’idée même de l’existence d’une propriété antipaludique de certaines armoises en dehors d’Artemisia annua et de son artémisinine est sans nul doute difficile à admettre, mais refuser ne serait-ce que de l’envisager et d’essayer de savoir si cela correspond à un phantasme ou à une réalité serait un peu comme risquer de jeter le bébé avec l’eau de son bain, et J-F Pays (*) Co-rédacteur du Bulletin de la Société de pathologie exotique, e-mail : jeanfrancoispays@gmail.com","PeriodicalId":9353,"journal":{"name":"Bulletin de la Societe de pathologie exotique","volume":"112 3","pages":"127-128"},"PeriodicalIF":0.0000,"publicationDate":"2019-01-01","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":"{\"title\":\"Ne pas jeter le bébé avec l'eau de son bain. 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Comme ces aristocrates de la Restauration dont Talleyrand disait qu’ils n’avaient rien oublié et rien appris, les responsables de la Stratégie technique mondiale de lutte contre le paludisme qui disposent aujourd’hui d’un budget annuel de 3 milliards de dollars, mais qui en réclament plus du double, s’étaient fixés en 2016, comme objectif intermédiaire 2020, une réduction de 40 % de la morbidité et de la mortalité du paludisme par rapport à 2015, et, à plus long terme, de 90 % en 2030. L’OMS a d’ores et déjà entériné le fait que les objectifs de moyen terme seront une fois de plus loin d’être atteints [4). Tout ce qui touche au traitement et à la prévention du paludisme à P. falciparum est donc plus que jamais d’actualité. Ce qu’il fallait dire au sujet de l’incitation à utiliser dans ce cadre, en monothérapie par voie orale et sous forme de tisane, donc à des doses qui ne peuvent être contrôlées, la plante dont est extraite l’artémisinine a été à juste titre dit à plusieurs reprises dans notre Bulletin et ailleurs. Il est un point sur lequel nous voudrions toutefois revenir : les tisanes préparées avec des feuilles séchées d’Artemisia afra feraient jeu égal avec celles d’Artemisia annua dans le traitement des accès de paludisme, alors qu’Artemisia afra ne contient pratiquement pas d’artémisinine (0,036 mg/gr de feuilles sèches versus 1,35 à 1,70 mg pour Artemisia annua). C’est du moins ce que prétendent les promoteurs et les défenseurs des tisanes d’Artemisia spp à la suite d’un essai randomisé en double insu [1] portant sur 943 patients et comparant respectivement l’activité de l’ASAQ aux tisanes d’Artemisia annua et d’Artemisia afra dans le traitement des accès simples de paludisme à P. falciparum. L’article qui en rend compte est critiquable sur de nombreux points. À moins de postuler d’emblée que les résultats rapportés ne correspondent en rien à la réalité, il n’en reste pas moins que ceux qui concernent Artemisia afra vont à l’encontre de toutes les attentes et de toute logique. Leur confirmation par des équipes travaillant sans a priori et en dehors de tout positionnement idéologique pourrait témoigner de la présence, dans les feuilles séchées de cette espèce d’armoise, soit d’une molécule autre que l’artémisinine, mais qui aurait une activité antipaludique semblable, ce que ne confirme pas les tests in vitro, soit d’une pro-drogue susceptible d’acquérir cette activité après avoir été métabolisée, soit enfin de plusieurs molécules, inactives prises isolément, mais qui tireraient leur activité antipaludique in vivo de leur association, sans que l’on puisse parler véritablement de polychimiothérapie comme certains ne manqueraient probablement pas, dans ce cas, de le faire. 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Ne pas jeter le bébé avec l'eau de son bain. A propos d'Artemisia afra.
La publication du dernier rapport OMS sur le paludisme (novembre 2018, concernant l’année 2017) [3] constate que toutes les craintes qui avaient été formulées et reprises dans un ensemble de réflexions publié dans le Bulletin de la Société de pathologie exotique en 2010 [5] sont devenues aujourd’hui des réalités : quasi-stagnation depuis 2015 de la morbidité (219 millions de cas contre 239 millions en 2010) et de la mortalité (435 000 décès annuels, au lieu d’un chiffre proche de zéro promis pour 2015, si on s’en réfère aux objectifs du Programme mondial de lutte contre le paludisme lorsque celui-ci a pris le relai de Roll Back Malaria en 2010), échec de l’universalité de la couverture par les moustiquaires imprégnées d’insecticide à longue durée d’action (MILD ou MILDA) dont ne bénéficie aujourd’hui qu’une petite moitié de la population africaine à risque, associé à une résistance d’importance croissante des anophèles aux pyréthrinoïdes qui en sont le fer de lance, adaptation des vecteurs aux contraintes générées par l’ensemble des moyens de lutte antivectorielle...[3], tout cela dans le contexte d’une résistance de plus en plus préoccupante de P. falciparum aux combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine (CTA) et de l’entrée en scène d’un vaccin dont l’efficacité plus que médiocre (40 % dans le meilleur des cas), le condamnerait, en d’autres circonstances, à rester au placard [2]. Comme ces aristocrates de la Restauration dont Talleyrand disait qu’ils n’avaient rien oublié et rien appris, les responsables de la Stratégie technique mondiale de lutte contre le paludisme qui disposent aujourd’hui d’un budget annuel de 3 milliards de dollars, mais qui en réclament plus du double, s’étaient fixés en 2016, comme objectif intermédiaire 2020, une réduction de 40 % de la morbidité et de la mortalité du paludisme par rapport à 2015, et, à plus long terme, de 90 % en 2030. L’OMS a d’ores et déjà entériné le fait que les objectifs de moyen terme seront une fois de plus loin d’être atteints [4). Tout ce qui touche au traitement et à la prévention du paludisme à P. falciparum est donc plus que jamais d’actualité. Ce qu’il fallait dire au sujet de l’incitation à utiliser dans ce cadre, en monothérapie par voie orale et sous forme de tisane, donc à des doses qui ne peuvent être contrôlées, la plante dont est extraite l’artémisinine a été à juste titre dit à plusieurs reprises dans notre Bulletin et ailleurs. Il est un point sur lequel nous voudrions toutefois revenir : les tisanes préparées avec des feuilles séchées d’Artemisia afra feraient jeu égal avec celles d’Artemisia annua dans le traitement des accès de paludisme, alors qu’Artemisia afra ne contient pratiquement pas d’artémisinine (0,036 mg/gr de feuilles sèches versus 1,35 à 1,70 mg pour Artemisia annua). C’est du moins ce que prétendent les promoteurs et les défenseurs des tisanes d’Artemisia spp à la suite d’un essai randomisé en double insu [1] portant sur 943 patients et comparant respectivement l’activité de l’ASAQ aux tisanes d’Artemisia annua et d’Artemisia afra dans le traitement des accès simples de paludisme à P. falciparum. L’article qui en rend compte est critiquable sur de nombreux points. À moins de postuler d’emblée que les résultats rapportés ne correspondent en rien à la réalité, il n’en reste pas moins que ceux qui concernent Artemisia afra vont à l’encontre de toutes les attentes et de toute logique. Leur confirmation par des équipes travaillant sans a priori et en dehors de tout positionnement idéologique pourrait témoigner de la présence, dans les feuilles séchées de cette espèce d’armoise, soit d’une molécule autre que l’artémisinine, mais qui aurait une activité antipaludique semblable, ce que ne confirme pas les tests in vitro, soit d’une pro-drogue susceptible d’acquérir cette activité après avoir été métabolisée, soit enfin de plusieurs molécules, inactives prises isolément, mais qui tireraient leur activité antipaludique in vivo de leur association, sans que l’on puisse parler véritablement de polychimiothérapie comme certains ne manqueraient probablement pas, dans ce cas, de le faire. Dans l’état actuel de nos connaissances, l’idée même de l’existence d’une propriété antipaludique de certaines armoises en dehors d’Artemisia annua et de son artémisinine est sans nul doute difficile à admettre, mais refuser ne serait-ce que de l’envisager et d’essayer de savoir si cela correspond à un phantasme ou à une réalité serait un peu comme risquer de jeter le bébé avec l’eau de son bain, et J-F Pays (*) Co-rédacteur du Bulletin de la Société de pathologie exotique, e-mail : jeanfrancoispays@gmail.com
期刊介绍:
Le Bulletin de la Société de pathologie exotique et la société savante (SPE) dont il est la vitrine ont été créés en 1908 par Alphonse Laveran. Destiné, dans un premier temps, à servir de support à la publication des travaux des sociétaires présentés en séance sous forme de communication ou de mémoire, ce périodique est devenu, au fil du temps, une revue internationale francophone multidisciplinaire, ouverte à tous les médecins, vétérinaires, anthropologues et chercheurs travaillant dans le domaine de la médecine tropicale humaine et animale et de la santé publique dans les pays en voie de développement.