{"title":"电影作为一种模棱两可的倾向。Jean Echenoz的一些小说","authors":"B. Blanckeman","doi":"10.1353/frf.2021.0023","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"Les personnages circulent, dans les romans de Jean Echenoz. Ils se meuvent, s’agitent et les narrateurs avec eux, qui franchissent souvent des océans, chaussés de bottes de sept lieues, caméra au poing. Que cherchentils les uns et les autres sinon un alibi d’existence, au gré d’aventures en cartonpâte préemptées par d’innombrables scripts auxquels plus personne, pas même eux, ne semble croire? Le motif cinématographique, fonduenchaîné à la mémoire de genres littéraires mineurs, seraitil là pour piéger le vivant, le figer à même la pellicule sur un mode drolatique? Arrête ton cinéma: cette injonction familière, les lecteurs de Jean Echenoz l’inversent, tant l’écrivain, porté par sa mémoire des genres communs à la littérature romanesque et au Septième Art, fait rire aux dépens de personnages croqués à vif, s’effrayant de déambulations dont les causes sont aussi vaines que les effets sans lendemain. Seules la tenue d’une narration ourdissant ses pièges existentiels et la teneur d’une langue valant pour tout éthos d’écrivain leur confèrent entre rire et blues un style dans le désastre. La relation entre roman et cinéma fut longtemps placée sous le signe d’une prédation réciproque. L’un et l’autre énoncent la société et parlent le monde en piratant leurs ressources respectives, quand leurs auteurs euxmêmes ne se veulent pas écrivainscinéastes (André Malraux) ou cinéastesécrivains (Christophe Honoré). Le pillage est joyeux dans l’œuvre d’Echenoz, qui emprunte à la cinémathèque des films de catégorie B: polar (Cherokee), espionnage (Le Méridien de Greenwich), aventures (Les Grandes Blondes), comédie à l’américaine (Au Piano, avec en guest star parmi les personnages Dean Martin et Dora Dol). Cet appétit cinéphile de romancier le conduit aussi à quelques incursions dans un genre informel qui tend à se développer simultanément en littérature— la biofiction—et au cinéma—le biopic. Dans Ravel, l’écrivain part ainsi de la","PeriodicalId":42174,"journal":{"name":"FRENCH FORUM","volume":"46 1","pages":"127 - 135"},"PeriodicalIF":0.1000,"publicationDate":"2022-01-05","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":"{\"title\":\"Du cinéma comme tropisme équivoque. Sur quelques romans de Jean Echenoz\",\"authors\":\"B. 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Du cinéma comme tropisme équivoque. Sur quelques romans de Jean Echenoz
Les personnages circulent, dans les romans de Jean Echenoz. Ils se meuvent, s’agitent et les narrateurs avec eux, qui franchissent souvent des océans, chaussés de bottes de sept lieues, caméra au poing. Que cherchentils les uns et les autres sinon un alibi d’existence, au gré d’aventures en cartonpâte préemptées par d’innombrables scripts auxquels plus personne, pas même eux, ne semble croire? Le motif cinématographique, fonduenchaîné à la mémoire de genres littéraires mineurs, seraitil là pour piéger le vivant, le figer à même la pellicule sur un mode drolatique? Arrête ton cinéma: cette injonction familière, les lecteurs de Jean Echenoz l’inversent, tant l’écrivain, porté par sa mémoire des genres communs à la littérature romanesque et au Septième Art, fait rire aux dépens de personnages croqués à vif, s’effrayant de déambulations dont les causes sont aussi vaines que les effets sans lendemain. Seules la tenue d’une narration ourdissant ses pièges existentiels et la teneur d’une langue valant pour tout éthos d’écrivain leur confèrent entre rire et blues un style dans le désastre. La relation entre roman et cinéma fut longtemps placée sous le signe d’une prédation réciproque. L’un et l’autre énoncent la société et parlent le monde en piratant leurs ressources respectives, quand leurs auteurs euxmêmes ne se veulent pas écrivainscinéastes (André Malraux) ou cinéastesécrivains (Christophe Honoré). Le pillage est joyeux dans l’œuvre d’Echenoz, qui emprunte à la cinémathèque des films de catégorie B: polar (Cherokee), espionnage (Le Méridien de Greenwich), aventures (Les Grandes Blondes), comédie à l’américaine (Au Piano, avec en guest star parmi les personnages Dean Martin et Dora Dol). Cet appétit cinéphile de romancier le conduit aussi à quelques incursions dans un genre informel qui tend à se développer simultanément en littérature— la biofiction—et au cinéma—le biopic. Dans Ravel, l’écrivain part ainsi de la
期刊介绍:
French Forum is a journal of French and Francophone literature and film. It publishes articles in English and French on all periods and genres in both disciplines and welcomes a multiplicity of approaches. Founded by Virginia and Raymond La Charité, French Forum is produced by the French section of the Department of Romance Languages at the University of Pennsylvania. All articles are peer reviewed by an editorial committee of external readers. The journal has a book review section, which highlights a selection of important new publications in the field.