{"title":"乌托邦式的身体","authors":"Fatima Zohra Rghioui","doi":"10.1353/exp.2023.a899595","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"J’ai saisi le sens de la barrière infranchissable érigée entre le féminin et le masculin avant même de comprendre ce qu’était la féminité dont on m’avait affublée dès la naissance. Du plus loin que je me souvienne me reviennent les interdits qu’on avait dressés entre les garçons et moi afin que je ne m’approche pas d’eux, que je ne partage pas leurs jeux, que je ne m’identifie pas à eux. Mieux valait même s’en méfier. Apparemment, il s’agissait d’une classe d’individus – pas nécessairement supérieure – s’imposant par la force et se distinguant par leur peu de respect des conventions sociales. Eux pouvaient les transgresser et dépasser les limites de ce qui était autorisé afin de découvrir le monde et de maîtriser cet espace marqué par la diversité, la différence et le conflit. Même quand je jouais à être la femme de ma copine qui avait mis entre ses cuisses un petit morceau de bois – nous n’avions guère que six ans –, je ne saisissais pas nettement la différence entre le féminin et le masculin. Peu après, la même année peut-être, j’allais découvrir ce que simulait ce petit morceau de bois, mais fait cette fois-ci de chair et de sang, sur le corps d’un camarade de jeu. Mais, plus forte que cette différence, il y avait l’interdiction catégorique","PeriodicalId":41074,"journal":{"name":"Expressions maghrebines","volume":null,"pages":null},"PeriodicalIF":0.1000,"publicationDate":"2023-06-01","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":"{\"title\":\"Un corps utopique\",\"authors\":\"Fatima Zohra Rghioui\",\"doi\":\"10.1353/exp.2023.a899595\",\"DOIUrl\":null,\"url\":null,\"abstract\":\"J’ai saisi le sens de la barrière infranchissable érigée entre le féminin et le masculin avant même de comprendre ce qu’était la féminité dont on m’avait affublée dès la naissance. Du plus loin que je me souvienne me reviennent les interdits qu’on avait dressés entre les garçons et moi afin que je ne m’approche pas d’eux, que je ne partage pas leurs jeux, que je ne m’identifie pas à eux. Mieux valait même s’en méfier. Apparemment, il s’agissait d’une classe d’individus – pas nécessairement supérieure – s’imposant par la force et se distinguant par leur peu de respect des conventions sociales. Eux pouvaient les transgresser et dépasser les limites de ce qui était autorisé afin de découvrir le monde et de maîtriser cet espace marqué par la diversité, la différence et le conflit. Même quand je jouais à être la femme de ma copine qui avait mis entre ses cuisses un petit morceau de bois – nous n’avions guère que six ans –, je ne saisissais pas nettement la différence entre le féminin et le masculin. Peu après, la même année peut-être, j’allais découvrir ce que simulait ce petit morceau de bois, mais fait cette fois-ci de chair et de sang, sur le corps d’un camarade de jeu. Mais, plus forte que cette différence, il y avait l’interdiction catégorique\",\"PeriodicalId\":41074,\"journal\":{\"name\":\"Expressions maghrebines\",\"volume\":null,\"pages\":null},\"PeriodicalIF\":0.1000,\"publicationDate\":\"2023-06-01\",\"publicationTypes\":\"Journal Article\",\"fieldsOfStudy\":null,\"isOpenAccess\":false,\"openAccessPdf\":\"\",\"citationCount\":\"0\",\"resultStr\":null,\"platform\":\"Semanticscholar\",\"paperid\":null,\"PeriodicalName\":\"Expressions maghrebines\",\"FirstCategoryId\":\"1085\",\"ListUrlMain\":\"https://doi.org/10.1353/exp.2023.a899595\",\"RegionNum\":3,\"RegionCategory\":\"文学\",\"ArticlePicture\":[],\"TitleCN\":null,\"AbstractTextCN\":null,\"PMCID\":null,\"EPubDate\":\"\",\"PubModel\":\"\",\"JCR\":\"0\",\"JCRName\":\"LITERATURE, ROMANCE\",\"Score\":null,\"Total\":0}","platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Expressions maghrebines","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://doi.org/10.1353/exp.2023.a899595","RegionNum":3,"RegionCategory":"文学","ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"0","JCRName":"LITERATURE, ROMANCE","Score":null,"Total":0}
J’ai saisi le sens de la barrière infranchissable érigée entre le féminin et le masculin avant même de comprendre ce qu’était la féminité dont on m’avait affublée dès la naissance. Du plus loin que je me souvienne me reviennent les interdits qu’on avait dressés entre les garçons et moi afin que je ne m’approche pas d’eux, que je ne partage pas leurs jeux, que je ne m’identifie pas à eux. Mieux valait même s’en méfier. Apparemment, il s’agissait d’une classe d’individus – pas nécessairement supérieure – s’imposant par la force et se distinguant par leur peu de respect des conventions sociales. Eux pouvaient les transgresser et dépasser les limites de ce qui était autorisé afin de découvrir le monde et de maîtriser cet espace marqué par la diversité, la différence et le conflit. Même quand je jouais à être la femme de ma copine qui avait mis entre ses cuisses un petit morceau de bois – nous n’avions guère que six ans –, je ne saisissais pas nettement la différence entre le féminin et le masculin. Peu après, la même année peut-être, j’allais découvrir ce que simulait ce petit morceau de bois, mais fait cette fois-ci de chair et de sang, sur le corps d’un camarade de jeu. Mais, plus forte que cette différence, il y avait l’interdiction catégorique