{"title":"Une Vanité selon Valéry. Le Bris de la littérature.","authors":"J. Peslier","doi":"10.4000/books.pufc.7702","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"Il y a les heures ou l’on ecrit pour vivre, les heures ou l’on vit pour ecrire. Il y a aussi les heures que l’on vit et que l’on n’ecrit pas, qu’on garde au fond de soi comme on garde un mystere, selon les mots du poete1. Le temps passe et l’homme avec, dans le tourbillon de ses passions, de ses silences et indifferences. Fugacite des mots, des emotions, des desirs, des deuils et des amours, des travaux et des jours, des offenses et des honneurs, des guerres et des arts. Des sentiments les plus nobles aux degouts les plus francs, le temps d’une vie humaine, la bre(v)itas de quatre-vingts annees honorables, et les couleurs et vernis ont passe. Ecrire sur la vanite, c’est ecrire sur la vie, c’est mediter sur l’œuvre a faire et sur l’œuvre faite, c’est penser le vivant depuis la mort comme point focal d’ou sont regardes la vie et ses tumultes, l’œuvre et ses gloires, l’homme en ses jeux et ses trajectoires. C’est dire de quelle duree la vie de l’ecriture se charge, qu’elle grave sur le marbre ou le papier la devise meme qui la detruit comme parole de gloire, en un mouvement paradoxal : « Chacun devrait parvenir a son ascese fondamentale. La mienne serait le silence2. », note l’ecrivain Canetti.S’il y a vanite de l’ecriture, pourquoi donc ecrire la vanite ?N’en serait-ce pas le comble, la vanite supreme, une vanite pour dire la vanite meme ? C’en serait aussi son enonce enigmatique, paradoxal : non plus, sur le mode de Pascal, « J’ecris qu’il est vain de peindre3 », mais a la man","PeriodicalId":398913,"journal":{"name":"Les écrivains théoriciens de la littérature (1920-1945)","volume":"25 1","pages":"0"},"PeriodicalIF":0.0000,"publicationDate":"2013-05-05","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Les écrivains théoriciens de la littérature (1920-1945)","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://doi.org/10.4000/books.pufc.7702","RegionNum":0,"RegionCategory":null,"ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"","JCRName":"","Score":null,"Total":0}
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Abstract
Il y a les heures ou l’on ecrit pour vivre, les heures ou l’on vit pour ecrire. Il y a aussi les heures que l’on vit et que l’on n’ecrit pas, qu’on garde au fond de soi comme on garde un mystere, selon les mots du poete1. Le temps passe et l’homme avec, dans le tourbillon de ses passions, de ses silences et indifferences. Fugacite des mots, des emotions, des desirs, des deuils et des amours, des travaux et des jours, des offenses et des honneurs, des guerres et des arts. Des sentiments les plus nobles aux degouts les plus francs, le temps d’une vie humaine, la bre(v)itas de quatre-vingts annees honorables, et les couleurs et vernis ont passe. Ecrire sur la vanite, c’est ecrire sur la vie, c’est mediter sur l’œuvre a faire et sur l’œuvre faite, c’est penser le vivant depuis la mort comme point focal d’ou sont regardes la vie et ses tumultes, l’œuvre et ses gloires, l’homme en ses jeux et ses trajectoires. C’est dire de quelle duree la vie de l’ecriture se charge, qu’elle grave sur le marbre ou le papier la devise meme qui la detruit comme parole de gloire, en un mouvement paradoxal : « Chacun devrait parvenir a son ascese fondamentale. La mienne serait le silence2. », note l’ecrivain Canetti.S’il y a vanite de l’ecriture, pourquoi donc ecrire la vanite ?N’en serait-ce pas le comble, la vanite supreme, une vanite pour dire la vanite meme ? C’en serait aussi son enonce enigmatique, paradoxal : non plus, sur le mode de Pascal, « J’ecris qu’il est vain de peindre3 », mais a la man