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Abstract
Aucune autre relation des Antilles de cette période ne jouit de la protection d’hommes aussi importants que l’Histoire générale des Antilles. Il semble donc être le mieux placé parmi les dominicains pour diffuser le savoir acquis des missionnaires sur l’histoire et la société antillaises au-delà de son propre cercle religieux. Du Tertre exprime directement le désir que le « Livre sera veu en beaucoup de lieux » dans l’épitre adressée à Claude Sanguin (1654 : NP). À en croire l’auteur anonyme de la seule biographie du missionnaire, les contemporains de Du Tertre auraient lu les tomes III et IV de 1671 avec un intérêt particulier, puisqu’ils relatent les événements de l’histoire des Îles à partir de 1660, moment où la nouvelle politique coloniale de Louis XIV se met en place1. Suivant cette logique, ce serait donc moins les curiosités antillaises qui auraient suscité l’intérêt d’un certain public que les rapports que contenait le texte sur les effets de cette politique française. En revanche, Gilbert Chinard suggère que les descriptions de la nature antillaise auraient attiré d’autres lecteurs ; les savants et les curieux s’y intéressaient, ainsi que le public féminin2. Les illustrations, rappelons-le, se trouvent dans le deuxième tome, qui contient l’histoire naturelle et morale ; sur ce point, il semble bien que Chinard ait raison. Les estampes coûtaient cher ; il est alors logique que l’éditeur choisisse d’illustrer la partie du livre la plus susceptible de plaire à ce lectorat. Par ailleurs, Du Tertre s’adresse manifestement à un public de futurs voyageurs, colons aussi bien que missionnaires. Dans l’édition de 1654, il prie le lecteur de garder à l’esprit que l’auteur a « eu en veuë non seulement la satisfaction des curieux ; mais l’utilité des habitans du pays, aussi bien que d’informer ceux qui veulent faire le voyage, de plusieurs choses qui leur sont absolument necessaires : si bien qu’il se pourra faire que les choses qui choqueront ton esprit seront l’utilité & les délices des autres ». (1654, tome I : NP) Le choix des protecteurs – Achille II de Harlay, son fils Achille III de Harlay et Jérôme Bignon – témoigne de l’ambition de Du Tertre de placer son livre au centre de la vie scientifique, politique et mondaine de Paris. La famille de Harlay avait déjà été impliquée dans l’histoire américaine : Nicolas de Harlay avait fondé une compagnie pour le Brésil au siècle précédent, sans succès3.