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Abstract
Adorno a contribue a faire accepter dans le champ critique la notion labile de « tact », qu’il a instituee en categorie dialectique dans un passage des Minima Moralia, « Zur Dialektik des Takts1 ». Dans ce texte, Adorno fait correspondre au tact un moment historique particulier, le temps de Goethe, entre l’absolutisme d’Ancien regime et l’emancipation moderne : le tact bien compris serait une qualite specifique de l’homme goetheen, face a la dereliction des rapports sociaux traditionnels au moment de l’avenement d’une societe individualiste et liberale. Il y aurait eu chez Goethe une lucidite extraordinaire a reconnaitre la perte et a anticiper le pire, lucidite l’ayant conduit a accepter la necessite de renoncer au bonheur du vivre ensemble d’autrefois, pour permettre le sauvetage (precaire) d’une forme de vie en societe. Les hommes du debut du XXe siecle, pour Adorno, ne connaissent plus du tact qu’une forme appauvrie, la « politesse du cœur » des manuels de savoir-vivre. En evoquant le « tact goetheen », Adorno ne semble que reprendre un topos critique deja etabli, qu’il etoffe en y introduisant un mouvement dialectique et une perspective historique. Dans un texte anterieur et plus confidentiel, Adorno convoquait en effet deja ce « tact goetheen », en mauvaise part cette fois. Il s’insurgeait, dans une lettre adressee de Vienne a Siegfried Kracauer en mars 1925, contre les reproches et l’ironie autoritaire de son ami et mentor :[...] der Vorwurf der Voreiligkeit, den Du of