{"title":"« De l’acte – le serment d’Hippocrate, du sacré au social »","authors":"E. Borgnis Desbordes","doi":"10.1016/j.etiqe.2024.06.008","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"<div><p>Le serment d’Hippocrate est sans nul doute le serment professionnel le plus connu, serment que les jeunes médecins prononcent au seuil de leur carrière, serment qui engage compétence, responsabilité, sens du devoir, dignité dans les actes professionnels, respect de la vie privée d’autrui. Le caractère ‘sacré’ du serment - historiquement référé au ‘divin’ – a très longtemps prévalu. Mais au ‘divin’ s’est substitué des préoccupations bien plus humaines. Pour autant l’engagement devant la communauté des hommes à prêter serment et à respecter ses principes éthiques ne doit pas pour autant perdre en valeur. Il participe derrière ce qu’il énonce et ce à quoi il engage, un pacte symbolique qui, comme tout contrat, régule le rapport des êtres entre eux selon des principes éthiques forts. Plus encore, comme toute « formation humaine », il réfrène les excès, les pulsions, les jouissances. Si de nombreuses critiques estiment que le serment d’Hippocrate est obsolète et ne reflète pas suffisamment les enjeux contemporains de la pratique médicale, il est important de rappeler sa valeur de régulation symbolique du rapport social qui d’une altérité constituante, tire sa cause. Il serait sans nul doute déplorable que les nouveaux enjeux contemporains poussent à la dilution des principes éthiques d’un serment prêté et que par là même, soit occultée cette dimension symbolique de l’acte lui-même qui élève celui qui s’y engage à toujours plus grande dignité. A l’heure du délitement du lien social et de la dérégulation des jouissances, les médecins sont de plus en plus sollicités à accueillir la précarité symbolique. L’engagement dans ces longues études et dans leur profession les pousse à œuvrer non pas simplement à l’allégement des souffrances mais à miser, auprès de chaque patient, pour que cette altérité constituante - toujours pour une part référée au corps – soit prise en compte et trouve renouvellement incessant. Prêter serment, c’est parier sur l’humanité.</p></div><div><p>The Hippocratic Oath is undoubtedly the well-known professional oath, an oath that young doctors take at the beginning of their careers, an oath that commits them to competence, responsibility, a sense of duty, dignity in professional acts and respect for the private lives of others. The ‘sacred’ nature of the oath - historically referred as ‘divine’ - has long prevailed. But the ‘divine’ has been replaced by far more human concerns. Nevertheless, the commitment before the community of men to take an oath and respect its ethical principles must not lose its value. Behind what it says and what it commits to is a symbolic pact which, like any contract, regulates the relationship between people according to strong ethical principles. What's more, like all ‘human formation’, it curbs excesses, impulses and pleasures. While many critics believe that the Hippocratic oath is obsolete and does not sufficiently reflect the contemporary challenges of medical practice, it is important to remember its value as a symbolic regulation of the social relationship that derives its cause from a constituent otherness. It would undoubtedly be deplorable if the new challenges of our time were to lead to a dilution of the ethical principles of the oath taken, thereby obscuring the symbolic dimension of the act itself, which elevates those who commit themselves to it to ever greater dignity. At a time when social bonds are crumbling and enjoyment is being deregulated, doctors are increasingly called upon to deal with symbolic precariousness. The commitment they have made to their long studies and to their profession means that they have to work not simply to alleviate suffering, but to work with each patient to ensure that this constituent otherness - which is always in part referred to the body - is taken into account and constantly renewed. To take an oath is to bet on humanity.</p></div>","PeriodicalId":72955,"journal":{"name":"Ethique & sante","volume":"21 3","pages":"Pages 205-210"},"PeriodicalIF":0.0000,"publicationDate":"2024-07-19","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Ethique & sante","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1765462924000692","RegionNum":0,"RegionCategory":null,"ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"","JCRName":"","Score":null,"Total":0}
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Abstract
Le serment d’Hippocrate est sans nul doute le serment professionnel le plus connu, serment que les jeunes médecins prononcent au seuil de leur carrière, serment qui engage compétence, responsabilité, sens du devoir, dignité dans les actes professionnels, respect de la vie privée d’autrui. Le caractère ‘sacré’ du serment - historiquement référé au ‘divin’ – a très longtemps prévalu. Mais au ‘divin’ s’est substitué des préoccupations bien plus humaines. Pour autant l’engagement devant la communauté des hommes à prêter serment et à respecter ses principes éthiques ne doit pas pour autant perdre en valeur. Il participe derrière ce qu’il énonce et ce à quoi il engage, un pacte symbolique qui, comme tout contrat, régule le rapport des êtres entre eux selon des principes éthiques forts. Plus encore, comme toute « formation humaine », il réfrène les excès, les pulsions, les jouissances. Si de nombreuses critiques estiment que le serment d’Hippocrate est obsolète et ne reflète pas suffisamment les enjeux contemporains de la pratique médicale, il est important de rappeler sa valeur de régulation symbolique du rapport social qui d’une altérité constituante, tire sa cause. Il serait sans nul doute déplorable que les nouveaux enjeux contemporains poussent à la dilution des principes éthiques d’un serment prêté et que par là même, soit occultée cette dimension symbolique de l’acte lui-même qui élève celui qui s’y engage à toujours plus grande dignité. A l’heure du délitement du lien social et de la dérégulation des jouissances, les médecins sont de plus en plus sollicités à accueillir la précarité symbolique. L’engagement dans ces longues études et dans leur profession les pousse à œuvrer non pas simplement à l’allégement des souffrances mais à miser, auprès de chaque patient, pour que cette altérité constituante - toujours pour une part référée au corps – soit prise en compte et trouve renouvellement incessant. Prêter serment, c’est parier sur l’humanité.
The Hippocratic Oath is undoubtedly the well-known professional oath, an oath that young doctors take at the beginning of their careers, an oath that commits them to competence, responsibility, a sense of duty, dignity in professional acts and respect for the private lives of others. The ‘sacred’ nature of the oath - historically referred as ‘divine’ - has long prevailed. But the ‘divine’ has been replaced by far more human concerns. Nevertheless, the commitment before the community of men to take an oath and respect its ethical principles must not lose its value. Behind what it says and what it commits to is a symbolic pact which, like any contract, regulates the relationship between people according to strong ethical principles. What's more, like all ‘human formation’, it curbs excesses, impulses and pleasures. While many critics believe that the Hippocratic oath is obsolete and does not sufficiently reflect the contemporary challenges of medical practice, it is important to remember its value as a symbolic regulation of the social relationship that derives its cause from a constituent otherness. It would undoubtedly be deplorable if the new challenges of our time were to lead to a dilution of the ethical principles of the oath taken, thereby obscuring the symbolic dimension of the act itself, which elevates those who commit themselves to it to ever greater dignity. At a time when social bonds are crumbling and enjoyment is being deregulated, doctors are increasingly called upon to deal with symbolic precariousness. The commitment they have made to their long studies and to their profession means that they have to work not simply to alleviate suffering, but to work with each patient to ensure that this constituent otherness - which is always in part referred to the body - is taken into account and constantly renewed. To take an oath is to bet on humanity.