Dépistage, prise en charge et suivi des personnes potentiellement surexposées au cadmium, du fait de leur lieu de résidence – Recommandation de bonne pratique
R. Garnier , A. Gautier , C. Beaubestre , M. Bellouard , D. Boels , F.O. Denayer , C. Granon , J. Langrand , E. Marcotullio , C. Nisse , S. Ronga-Pezeret , F. Simon , N. Velly , P. Gabach , C. Tournoud
{"title":"Dépistage, prise en charge et suivi des personnes potentiellement surexposées au cadmium, du fait de leur lieu de résidence – Recommandation de bonne pratique","authors":"R. Garnier , A. Gautier , C. Beaubestre , M. Bellouard , D. Boels , F.O. Denayer , C. Granon , J. Langrand , E. Marcotullio , C. Nisse , S. Ronga-Pezeret , F. Simon , N. Velly , P. Gabach , C. Tournoud","doi":"10.1016/j.toxac.2024.08.007","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"<div><h3>Contexte et objectifs</h3><p>À la demande de la direction générale de la santé (DGS), la HAS et la STC ont coordonné l’élaboration d’une recommandation de bonne pratique à l’intention des professionnels de santé, pour le dépistage, la prise en charge et le suivi des populations résidant sur des sites où la concentration de cadmium (Cd) dans les sols est élevée.</p></div><div><h3>Résultats et principales recommandations</h3><p>Les principales <em>sources d’exposition</em> de la population générale au Cd sont alimentaires et majoritairement constituées par les céréales (en particulier le blé, le riz et leurs produits dérivés) et les légumes. Ce bruit de fond est assez important, avec des prises moyennes de 0,16 à 0,35<!--> <!-->μg/kg pc/j et des 95<sup>e</sup> percentiles compris entre 0,2 et 0,6<!--> <!-->μg/kg/j, selon les tranches d’âge. Dans les sites ou la concentration de Cd dans les sols est élevée, les principaux modes de contamination sont la consommation de légumes produits sur le site et l’ingestion de poussières ou de terre, par les individus géophages ou onychophages et à un moindre degré, par les enfants de moins de 7<!--> <!-->ans, en particulier ceux âgés de 6 mois à 4<!--> <!-->ans. Des surexpositions sont également prévisibles chez les individus plus âgés et sans troubles du comportement alimentaire, quand ils séjournent depuis longtemps sur le site (au moins 10<!--> <!-->ans si l’exposition a commencé après l’âge de 6<!--> <!-->ans, au moins 5<!--> <!-->ans, si elle a débuté avant), en raison de la très lente élimination du cadmium (demi-vie<!--> <!-->><!--> <!-->20<!--> <!-->ans).</p><p>Les <em>effets sur la santé</em> de l’exposition chronique au Cd sont nombreux et divers. Les effets critiques (ceux qui surviennent pour les expositions les plus faibles) sont des atteintes rénales tubulaire et glomérulaire qui sont des effets à seuil de dose. Chez les femmes ménopausées et chez les hommes de plus de 60<!--> <!-->ans, la surexposition au Cd est associée à une augmentation des risques de déminéralisation et de fractures spontanées. Les surexpositions au Cd pendant la grossesse sont associées à une augmentation des risques de trouble du développement, en particulier du développement cognitif. Le cadmium est un cancérogène certain pour l’Homme ; les seuls cancers pour lesquels il existe des preuves épidémiologiques suffisantes sont les cancers broncho-pulmonaires associés à l’exposition professionnelle à des poussières ou des fumées de Cd ou de ses dérivés inorganiques.</p><p>L’<em>indicateur biologique d’exposition</em> (IBE) de référence pour le Cd est sa concentration urinaire ajustée sur celle de la créatinine (CdU). La concentration de Cd dans le sang total n’a d’intérêt qu’en association avec la CdU ; c’est un indicateur des expositions récentes. Les prélèvements de sang et d’urines, leur transport, leur stockage et leur traitement dans le laboratoire d’analyse doivent être organisés pour prévenir tout risque de contamination externe. Le laboratoire d’analyse doit être expérimenté, avoir mis en place des contrôles de qualité interne et externe et utiliser une méthode d’analyse de sensibilité suffisante et prenant en compte les interférences connues. Dans la population générale résidant en France et en l’absence d’exposition à une source spécifique de Cd, la CdU est généralement inférieure à 0,3<!--> <!-->μg/g créatinine avant 18<!--> <!-->ans, 0,5<!--> <!-->μg/g créatinine de 18 à 40<!--> <!-->ans, 0,7<!--> <!-->μg/g créatinine chez les hommes de plus de 40<!--> <!-->ans, 1,2<!--> <!-->μg/g créatinine chez les femmes de plus de 40<!--> <!-->ans. 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Quand la concentration de Cd dans le sol atteint 1<!--> <!-->mg/kg, le dépistage doit être étendu aux enfants de moins de 7<!--> <!-->ans et aux personnes dont la durée de séjour cumulée sur le site dépasse 10<!--> <!-->ans (5<!--> <!-->ans, si l’exposition a commencé avant l’âge de 7<!--> <!-->ans). L’outil du dépistage est la mesure de la CdU.</p></div><div><h3>Prise en charge médicale</h3><p>Elle est recommandée quand la CdU dépasse le seuil de 0,3<!--> <!-->μg/g créatinine avant l’âge de 30<!--> <!-->ans, 0,5<!--> <!-->μg/g créatinine entre 31 et 40<!--> <!-->ans, 0,8<!--> <!-->μg/g créatinine entre 41 et 50<!--> <!-->ans, 1<!--> <!-->μg/g créatinine après 50<!--> <!-->ans. Elle repose essentiellement sur l’identification des sources et des modes de contamination pour leur réduction au plus bas niveau possible. On recherchera aussi, pour les corriger, des carences en fer, en calcium ou en zinc qui facilitent l’absorption digestive du Cd. Des effets sanitaires de la surexposition ne sont attendus que lorsque la CdU dépasse le seuil de 1<!--> <!-->μg/g créatinine : protéinuries tubulaire et glomérulaire ; déminéralisation chez les femmes ménopausées, les hommes de plus de 60<!--> <!-->ans, les individus avec une atteinte rénale tubulaire. Les femmes en âge de procréer dont la CdU dépasse 1<!--> <!-->μg/g créatinine, ainsi que leurs médecins/sages-femmes doivent être informés des risques pour le développement, pour la mise en œuvre d’une surveillance adaptée de leurs grossesses et leurs enfants.</p><p>Les médecins exerçant à proximité de sites dont les sols ont une concentration élevée en Cd doivent recevoir une formation spécifique sur les complications possibles de l’exposition au Cd, les caractéristiques des personnes à risque et les modalités du diagnostic. La collaboration avec les spécialistes hospitalo-universitaires locorégionaux est indispensable pour ces formations et la confirmation des diagnostics.</p></div><div><h3>Surveillance médicale</h3><p>Une surveillance biométrologique (mesure de la CdU) est recommandée quand la concentration de Cd dans le sol dépasse 0,5<!--> <!-->mg/kg de matière sèche. Les populations cibles de cette surveillance sont : entre 0,5 et 1<!--> <!-->mg/kg, les résidents qui consomment des végétaux cultivés (jardins individuels) ou cueillis sur place, ainsi que les personnes géophages, onychophages ou qui ont un pica ; à partir de 1<!--> <!-->mg/kg la surveillance doit être étendue aux enfants de moins de 7<!--> <!-->ans et aux personnes dont la durée de séjour cumulée sur le site dépasse 10<!--> <!-->ans (5<!--> <!-->ans, si l’exposition a commencé avant l’âge de 7<!--> <!-->ans). Tant que la CdU est inférieure à la valeur sanitaire de référence pour la tranche d’âge (0,3<!--> <!-->μg/g créatinine avant 30<!--> <!-->ans, 0,5<!--> <!-->μg/g créatinine de 31 à 40<!--> <!-->ans, 0,8<!--> <!-->μg/g créatinine entre 41 et 50<!--> <!-->ans, 1<!--> <!-->μg/g créatinine après 50<!--> <!-->ans), la rythmicité de la surveillance est annuelle ; elle est semestrielle si ces valeurs sont dépassées. En cas de dépassement de la valeur sanitaire de référence en cours de surveillance, la prise en charge médicale doit être mise en œuvre, comme indiqué ci-dessus. Quand la CdU dépasse 1<!--> <!-->μg/g créatinine, le bilan à la recherche de complications doit être répété annuellement.</p><p>Dans les sites pollués par le Cd, il est recommandé de <em>constituer une base de données</em> rassemblant et conservant tous les résultats des évaluations biométrologiques des expositions : pour la traçabilité de ces dernières, à l’usage des intéressés, de leurs familles et des professionnels de santé concernés ; également, pour des analyses périodiques, guidant les actions de prévention et évaluant leur efficacité.</p></div>","PeriodicalId":23170,"journal":{"name":"Toxicologie Analytique et Clinique","volume":"36 3","pages":"Pages S73-S74"},"PeriodicalIF":1.8000,"publicationDate":"2024-09-10","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Toxicologie Analytique et Clinique","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2352007824001689","RegionNum":0,"RegionCategory":null,"ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"Q4","JCRName":"TOXICOLOGY","Score":null,"Total":0}
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Abstract
Contexte et objectifs
À la demande de la direction générale de la santé (DGS), la HAS et la STC ont coordonné l’élaboration d’une recommandation de bonne pratique à l’intention des professionnels de santé, pour le dépistage, la prise en charge et le suivi des populations résidant sur des sites où la concentration de cadmium (Cd) dans les sols est élevée.
Résultats et principales recommandations
Les principales sources d’exposition de la population générale au Cd sont alimentaires et majoritairement constituées par les céréales (en particulier le blé, le riz et leurs produits dérivés) et les légumes. Ce bruit de fond est assez important, avec des prises moyennes de 0,16 à 0,35 μg/kg pc/j et des 95e percentiles compris entre 0,2 et 0,6 μg/kg/j, selon les tranches d’âge. Dans les sites ou la concentration de Cd dans les sols est élevée, les principaux modes de contamination sont la consommation de légumes produits sur le site et l’ingestion de poussières ou de terre, par les individus géophages ou onychophages et à un moindre degré, par les enfants de moins de 7 ans, en particulier ceux âgés de 6 mois à 4 ans. Des surexpositions sont également prévisibles chez les individus plus âgés et sans troubles du comportement alimentaire, quand ils séjournent depuis longtemps sur le site (au moins 10 ans si l’exposition a commencé après l’âge de 6 ans, au moins 5 ans, si elle a débuté avant), en raison de la très lente élimination du cadmium (demi-vie > 20 ans).
Les effets sur la santé de l’exposition chronique au Cd sont nombreux et divers. Les effets critiques (ceux qui surviennent pour les expositions les plus faibles) sont des atteintes rénales tubulaire et glomérulaire qui sont des effets à seuil de dose. Chez les femmes ménopausées et chez les hommes de plus de 60 ans, la surexposition au Cd est associée à une augmentation des risques de déminéralisation et de fractures spontanées. Les surexpositions au Cd pendant la grossesse sont associées à une augmentation des risques de trouble du développement, en particulier du développement cognitif. Le cadmium est un cancérogène certain pour l’Homme ; les seuls cancers pour lesquels il existe des preuves épidémiologiques suffisantes sont les cancers broncho-pulmonaires associés à l’exposition professionnelle à des poussières ou des fumées de Cd ou de ses dérivés inorganiques.
L’indicateur biologique d’exposition (IBE) de référence pour le Cd est sa concentration urinaire ajustée sur celle de la créatinine (CdU). La concentration de Cd dans le sang total n’a d’intérêt qu’en association avec la CdU ; c’est un indicateur des expositions récentes. Les prélèvements de sang et d’urines, leur transport, leur stockage et leur traitement dans le laboratoire d’analyse doivent être organisés pour prévenir tout risque de contamination externe. Le laboratoire d’analyse doit être expérimenté, avoir mis en place des contrôles de qualité interne et externe et utiliser une méthode d’analyse de sensibilité suffisante et prenant en compte les interférences connues. Dans la population générale résidant en France et en l’absence d’exposition à une source spécifique de Cd, la CdU est généralement inférieure à 0,3 μg/g créatinine avant 18 ans, 0,5 μg/g créatinine de 18 à 40 ans, 0,7 μg/g créatinine chez les hommes de plus de 40 ans, 1,2 μg/g créatinine chez les femmes de plus de 40 ans. Le risque d’atteinte rénale associé à l’exposition au Cd, apparaît quand la CdU atteint le seuil de 1 μg/g créatinine. Pour que ce seuil ne soit pas dépassé après l’âge de 50 ans, la CdU doit être maintenue en dessous de 0,3 μg/g créatinine avant l’âge de 31 ans, en dessous de 0,5 μg/g créatinine entre 31 et 40 ans et en dessous de 0,8 μg/g créatinine entre 41 et 50 ans.
Dépistage
Quand la concentration de Cd dans le sol dépasse 0,5 mg/kg de matière sèche, il est recommandé de rechercher une surexposition de certains des occupants. Les populations cibles du dépistage sont alors : les résidents qui consomment des végétaux cultivés (jardins individuels) ou cueillis sur place, ainsi que les personnes géophages, onychophages ou qui ont un pica. Quand la concentration de Cd dans le sol atteint 1 mg/kg, le dépistage doit être étendu aux enfants de moins de 7 ans et aux personnes dont la durée de séjour cumulée sur le site dépasse 10 ans (5 ans, si l’exposition a commencé avant l’âge de 7 ans). L’outil du dépistage est la mesure de la CdU.
Prise en charge médicale
Elle est recommandée quand la CdU dépasse le seuil de 0,3 μg/g créatinine avant l’âge de 30 ans, 0,5 μg/g créatinine entre 31 et 40 ans, 0,8 μg/g créatinine entre 41 et 50 ans, 1 μg/g créatinine après 50 ans. Elle repose essentiellement sur l’identification des sources et des modes de contamination pour leur réduction au plus bas niveau possible. On recherchera aussi, pour les corriger, des carences en fer, en calcium ou en zinc qui facilitent l’absorption digestive du Cd. Des effets sanitaires de la surexposition ne sont attendus que lorsque la CdU dépasse le seuil de 1 μg/g créatinine : protéinuries tubulaire et glomérulaire ; déminéralisation chez les femmes ménopausées, les hommes de plus de 60 ans, les individus avec une atteinte rénale tubulaire. Les femmes en âge de procréer dont la CdU dépasse 1 μg/g créatinine, ainsi que leurs médecins/sages-femmes doivent être informés des risques pour le développement, pour la mise en œuvre d’une surveillance adaptée de leurs grossesses et leurs enfants.
Les médecins exerçant à proximité de sites dont les sols ont une concentration élevée en Cd doivent recevoir une formation spécifique sur les complications possibles de l’exposition au Cd, les caractéristiques des personnes à risque et les modalités du diagnostic. La collaboration avec les spécialistes hospitalo-universitaires locorégionaux est indispensable pour ces formations et la confirmation des diagnostics.
Surveillance médicale
Une surveillance biométrologique (mesure de la CdU) est recommandée quand la concentration de Cd dans le sol dépasse 0,5 mg/kg de matière sèche. Les populations cibles de cette surveillance sont : entre 0,5 et 1 mg/kg, les résidents qui consomment des végétaux cultivés (jardins individuels) ou cueillis sur place, ainsi que les personnes géophages, onychophages ou qui ont un pica ; à partir de 1 mg/kg la surveillance doit être étendue aux enfants de moins de 7 ans et aux personnes dont la durée de séjour cumulée sur le site dépasse 10 ans (5 ans, si l’exposition a commencé avant l’âge de 7 ans). Tant que la CdU est inférieure à la valeur sanitaire de référence pour la tranche d’âge (0,3 μg/g créatinine avant 30 ans, 0,5 μg/g créatinine de 31 à 40 ans, 0,8 μg/g créatinine entre 41 et 50 ans, 1 μg/g créatinine après 50 ans), la rythmicité de la surveillance est annuelle ; elle est semestrielle si ces valeurs sont dépassées. En cas de dépassement de la valeur sanitaire de référence en cours de surveillance, la prise en charge médicale doit être mise en œuvre, comme indiqué ci-dessus. Quand la CdU dépasse 1 μg/g créatinine, le bilan à la recherche de complications doit être répété annuellement.
Dans les sites pollués par le Cd, il est recommandé de constituer une base de données rassemblant et conservant tous les résultats des évaluations biométrologiques des expositions : pour la traçabilité de ces dernières, à l’usage des intéressés, de leurs familles et des professionnels de santé concernés ; également, pour des analyses périodiques, guidant les actions de prévention et évaluant leur efficacité.