{"title":"Leçons d’une pandémie : neuropsychologie de la visite aux proches","authors":"R. Gil , G. Demoures , M. Le Bihan , T. Artis","doi":"10.1016/j.npg.2024.10.002","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"<div><div>Pendant la pandémie au SARS-CoV-2, le confinement de la population fut précédé le 11 mars 2020 par l’interdiction faite aux familles et, plus globalement, aux proches de visiter les personnes âgées résidant dans les établissements médico-sociaux. Les souffrances ressenties par les résidents et leurs familles ne furent pas apaisées par les autorisations des visites décidées un mois plus tard par les autorités sanitaires. Des tensions de plus en plus vives surgirent entre les établissements médico-sociaux et les familles qui imputèrent les souffrances des résidents aux mesures restrictives qui accompagnèrent les visites et qui concernaient leur fréquence, leur durée et les modalités de leur déroulement et notamment la distanciation physique, la prohibition de tout contact physique, le port de masques opaques. À partir du verbatim des témoignages de familles, recueillis par une «̊cellule d’écoute et de dialogue éthique̊» entre le 12 octobre 2020 et le 15 décembre 2021, cette étude a eu pour but d’analyser les raisons susceptibles d’expliquer pourquoi les restrictions imposées ne permirent pas de satisfaire aux besoins des résidents et à leur sentiment d’abandon au point que les conditions mises à l’exercice du droit de visite dépouillèrent en fait le concept même de visite de toute sa signification anthropologique. C’est ainsi que ce travail propose de construire les éléments spatiaux et temporels d’une neuropsychologie de la visite faite par des proches à des membres de leur entourage, âgés, placés en institution afin de maintenir des liens sociofamiliaux qui sont une manifestation particulière de la sociabilité inséparable de la condition humaine. Il peut ainsi être établi que les visites destinées à manifester l’affection entre proches dans un contexte de vulnérabilité doivent répondre à des critères neuropsychologiques pour donner à la visite une place reconnue dans le domaine de la cognition sociale. C’est pourquoi la nécessaire reconnaissance d’un droit de visiter et d’accueillir ne répond pas qu’à une idéologie abstraite. Il s’appuie sur une neuropsychologie humaniste qui appelle à une éthique incarnée soucieuse de discerner en quoi les manquements à la bientraitance engagent par les souffrances endurées, l’être humain dans sa condition charnelle.</div></div><div><div>During the SARS-CoV-2 pandemic, the lock-down of the population was preceded on March 11, 2020, by a ban on family members, and more generally loved ones, from visiting elderly people living in care homes (medico-social establishments). The suffering felt by the residents and their families was not alleviated by the authorisation of visits granted a month later by the health authorities. Increasing tensions arose between the medical-social establishments and the families, who blamed the residents’ suffering on the restrictive measures that accompanied the visits in terms of their frequency, duration and the way in which they were carried out, in particular physical distancing, the prohibition of all physical contact and the wearing of opaque masks. Using the verbatim testimonies of the families, collected by a ‘listening and ethical dialogue unit’ from October 12, 2020 to December 15, 2021, this study aimed to analyse the reasons that might explain why the restrictions imposed did not meet the needs of the residents and their feeling of abandonment, to the extent that the conditions imposed on the exercise of visiting rights in fact stripped the very concept of visiting of all its anthropological meaning. This study therefore proposes to map the spatial and temporal characteristics of a neuropsychology of visits by relatives to elderly members of their entourage who have been admitted to an institution, in order to maintain the social and familial links that are a particular manifestation of the sociability inherent in the human condition. Thus visits, which are intended to show affection between close relatives and loved ones in a context of vulnerability, should meet neuropsychological criteria ensuring their place in the field of social cognition. This is why the necessary recognition of a right to visit and to be welcome is not just an abstract ideology. It is based on a humanist neuropsychology that calls for an embodied ethic that is concerned with recognizing how failure to treat people well, through the suffering endured, involves the human being in his carnal condition.</div></div>","PeriodicalId":35487,"journal":{"name":"NPG Neurologie - Psychiatrie - Geriatrie","volume":"24 144","pages":"Pages 383-392"},"PeriodicalIF":0.0000,"publicationDate":"2024-10-24","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"NPG Neurologie - Psychiatrie - Geriatrie","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1627483024001193","RegionNum":0,"RegionCategory":null,"ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"Q4","JCRName":"Medicine","Score":null,"Total":0}
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Abstract
Pendant la pandémie au SARS-CoV-2, le confinement de la population fut précédé le 11 mars 2020 par l’interdiction faite aux familles et, plus globalement, aux proches de visiter les personnes âgées résidant dans les établissements médico-sociaux. Les souffrances ressenties par les résidents et leurs familles ne furent pas apaisées par les autorisations des visites décidées un mois plus tard par les autorités sanitaires. Des tensions de plus en plus vives surgirent entre les établissements médico-sociaux et les familles qui imputèrent les souffrances des résidents aux mesures restrictives qui accompagnèrent les visites et qui concernaient leur fréquence, leur durée et les modalités de leur déroulement et notamment la distanciation physique, la prohibition de tout contact physique, le port de masques opaques. À partir du verbatim des témoignages de familles, recueillis par une «̊cellule d’écoute et de dialogue éthique̊» entre le 12 octobre 2020 et le 15 décembre 2021, cette étude a eu pour but d’analyser les raisons susceptibles d’expliquer pourquoi les restrictions imposées ne permirent pas de satisfaire aux besoins des résidents et à leur sentiment d’abandon au point que les conditions mises à l’exercice du droit de visite dépouillèrent en fait le concept même de visite de toute sa signification anthropologique. C’est ainsi que ce travail propose de construire les éléments spatiaux et temporels d’une neuropsychologie de la visite faite par des proches à des membres de leur entourage, âgés, placés en institution afin de maintenir des liens sociofamiliaux qui sont une manifestation particulière de la sociabilité inséparable de la condition humaine. Il peut ainsi être établi que les visites destinées à manifester l’affection entre proches dans un contexte de vulnérabilité doivent répondre à des critères neuropsychologiques pour donner à la visite une place reconnue dans le domaine de la cognition sociale. C’est pourquoi la nécessaire reconnaissance d’un droit de visiter et d’accueillir ne répond pas qu’à une idéologie abstraite. Il s’appuie sur une neuropsychologie humaniste qui appelle à une éthique incarnée soucieuse de discerner en quoi les manquements à la bientraitance engagent par les souffrances endurées, l’être humain dans sa condition charnelle.
During the SARS-CoV-2 pandemic, the lock-down of the population was preceded on March 11, 2020, by a ban on family members, and more generally loved ones, from visiting elderly people living in care homes (medico-social establishments). The suffering felt by the residents and their families was not alleviated by the authorisation of visits granted a month later by the health authorities. Increasing tensions arose between the medical-social establishments and the families, who blamed the residents’ suffering on the restrictive measures that accompanied the visits in terms of their frequency, duration and the way in which they were carried out, in particular physical distancing, the prohibition of all physical contact and the wearing of opaque masks. Using the verbatim testimonies of the families, collected by a ‘listening and ethical dialogue unit’ from October 12, 2020 to December 15, 2021, this study aimed to analyse the reasons that might explain why the restrictions imposed did not meet the needs of the residents and their feeling of abandonment, to the extent that the conditions imposed on the exercise of visiting rights in fact stripped the very concept of visiting of all its anthropological meaning. This study therefore proposes to map the spatial and temporal characteristics of a neuropsychology of visits by relatives to elderly members of their entourage who have been admitted to an institution, in order to maintain the social and familial links that are a particular manifestation of the sociability inherent in the human condition. Thus visits, which are intended to show affection between close relatives and loved ones in a context of vulnerability, should meet neuropsychological criteria ensuring their place in the field of social cognition. This is why the necessary recognition of a right to visit and to be welcome is not just an abstract ideology. It is based on a humanist neuropsychology that calls for an embodied ethic that is concerned with recognizing how failure to treat people well, through the suffering endured, involves the human being in his carnal condition.
期刊介绍:
Aux confins de la neurologie, de la psychiatrie et de la gériatrie, NPG propose a tous les acteurs de la prise en charge du vieillissement cérébral normal et pathologique, des développements récents et adaptés a leur pratique clinique.