Les standards dits durables appauvrissent-ils les planteurs de cacao ? Interactions entre déforestation en Côte d’Ivoire et au Libéria, crédit à l’achat d’engrais et baisse des cours
{"title":"Les standards dits durables appauvrissent-ils les planteurs de cacao ? Interactions entre déforestation en Côte d’Ivoire et au Libéria, crédit à l’achat d’engrais et baisse des cours","authors":"F. Ruf","doi":"10.1051/cagri/2021024","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"Pendant des siècles, combinés avec le travail de migrants, la forêt et la rente forêt ont été les principaux facteurs de production du cacao. C’est le modèle universel du cacao, qui a fait de la Côte d’Ivoire le premier producteur mondial. Mais le niveau de déforestation est tel qu’une partie des planteurs doivent trouver des alternatives à la rente forêt, notamment l’engrais minéral. Cet intrant chimique est de fait un facteur d’amélioration des rendements et a priori des revenus. Cependant, si la consommation d’engrais chimique est poussée par le « système », composé des Transnational Corporations (TNC) du cacao, des coopératives, des agences de crédit, des organisations non gouvernementales internationales et des labels de cacao dit « durables », n’y a-t-il pas danger d’effets inverses : contribution à l’excès d’offre de cacao, baisse du cours mondial, endettement et appauvrissement des planteurs ? À partir de trois enquêtes auprès de 150 à 250 planteurs entre 2013 et 2017, d’une enquête auprès de 41 coopératives en 2017 et d’un suivi des prix du cacao et de l’engrais sur 30 ans, l’étude aborde le rôle du prix relatif cacao/engrais et du crédit sur la consommation d’engrais, et leur impact sur la chute du cours du cacao en 2016–2017. L’impact est certain, même si le processus d’expansion cacaoyère par le binôme migration-déforestation reste le facteur essentiel de la hausse de l’offre et de la chute du cours. Le discours selon lequel les gains de rendement vont créer un « cacao durable » et dissuader les planteurs de défricher les forêts reste un mythe. Les migrations continuent aux dépens des toutes dernières forêts classées du pays, à l’est vers Abengourou, à l’ouest vers Blolequin, Man et Touba. Là encore, en dépit de leur communication sur la durabilité, les certifications ont totalement échoué : le cacao de Côte d’Ivoire dépend encore beaucoup de la déforestation. Enfin, de l’autre côté du fleuve Cavally, la grande forêt dense du Libéria disparaît à son tour, sur la voie d’un nouveau boom du cacao. Même si les responsabilités sont partagées avec les politiques publiques, que reste-t-il de « durable » dans la certification et les actions de la majorité des TNC ? Le fossé entre leur communication virtuelle et la réalité n’a jamais été aussi grand.","PeriodicalId":55294,"journal":{"name":"Cahiers Agricultures","volume":"28 1","pages":""},"PeriodicalIF":1.0000,"publicationDate":"2021-01-01","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"2","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Cahiers Agricultures","FirstCategoryId":"97","ListUrlMain":"https://doi.org/10.1051/cagri/2021024","RegionNum":4,"RegionCategory":"农林科学","ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"Q3","JCRName":"AGRICULTURE, MULTIDISCIPLINARY","Score":null,"Total":0}
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Abstract
Pendant des siècles, combinés avec le travail de migrants, la forêt et la rente forêt ont été les principaux facteurs de production du cacao. C’est le modèle universel du cacao, qui a fait de la Côte d’Ivoire le premier producteur mondial. Mais le niveau de déforestation est tel qu’une partie des planteurs doivent trouver des alternatives à la rente forêt, notamment l’engrais minéral. Cet intrant chimique est de fait un facteur d’amélioration des rendements et a priori des revenus. Cependant, si la consommation d’engrais chimique est poussée par le « système », composé des Transnational Corporations (TNC) du cacao, des coopératives, des agences de crédit, des organisations non gouvernementales internationales et des labels de cacao dit « durables », n’y a-t-il pas danger d’effets inverses : contribution à l’excès d’offre de cacao, baisse du cours mondial, endettement et appauvrissement des planteurs ? À partir de trois enquêtes auprès de 150 à 250 planteurs entre 2013 et 2017, d’une enquête auprès de 41 coopératives en 2017 et d’un suivi des prix du cacao et de l’engrais sur 30 ans, l’étude aborde le rôle du prix relatif cacao/engrais et du crédit sur la consommation d’engrais, et leur impact sur la chute du cours du cacao en 2016–2017. L’impact est certain, même si le processus d’expansion cacaoyère par le binôme migration-déforestation reste le facteur essentiel de la hausse de l’offre et de la chute du cours. Le discours selon lequel les gains de rendement vont créer un « cacao durable » et dissuader les planteurs de défricher les forêts reste un mythe. Les migrations continuent aux dépens des toutes dernières forêts classées du pays, à l’est vers Abengourou, à l’ouest vers Blolequin, Man et Touba. Là encore, en dépit de leur communication sur la durabilité, les certifications ont totalement échoué : le cacao de Côte d’Ivoire dépend encore beaucoup de la déforestation. Enfin, de l’autre côté du fleuve Cavally, la grande forêt dense du Libéria disparaît à son tour, sur la voie d’un nouveau boom du cacao. Même si les responsabilités sont partagées avec les politiques publiques, que reste-t-il de « durable » dans la certification et les actions de la majorité des TNC ? Le fossé entre leur communication virtuelle et la réalité n’a jamais été aussi grand.
几个世纪以来,再加上移民的劳动,森林和森林收入一直是可可生产的主要因素。这是可可的普遍模式,使cote d ' ivoire成为世界上最大的可可生产国。但是森林砍伐的程度如此之高,以至于一些种植者不得不寻找森林收入的替代品,尤其是矿物肥料。这种化学投入实际上是提高产量和收入的一个因素。不过如果化肥消费是拉动«»系统组成的跨国公司(cnt)、可可、合作社、信用评级机构、国际非政府组织和耐用可可说«»印章、有没有逆效应危险:协助全球可可供应过剩,价格下跌,杠杆和种植者的损耗?三起调查150 - 250种植户2013年到2017年,2017年合作社涵盖41个调查和监测的可可和化肥价格的作用,该研究对30岁的相对价格可可/肥料和化肥对消费信贷,及其对可可在2016—2017年倒台。其影响是肯定的,尽管通过迁移和砍伐森林的组合扩大可可生产的过程仍然是增加供应和降低价格的主要因素。产量的增加将创造“可持续的可可”,并阻止农民清理森林的说法仍然是一个神话。移民继续以该国最后的森林为代价,向东迁移到Abengourou,向西迁移到Blolequin、Man和Touba。再一次,尽管他们就可持续性进行了沟通,但认证完全失败了:cote d ' ivoire的可可仍然严重依赖森林砍伐。最后,在卡瓦利河(Cavally river)的另一边,利比里亚茂密的森林也随之消失,取而代之的是新的可可繁荣。即使公共政策分担责任,大多数跨国公司的认证和行动中还有什么“可持续性”?他们的虚拟交流和现实之间的差距从未如此之大。
期刊介绍:
Cahiers Agricultures is a - mainly - French language scientific journal on world farming systems, how they are changing and their role in society. It is aimed at all those – researchers, field workers, teachers – who are interested in a holistic reflection on the agricultural world.
Cahiers Agricultures gives priority to research on agriculture as implemented by farmers, that has meaning for citizens in countries in the North and South, as opposed to research work conducted in a controlled environment (laboratory, research center, etc.). Research of this type is often multidisciplinary and takes into account the knowledge and know-how of the different stakeholders. The different parties are also actively involved in research, alongside the scientists. In this way, the journal stimulates debate on issues linked to society, such as the impact of using water and nitrogen fertilisers, peri-urban farming, fish farming, livestock production in rural areas, food security, etc.