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{"title":"逾越节与彼得·马南特的基督教建议(回顾)","authors":"Khadija Khalifé","doi":"10.1353/tfr.2023.a911365","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"Reviewed by: Pascal et la proposition chrétienne par Pierre Manent Khadija Khalifé Manent, Pierre. Pascal et la proposition chrétienne. Grasset, 2022. ISBN 978-2-246-83236-2. Pp. 432. Comment le christianisme qui, pendant des siècles, s’étendait et se consolidait sur toute l’Europe, en est-il venu à avoir peu de poids politique et idéologique sur ce même continent aujourd’hui? Dans Pascal et la proposition chrétienne, Pierre Manent se propose de passer en revue “les développements qui ont conduit à cette étrange situation d’un continent devenu étranger” (8), où règne non plus “la séparation du politique et du religieux” mais la supériorité de la loi de l’État à la religion—bien qu’il n’y ait aucune preuve de “supériorité de valeur ou de dignité” (11-12). Pour cela, l’auteur examine l’évolution de l’ensemble “des dogmes ou mystères chrétiens” à partir de “la proposition chrétienne” telle qu’avancée par Blaise Pascal (19), tout en étendant ses réflexions à d’autres mouvements de pensée. Pour Pascal, le dérèglement a commencé par la déformation, chez les pères jésuites, des valeurs liées à la foi chrétienne à cause de leur “doctrine des opinions probables” (37), qui se traduit par “un excès d’indulgence ou une complaisance abusive” face aux vices humains (45) afin de maintenir leur pouvoir sur les fidèles. Cette démarche de compromission chez les jésuites—qui pourrait choquer le sens moral—est similaire à celle des campagnes électorales, nous rappelle l’auteur (55). Ce mépris initial pour la vraie foi chrétienne sera affermi par les découvertes de la science moderne, et les deux phénomènes conduisent progressivement à la séparation de l’homme de Dieu et, par conséquent, à son malheur et à l’injustice humaine. Bien entendu, Pascal finit par renvoyer le malheur de l’homme au péché originel et prône le renouement avec le christianisme (c’est la conclusion de l’essai). Or, l’intérêt de l’ouvrage réside surtout dans l’enchaînement des idées et la justification de la proposition pascalienne dans une démarche philosophique solide et logique. Manent réexamine l’argumentaire du philosophe concernant des concepts importants tels que la dualité entre la justice et la force, l’ordre politique, la condition humaine, la concupiscence, le fameux “pari” pascalien, “l’infini de grandeur et l’infini de petitesse”, le droit, le manque de justice universelle, etc., et cela lui donne l’occasion de comparer et mettre en contraste les arguments de notre intellectuel du XVIIe siècle avec d’autres arguments théologiques ou philosophiques, notamment ceux de Descartes, Anselme, Montaigne et Saint Thomas—d’où la richesse de la réflexion qui dépasse la philosophie pascalienne. À titre d’exemple, en étudiant le “phénomène humain”, l’essai fait ressortir les différentes nuances du “moi” chez Montaigne, Rousseau, Hobbes et Pascal, et les rapports du “moi” avec les autorités sociales et politiques, dans le but d’exposer la perspective pascalienne concernant la soumission et la servitude de l’homme. Pour Pascal, comme pour les jansénistes, la “morale chrétienne” (415), dont l’urgence de la pénitence (247), assure notre salut par la toute-puissance de la grâce (395)—sous-entendu “la grâce efficace” [End Page 206] de la doctrine augustinienne par opposition à “la grâce suffisante” des Jésuites et des casuistes (29). L’essai de Manent, dont on recommande la lecture instructive au-delà de notre compte-rendu simplificateur, est éclairant et clairvoyant. 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Pascal et la proposition chrétienne par Pierre Manent (review)
Reviewed by: Pascal et la proposition chrétienne par Pierre Manent Khadija Khalifé Manent, Pierre. Pascal et la proposition chrétienne. Grasset, 2022. ISBN 978-2-246-83236-2. Pp. 432. Comment le christianisme qui, pendant des siècles, s’étendait et se consolidait sur toute l’Europe, en est-il venu à avoir peu de poids politique et idéologique sur ce même continent aujourd’hui? Dans Pascal et la proposition chrétienne, Pierre Manent se propose de passer en revue “les développements qui ont conduit à cette étrange situation d’un continent devenu étranger” (8), où règne non plus “la séparation du politique et du religieux” mais la supériorité de la loi de l’État à la religion—bien qu’il n’y ait aucune preuve de “supériorité de valeur ou de dignité” (11-12). Pour cela, l’auteur examine l’évolution de l’ensemble “des dogmes ou mystères chrétiens” à partir de “la proposition chrétienne” telle qu’avancée par Blaise Pascal (19), tout en étendant ses réflexions à d’autres mouvements de pensée. Pour Pascal, le dérèglement a commencé par la déformation, chez les pères jésuites, des valeurs liées à la foi chrétienne à cause de leur “doctrine des opinions probables” (37), qui se traduit par “un excès d’indulgence ou une complaisance abusive” face aux vices humains (45) afin de maintenir leur pouvoir sur les fidèles. Cette démarche de compromission chez les jésuites—qui pourrait choquer le sens moral—est similaire à celle des campagnes électorales, nous rappelle l’auteur (55). Ce mépris initial pour la vraie foi chrétienne sera affermi par les découvertes de la science moderne, et les deux phénomènes conduisent progressivement à la séparation de l’homme de Dieu et, par conséquent, à son malheur et à l’injustice humaine. Bien entendu, Pascal finit par renvoyer le malheur de l’homme au péché originel et prône le renouement avec le christianisme (c’est la conclusion de l’essai). Or, l’intérêt de l’ouvrage réside surtout dans l’enchaînement des idées et la justification de la proposition pascalienne dans une démarche philosophique solide et logique. Manent réexamine l’argumentaire du philosophe concernant des concepts importants tels que la dualité entre la justice et la force, l’ordre politique, la condition humaine, la concupiscence, le fameux “pari” pascalien, “l’infini de grandeur et l’infini de petitesse”, le droit, le manque de justice universelle, etc., et cela lui donne l’occasion de comparer et mettre en contraste les arguments de notre intellectuel du XVIIe siècle avec d’autres arguments théologiques ou philosophiques, notamment ceux de Descartes, Anselme, Montaigne et Saint Thomas—d’où la richesse de la réflexion qui dépasse la philosophie pascalienne. À titre d’exemple, en étudiant le “phénomène humain”, l’essai fait ressortir les différentes nuances du “moi” chez Montaigne, Rousseau, Hobbes et Pascal, et les rapports du “moi” avec les autorités sociales et politiques, dans le but d’exposer la perspective pascalienne concernant la soumission et la servitude de l’homme. Pour Pascal, comme pour les jansénistes, la “morale chrétienne” (415), dont l’urgence de la pénitence (247), assure notre salut par la toute-puissance de la grâce (395)—sous-entendu “la grâce efficace” [End Page 206] de la doctrine augustinienne par opposition à “la grâce suffisante” des Jésuites et des casuistes (29). L’essai de Manent, dont on recommande la lecture instructive au-delà de notre compte-rendu simplificateur, est éclairant et clairvoyant. [End Page 207] Khadija Khalifé Independent Scholar Copyright © 2023 American Association of Teachers of French