{"title":"对法国本土发现的首例异烟肼相关死亡病例进行毒理学调查","authors":"Jean-Joseph Bendjilali-Sabiani , Timothy Levin , Céline Constans , Anasthasia Legrand , Juliette Descoeur , Céline Eiden , Maisy Lossois , Hélène Peyriere , Olivier Mathieu","doi":"10.1016/j.toxac.2024.03.027","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"<div><h3>Objectifs</h3><p>L’isotonitazène (IZN) est un opioïde synthétique non fentanyloïde appartenant à la classe des benzimidazoles. Dès 2020, des décès au décours d’un toxidrome opioïde (dépression respiratoire, myosis) secondaire à la prise d’IZN ont été identifiés dans un contexte de crise des opioïdes, principalement aux États-Unis. La même année, les premiers cas de décès en Europe, notamment en Suisse, montrent que l’opioïde de synthèse a traversé l’Atlantique et que des cas de décès peuvent apparaître, même en Europe. Nous présentons le premier cas de décès en France métropolitaine lié à la prise d’IZN survenu en 2023.</p></div><div><h3>Méthode</h3><p>Un homme de 39 ans, sans domicile fixe connu, traité par buprénorphine haut dosage, est retrouvé décédé dans les toilettes d’un parking en décubitus latéral droit au mois de mars 2023 à Montpellier. À proximité du corps sont retrouvés une seringue armée d’une aiguille dans une poubelle et un sac à dos renfermant des canettes de bière ainsi qu’une poudre non identifiée. L’autopsie retrouve essentiellement une congestion et un œdème pulmonaires. Enfin, plusieurs points de ponction vasculaire compatibles avec une toxicomanie intraveineuse ont été retrouvés. Un criblage toxicologique large a été réalisé par chromatographies couplées à la spectrophotométrie de masse (LC-MSMS et GC-MSMS). Le dosage de l’IZN avec comme étalon interne le fentanyl-D5 a été réalisé par LC-MSMS sur sang cardiaque (SC), sang périphérique (SP), urine, rate, foie, cerveau, muscle psoas, poumon, cœur, rein, graisse sous cutanée et point d’injection supposé avec une limite de quantification de 1<!--> <!-->ng/mL, tous les échantillons ont été dosés en duplicates.</p></div><div><h3>Résultats</h3><p>L’analyse toxicologique retrouve de l’IZN dans les milieux suivants (ng/mL ou ng/g) : SP (1,17), SC (7,60), cerveau (34,8), poumon (143), cœur (87,7), graisse sous cutanée (14,2), contenu gastrique (19,1) et point d’injection supposé (343). Aucune autre substance d’intérêt toxicologique n’a été identifiée à l’exception de la cétirizine en concentration non toxique (28,7<!--> <!-->ng/mL).</p></div><div><h3>Conclusion</h3><p>La concentration sanguine périphérique retrouvée est comparable avec celles retrouvées dans la littérature confirmant en l’absence d’autres toxiques et d’autre cause de décès identifiés la très forte puissance et la létalité de l’IZN. En effet, la concentration moyenne d’IZN calculée à partir des courtes séries de cas létaux de Mueller F. et al. Forensic Science International. 2021;320:110686 et de Krotulski AJ et al. J Anal Toxicol. 2020;44(6):521–30. est de 2,16<!--> <!-->±<!--> <!-->2,26<!--> <!-->ng/mL. La redistribution post-mortem apparaît intense avec un rapport des concentrations sanguines périphérique sur cardiaque de 6,5 de façon convergente avec les données de redistribution des études citées. Sont ainsi confirmées les fortes distributions de l’IZN dans le cerveau, les poumons et le cœur, rapports des concentrations respectifs cas/moyenne bibliographique de 30/6, 12/11 et 75/3,5. Si ces rapports excèdent les moyennes des données de la littérature il est à noter une grande variabilité de ces rapports entre les cas publiés. À l’inverse l’IZN n’est jamais détecté dans le foie ce qui peut être attribué en première intention à un métabolisme intense. Enfin concernant le mode de consommation, les constatations du légiste ainsi que la concentration élevée d’IZN au point d’injection étayent fortement l’hypothèse d’une prise par voie intraveineuse. La seringue souillée ne nous a cependant pas été transmise. À notre connaissance, il s’agit du premier cas de décès survenu et confirmé en France impliquant la consommation d’IZN et incluant la documentation analytique de sa redistribution post-mortem dans le sang, l’urine et les principaux organes. La faible concentration sanguine et la forte distribution dans les organes vitaux confirment la dangerosité majeure de cet opioïde. Ce cas a été déclaré à l’enquête DRAMES.</p></div>","PeriodicalId":23170,"journal":{"name":"Toxicologie Analytique et Clinique","volume":"36 2","pages":"Pages S22-S23"},"PeriodicalIF":1.8000,"publicationDate":"2024-05-16","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":"{\"title\":\"Exploration toxicologique du premier décès par isotonitazène identifié en France métropolitaine\",\"authors\":\"Jean-Joseph Bendjilali-Sabiani , Timothy Levin , Céline Constans , Anasthasia Legrand , Juliette Descoeur , Céline Eiden , Maisy Lossois , Hélène Peyriere , Olivier Mathieu\",\"doi\":\"10.1016/j.toxac.2024.03.027\",\"DOIUrl\":null,\"url\":null,\"abstract\":\"<div><h3>Objectifs</h3><p>L’isotonitazène (IZN) est un opioïde synthétique non fentanyloïde appartenant à la classe des benzimidazoles. 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Enfin, plusieurs points de ponction vasculaire compatibles avec une toxicomanie intraveineuse ont été retrouvés. Un criblage toxicologique large a été réalisé par chromatographies couplées à la spectrophotométrie de masse (LC-MSMS et GC-MSMS). Le dosage de l’IZN avec comme étalon interne le fentanyl-D5 a été réalisé par LC-MSMS sur sang cardiaque (SC), sang périphérique (SP), urine, rate, foie, cerveau, muscle psoas, poumon, cœur, rein, graisse sous cutanée et point d’injection supposé avec une limite de quantification de 1<!--> <!-->ng/mL, tous les échantillons ont été dosés en duplicates.</p></div><div><h3>Résultats</h3><p>L’analyse toxicologique retrouve de l’IZN dans les milieux suivants (ng/mL ou ng/g) : SP (1,17), SC (7,60), cerveau (34,8), poumon (143), cœur (87,7), graisse sous cutanée (14,2), contenu gastrique (19,1) et point d’injection supposé (343). Aucune autre substance d’intérêt toxicologique n’a été identifiée à l’exception de la cétirizine en concentration non toxique (28,7<!--> <!-->ng/mL).</p></div><div><h3>Conclusion</h3><p>La concentration sanguine périphérique retrouvée est comparable avec celles retrouvées dans la littérature confirmant en l’absence d’autres toxiques et d’autre cause de décès identifiés la très forte puissance et la létalité de l’IZN. En effet, la concentration moyenne d’IZN calculée à partir des courtes séries de cas létaux de Mueller F. et al. Forensic Science International. 2021;320:110686 et de Krotulski AJ et al. J Anal Toxicol. 2020;44(6):521–30. est de 2,16<!--> <!-->±<!--> <!-->2,26<!--> <!-->ng/mL. La redistribution post-mortem apparaît intense avec un rapport des concentrations sanguines périphérique sur cardiaque de 6,5 de façon convergente avec les données de redistribution des études citées. 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Exploration toxicologique du premier décès par isotonitazène identifié en France métropolitaine
Objectifs
L’isotonitazène (IZN) est un opioïde synthétique non fentanyloïde appartenant à la classe des benzimidazoles. Dès 2020, des décès au décours d’un toxidrome opioïde (dépression respiratoire, myosis) secondaire à la prise d’IZN ont été identifiés dans un contexte de crise des opioïdes, principalement aux États-Unis. La même année, les premiers cas de décès en Europe, notamment en Suisse, montrent que l’opioïde de synthèse a traversé l’Atlantique et que des cas de décès peuvent apparaître, même en Europe. Nous présentons le premier cas de décès en France métropolitaine lié à la prise d’IZN survenu en 2023.
Méthode
Un homme de 39 ans, sans domicile fixe connu, traité par buprénorphine haut dosage, est retrouvé décédé dans les toilettes d’un parking en décubitus latéral droit au mois de mars 2023 à Montpellier. À proximité du corps sont retrouvés une seringue armée d’une aiguille dans une poubelle et un sac à dos renfermant des canettes de bière ainsi qu’une poudre non identifiée. L’autopsie retrouve essentiellement une congestion et un œdème pulmonaires. Enfin, plusieurs points de ponction vasculaire compatibles avec une toxicomanie intraveineuse ont été retrouvés. Un criblage toxicologique large a été réalisé par chromatographies couplées à la spectrophotométrie de masse (LC-MSMS et GC-MSMS). Le dosage de l’IZN avec comme étalon interne le fentanyl-D5 a été réalisé par LC-MSMS sur sang cardiaque (SC), sang périphérique (SP), urine, rate, foie, cerveau, muscle psoas, poumon, cœur, rein, graisse sous cutanée et point d’injection supposé avec une limite de quantification de 1 ng/mL, tous les échantillons ont été dosés en duplicates.
Résultats
L’analyse toxicologique retrouve de l’IZN dans les milieux suivants (ng/mL ou ng/g) : SP (1,17), SC (7,60), cerveau (34,8), poumon (143), cœur (87,7), graisse sous cutanée (14,2), contenu gastrique (19,1) et point d’injection supposé (343). Aucune autre substance d’intérêt toxicologique n’a été identifiée à l’exception de la cétirizine en concentration non toxique (28,7 ng/mL).
Conclusion
La concentration sanguine périphérique retrouvée est comparable avec celles retrouvées dans la littérature confirmant en l’absence d’autres toxiques et d’autre cause de décès identifiés la très forte puissance et la létalité de l’IZN. En effet, la concentration moyenne d’IZN calculée à partir des courtes séries de cas létaux de Mueller F. et al. Forensic Science International. 2021;320:110686 et de Krotulski AJ et al. J Anal Toxicol. 2020;44(6):521–30. est de 2,16 ± 2,26 ng/mL. La redistribution post-mortem apparaît intense avec un rapport des concentrations sanguines périphérique sur cardiaque de 6,5 de façon convergente avec les données de redistribution des études citées. Sont ainsi confirmées les fortes distributions de l’IZN dans le cerveau, les poumons et le cœur, rapports des concentrations respectifs cas/moyenne bibliographique de 30/6, 12/11 et 75/3,5. Si ces rapports excèdent les moyennes des données de la littérature il est à noter une grande variabilité de ces rapports entre les cas publiés. À l’inverse l’IZN n’est jamais détecté dans le foie ce qui peut être attribué en première intention à un métabolisme intense. Enfin concernant le mode de consommation, les constatations du légiste ainsi que la concentration élevée d’IZN au point d’injection étayent fortement l’hypothèse d’une prise par voie intraveineuse. La seringue souillée ne nous a cependant pas été transmise. À notre connaissance, il s’agit du premier cas de décès survenu et confirmé en France impliquant la consommation d’IZN et incluant la documentation analytique de sa redistribution post-mortem dans le sang, l’urine et les principaux organes. La faible concentration sanguine et la forte distribution dans les organes vitaux confirment la dangerosité majeure de cet opioïde. Ce cas a été déclaré à l’enquête DRAMES.