{"title":"法语前线和COVID-19危机","authors":"J. Cornuz, X. Gocko","doi":"10.56746/exercer.2023.189.3","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"Le mot « crise » en chinois est décrit par deux idéogrammes signifiant « danger » et « opportunité ». Si nous avons facilement perçu la notion de danger à travers la crise de la COVID-19, celle d’opportunité semble moins évidente au premier abord. Comme le dieu Janus, la crise de la COVID-19 a deux faces, d’ailleurs souvent médiatisées. La face probablement la plus visible pour les soignants est la mise en tension sans égale des systèmes de soins à travers le monde. Les images de malades agonisant dans les couloirs témoignent de cette tension qui, comme la maladie, peut être qualifiée d’émergente. Alors même que les hôpitaux étaient débordés, les cabinets médicaux étaient désertés. En France, cet imbroglio a même été organisé par l’État avec une recommandation initiale aux patients de ne plus consulter la première ligne... L’État a par la suite inversé la vapeur. Était-ce une réelle prise de conscience du risque de négliger la prévention ou le soin des maladies chroniques ? Rien n’est moins sûr, c’était peut-être simplement une réponse d’apaisement aux professionnels qui avaient manifesté leur étonnement et mécontentement. Il n’est pas certain que l’État ait compris la notion de syndémie et son entrelacement de facteurs biologiques et environnementaux1. Il n’est pas certain que l’État ait compris l’importance de la première ligne, de la prévention et des soins apportés aux maladies chroniques avec la prise en compte des inégalités sociales. Et pourtant, les réanimations débordaient de patients avec des maladies chroniques, dont le gradient social est criant… Une première ligne forte pourrait donc modifier l’impact d’une maladie infectieuse émergente. Alors danger ou opportunité pour le système de santé ? L’autre face très médiatique est probablement celle de la crise des savoirs. Tous les savoirs ont été malmenés : scientifiques, médicaux, expérientiels, profanes… Utilité des masques, saga de l’hydroxychloroquine, hésitation vaccinale, efficacité du dépistage communautaire2, gains de fonctions, controverses scientifiques ont occupé les plateaux de télévision et les esprits. Comment la première ligne, les médecins généralistes, ont-ils vécu dans et avec ce brouhaha infodémique3? Comment ont-ils géré l’incertitude inhérente à leur métier, mais exacerbée par le contexte de crise ? Malgré toutes les incertitudes autour de tous ces savoirs, comment ne pas saluer aussi un séquençage du virus express, un développement vaccinal aussi rapide ? La première ligne a participé à la recherche avec le test de médicaments avant l’orage cytokinique. Elle a aussi assuré sa transposition didactique auprès des patients en leur expliquant le développement rapide des vaccins et leur balance bénéfices/risques. Alors danger ou opportunité pour les savoirs ? Face à toutes ces questions, un petit groupe de médecins de première ligne a témoigné, réfléchi, et réfléchit encore aux deux faces du mot « crise ». Vous découvrirez dans exercer un résumé de leurs réflexions par pays (Belgique, Canada, France, Suisse) et, pour aller plus loin, les minutes d’un symposium sur le sujet qui a eu lieu à Lausanne en septembre 2022 publié dans la Revue médicale suisse4. Tous ces travaux ne sont que le début de la réflexion de la première ligne francophone, puisque le dieu Janus regarde à la fois vers le danger et vers l’opportunité, vers le passé et vers l’avenir.","PeriodicalId":43847,"journal":{"name":"Exercer-La Revue Francophone de Medecine Generale","volume":" ","pages":""},"PeriodicalIF":0.2000,"publicationDate":"2023-01-01","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":"{\"title\":\"LA PREMIERE LIGNE FRANCOPHONE ET LA CRISE DE LA COVID-19\",\"authors\":\"J. 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LA PREMIERE LIGNE FRANCOPHONE ET LA CRISE DE LA COVID-19
Le mot « crise » en chinois est décrit par deux idéogrammes signifiant « danger » et « opportunité ». Si nous avons facilement perçu la notion de danger à travers la crise de la COVID-19, celle d’opportunité semble moins évidente au premier abord. Comme le dieu Janus, la crise de la COVID-19 a deux faces, d’ailleurs souvent médiatisées. La face probablement la plus visible pour les soignants est la mise en tension sans égale des systèmes de soins à travers le monde. Les images de malades agonisant dans les couloirs témoignent de cette tension qui, comme la maladie, peut être qualifiée d’émergente. Alors même que les hôpitaux étaient débordés, les cabinets médicaux étaient désertés. En France, cet imbroglio a même été organisé par l’État avec une recommandation initiale aux patients de ne plus consulter la première ligne... L’État a par la suite inversé la vapeur. Était-ce une réelle prise de conscience du risque de négliger la prévention ou le soin des maladies chroniques ? Rien n’est moins sûr, c’était peut-être simplement une réponse d’apaisement aux professionnels qui avaient manifesté leur étonnement et mécontentement. Il n’est pas certain que l’État ait compris la notion de syndémie et son entrelacement de facteurs biologiques et environnementaux1. Il n’est pas certain que l’État ait compris l’importance de la première ligne, de la prévention et des soins apportés aux maladies chroniques avec la prise en compte des inégalités sociales. Et pourtant, les réanimations débordaient de patients avec des maladies chroniques, dont le gradient social est criant… Une première ligne forte pourrait donc modifier l’impact d’une maladie infectieuse émergente. Alors danger ou opportunité pour le système de santé ? L’autre face très médiatique est probablement celle de la crise des savoirs. Tous les savoirs ont été malmenés : scientifiques, médicaux, expérientiels, profanes… Utilité des masques, saga de l’hydroxychloroquine, hésitation vaccinale, efficacité du dépistage communautaire2, gains de fonctions, controverses scientifiques ont occupé les plateaux de télévision et les esprits. Comment la première ligne, les médecins généralistes, ont-ils vécu dans et avec ce brouhaha infodémique3? Comment ont-ils géré l’incertitude inhérente à leur métier, mais exacerbée par le contexte de crise ? Malgré toutes les incertitudes autour de tous ces savoirs, comment ne pas saluer aussi un séquençage du virus express, un développement vaccinal aussi rapide ? La première ligne a participé à la recherche avec le test de médicaments avant l’orage cytokinique. Elle a aussi assuré sa transposition didactique auprès des patients en leur expliquant le développement rapide des vaccins et leur balance bénéfices/risques. Alors danger ou opportunité pour les savoirs ? Face à toutes ces questions, un petit groupe de médecins de première ligne a témoigné, réfléchi, et réfléchit encore aux deux faces du mot « crise ». Vous découvrirez dans exercer un résumé de leurs réflexions par pays (Belgique, Canada, France, Suisse) et, pour aller plus loin, les minutes d’un symposium sur le sujet qui a eu lieu à Lausanne en septembre 2022 publié dans la Revue médicale suisse4. Tous ces travaux ne sont que le début de la réflexion de la première ligne francophone, puisque le dieu Janus regarde à la fois vers le danger et vers l’opportunité, vers le passé et vers l’avenir.