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Abstract
S’il est des ecrivain.es connu.es, il est aussi des lecteur.rices celebres. Paul Moses est l’un d’entre elles1, depuis que Wayne Booth a raconte son (assez triste) histoire, dans son essai The Company we keep. C’est donc l’histoire de Paul Moses un jeune assistant professord’art a l’Universite de Chicago et de la liste de lecture assignee aux etudiant.es de premiere annee. Le roman de Mark Twain, Huckelberry Finn2 est au programme. Paul Moses, j’ai oublie de le dire, etait afro americain et cette annee-la il informa ses collegues qu’il refusait dorenavant d’enseigner ce roman : il s’y trouvait des portraits d’afro-americains caricaturaux voire injurieux ; Moses ne pouvait en aucun cas approuver la representation du rapport entre blancs et esclaves recemment libere.es. En un mot, Paul Moses ne voulait ni analyser ni faire lire ce roman. L’histoire de Paul Moses est l’histoire d’une double exclusion : l’exclusion evidemment d’une minorite et de son point de vue dans une universite en grande majorite blanche (faut-il preciser que Paul Moses ne fut nullement soutenu ?), mais aussi l’exclusion d’une maniere de lire. Car ni Paul Moses ni ses collegues ne firent l’hypothese que l’on pouvait bien lire le roman de Twain sans etre d’accord avec son propos, comme s’il n’y avait qu’une maniere de lire, en accord avec le texte. Une lecture en desaccord, voila qui n’etait pas possible et d’ailleurs pas meme envisage ni par le heros de cette histoire ni par ceux.elles qui la rapportent. Pau