{"title":"Le niveau d’hyperferritinémie a-t-il une valeur d’orientation étiologique ?","authors":"A. Lauprêtre , A. Bousquet , H. Nielly","doi":"10.1016/j.revmed.2024.10.328","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"<div><h3>Introduction</h3><div>L’hyperferritinémie est une situation fréquente en médecine interne, concernant 5 % des patients <span><span>[1]</span></span>. La démarche étiologique consiste à rechercher les quatre étiologies les plus fréquentes que sont l’éthylisme chronique, le syndrome inflammatoire, la cytolyse et le syndrome métabolique. En cas de coefficient de saturation de la transferrine<!--> <!-->><!--> <!-->45 %, l’hémochromatose est évoquée, mais sa prévalence n’est que de 0,5 % <span><span>[2]</span></span>. Cette démarche ne prend pas en compte le niveau d’hyperferritinémie. Nous avons mené une étude rétrospective observationnelle afin de déterminer si le niveau d’hyperferritinémie avait une valeur d’orientation étiologique.</div></div><div><h3>Patients et méthodes</h3><div>Nous avons mené une étude observationnelle rétrospective monocentrique pour déterminer la distribution des hyperferritinémies en fonction du diagnostic étiologique retrouvé. Les patients hospitalisés dans notre hôpital entre le 22/11/2021 et le 23/11/2023, présentant une ferritine<!--> <!-->><!--> <!-->500<!--> <!-->μg/L, et dont les données du dossier médical permettaient de statuer sur la présence ou l’absence des quatre étiologies les plus fréquentes, ont été inclus. Ont été exclus les patients mineurs, dialysés ou dont le DFG CKD-EPI était<!--> <!--><<!--> <!-->20<!--> <!-->mL/min. Les données quantitatives ont été exprimées en moyenne (écart-type) et les données qualitatives en nombre (%). Les valeurs moyennes de la ferritine selon les différentes étiologies ont été comparées par le test de Kruskal-Wallis. Les tests étaient bilatéraux avec un risque α à 5 %.</div></div><div><h3>Résultats</h3><div>Durant la période d’étude, 2407 patients ont bénéficié d’un dosage de ferritinémie. Parmi eux, 252 (10 %) avaient une ferritinémie<!--> <!-->><!--> <!-->500<!--> <!-->μg/L. Il s’agissait de 85 femmes et 167 hommes, d’âge moyen 66 (17) ans. La ferritinémie ne variait pas significativement selon le sexe (<em>p</em> <!-->=<!--> <!-->0,57, test de Mann-Whitney) ni selon l’âge (<em>p</em> <!-->=<!--> <!-->0,92, test de corrélation de Spearman). Une seule étiologie était identifiée pour 79 (31 %) patients. Plusieurs étiologies (de 2 à 5) étaient identifiées pour 145 (58 %) patients. Pour 28 (11 %) patients, aucune étiologie n’était identifiée. Les étiologies les plus fréquentes étaient le syndrome inflammatoire (64 %), la cytolyse hépatique (27 %), le syndrome métabolique (19 %), la consommation chronique d’alcool (15 %), les néoplasies métastatiques (10 %) et les hémopathies (9 %) – du fait de multiples étiologies chez certains patients, la somme des pourcentages excède 100 %. L’hyperferritinémie moyenne était significativement différente selon l’étiologie (<em>p</em> <!--><<!--> <!-->0,01). Elle était plus élevée pour la supplémentation en fer ou en EPO (1321 (1033) μ/L), les hémopathies (1303 (736) μ/L), la cytolyse hépatique (1250 (851) μ/L), les néoplasies métastatiques (1216 (552) μ/L) et les syndromes inflammatoires (1115 (861) μ/L), et moins élevée pour le syndrome métabolique (806 (482) μ/L). Néanmoins, les distributions de ferritine selon les différentes étiologies se recoupaient largement.</div></div><div><h3>Discussion</h3><div>Notre étude a retrouvé des valeurs de ferritine significativement différentes selon l’étiologie identifiée. Cependant cette donnée est de peu d’utilité pour aider au raisonnement pour un patient individuel, car les écart-types sont importants au sein de chaque étiologie.</div><div>La recherche d’une différence de niveau de ferritine selon l’étiologie a été gênée par la grande prévalence (58 %) des patients présentant plusieurs étiologies. Notre étude incluant uniquement des patients hospitalisés, ces résultats ne sont pas généralisables à l’ensemble de la population.</div><div>L’âge moyen dans notre cohorte est similaire aux cohortes de patients avec hyperferritinémie décrits dans la littérature <span><span>[1]</span></span>, <span><span>[3]</span></span>. Le sexe ratio est variable : les cohortes publiées retrouvent 24 à 63 % de femmes. Notre cohorte retrouve une seule étiologie dans seulement 31 % des cas, ce qui tranche avec la cohorte de Senjo qui retrouve une seule étiologie pour 59 % des patients. La faible prévalence de causes hépatiques (1,7 %) dans la cohorte de Cansu peut être liée à un biais de recrutement, car seuls des patients suivis en rhumatologie/médecine interne étaient inclus.</div></div><div><h3>Conclusion</h3><div>L’hyperferritinémie avait le plus souvent plusieurs étiologies dans notre étude. Malgré une moyenne significativement différente selon l’étiologie, la valeur de ferritine ne peut en pratique clinique orienter vers un diagnostic étiologique.</div></div>","PeriodicalId":54458,"journal":{"name":"Revue De Medecine Interne","volume":"45 ","pages":"Pages A359-A360"},"PeriodicalIF":0.7000,"publicationDate":"2024-11-27","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Revue De Medecine Interne","FirstCategoryId":"3","ListUrlMain":"https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0248866324011275","RegionNum":4,"RegionCategory":"医学","ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"Q3","JCRName":"MEDICINE, GENERAL & INTERNAL","Score":null,"Total":0}
引用次数: 0
Abstract
Introduction
L’hyperferritinémie est une situation fréquente en médecine interne, concernant 5 % des patients [1]. La démarche étiologique consiste à rechercher les quatre étiologies les plus fréquentes que sont l’éthylisme chronique, le syndrome inflammatoire, la cytolyse et le syndrome métabolique. En cas de coefficient de saturation de la transferrine > 45 %, l’hémochromatose est évoquée, mais sa prévalence n’est que de 0,5 % [2]. Cette démarche ne prend pas en compte le niveau d’hyperferritinémie. Nous avons mené une étude rétrospective observationnelle afin de déterminer si le niveau d’hyperferritinémie avait une valeur d’orientation étiologique.
Patients et méthodes
Nous avons mené une étude observationnelle rétrospective monocentrique pour déterminer la distribution des hyperferritinémies en fonction du diagnostic étiologique retrouvé. Les patients hospitalisés dans notre hôpital entre le 22/11/2021 et le 23/11/2023, présentant une ferritine > 500 μg/L, et dont les données du dossier médical permettaient de statuer sur la présence ou l’absence des quatre étiologies les plus fréquentes, ont été inclus. Ont été exclus les patients mineurs, dialysés ou dont le DFG CKD-EPI était < 20 mL/min. Les données quantitatives ont été exprimées en moyenne (écart-type) et les données qualitatives en nombre (%). Les valeurs moyennes de la ferritine selon les différentes étiologies ont été comparées par le test de Kruskal-Wallis. Les tests étaient bilatéraux avec un risque α à 5 %.
Résultats
Durant la période d’étude, 2407 patients ont bénéficié d’un dosage de ferritinémie. Parmi eux, 252 (10 %) avaient une ferritinémie > 500 μg/L. Il s’agissait de 85 femmes et 167 hommes, d’âge moyen 66 (17) ans. La ferritinémie ne variait pas significativement selon le sexe (p = 0,57, test de Mann-Whitney) ni selon l’âge (p = 0,92, test de corrélation de Spearman). Une seule étiologie était identifiée pour 79 (31 %) patients. Plusieurs étiologies (de 2 à 5) étaient identifiées pour 145 (58 %) patients. Pour 28 (11 %) patients, aucune étiologie n’était identifiée. Les étiologies les plus fréquentes étaient le syndrome inflammatoire (64 %), la cytolyse hépatique (27 %), le syndrome métabolique (19 %), la consommation chronique d’alcool (15 %), les néoplasies métastatiques (10 %) et les hémopathies (9 %) – du fait de multiples étiologies chez certains patients, la somme des pourcentages excède 100 %. L’hyperferritinémie moyenne était significativement différente selon l’étiologie (p < 0,01). Elle était plus élevée pour la supplémentation en fer ou en EPO (1321 (1033) μ/L), les hémopathies (1303 (736) μ/L), la cytolyse hépatique (1250 (851) μ/L), les néoplasies métastatiques (1216 (552) μ/L) et les syndromes inflammatoires (1115 (861) μ/L), et moins élevée pour le syndrome métabolique (806 (482) μ/L). Néanmoins, les distributions de ferritine selon les différentes étiologies se recoupaient largement.
Discussion
Notre étude a retrouvé des valeurs de ferritine significativement différentes selon l’étiologie identifiée. Cependant cette donnée est de peu d’utilité pour aider au raisonnement pour un patient individuel, car les écart-types sont importants au sein de chaque étiologie.
La recherche d’une différence de niveau de ferritine selon l’étiologie a été gênée par la grande prévalence (58 %) des patients présentant plusieurs étiologies. Notre étude incluant uniquement des patients hospitalisés, ces résultats ne sont pas généralisables à l’ensemble de la population.
L’âge moyen dans notre cohorte est similaire aux cohortes de patients avec hyperferritinémie décrits dans la littérature [1], [3]. Le sexe ratio est variable : les cohortes publiées retrouvent 24 à 63 % de femmes. Notre cohorte retrouve une seule étiologie dans seulement 31 % des cas, ce qui tranche avec la cohorte de Senjo qui retrouve une seule étiologie pour 59 % des patients. La faible prévalence de causes hépatiques (1,7 %) dans la cohorte de Cansu peut être liée à un biais de recrutement, car seuls des patients suivis en rhumatologie/médecine interne étaient inclus.
Conclusion
L’hyperferritinémie avait le plus souvent plusieurs étiologies dans notre étude. Malgré une moyenne significativement différente selon l’étiologie, la valeur de ferritine ne peut en pratique clinique orienter vers un diagnostic étiologique.
期刊介绍:
Official journal of the SNFMI, La revue de medecine interne is indexed in the most prestigious databases. It is the most efficient French language journal available for internal medicine specialists who want to expand their knowledge and skills beyond their own discipline. It is also the main French language international medium for French research works. The journal publishes each month editorials, original articles, review articles, short communications, etc. These articles address the fundamental and innumerable facets of internal medicine, spanning all medical specialties. Manuscripts may be submitted in French or in English.
La revue de medecine interne also includes additional issues publishing the proceedings of the two annual French meetings of internal medicine (June and December), as well as thematic issues.