La vie, la vieillesse et la mort dans l’œuvre de Carl Jung

R. Gil
{"title":"La vie, la vieillesse et la mort dans l’œuvre de Carl Jung","authors":"R. Gil","doi":"10.1016/j.npg.2024.10.003","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"<div><div>Après avoir soutenu Freud qui le considérait comme son successeur, Carl Gustav Jung se sépara de lui. Leur désaccord porta notamment sur la sexualité que Freud considérait comme la clé de l’interprétation de tous les comportements humains. Pour Jung, la libido désignait de manière générale la manifestation psychique de l’énergie vitale dont le désir sexuel n’était qu’une des manifestations. Jung souhaitait rester ouvert à tout ce qui pouvait conduire l’être humain à quêter le sens de la vie : la spiritualité ne pouvait pas relever de la seule sexualité. Jung accorda aussi une importance majeure à ces images originelles qui surgissent dans les mythes, les rêves, les délires et qui témoignent de l’inconscient collectif inné. Ces idées contribuent à la description que fait Jung des étapes de la vie. Après l’enfance qui est un combat pour l’existence du moi, vient le jeune âge qui s’étend de la puberté jusqu’au milieu de la vie. L’être humain doit alors transformer par la lutte sa nature primitive pour acquérir une existence sociale et s’y adapter. Puis, à partir de la quarantaine, commence l’après-midi de la vie. L’être humain, progressivement, doit accepter de se tourner vers lui-même et tout au long de cette étape qui le conduira à la vieillesse, quêter le sens de sa vie, poursuivre son développement personnel, progresser dans un processus d’individuation qui est réalisation de soi-même, réalisation de « son Soi ». Le vieillissement n’est donc pas un déclin mais ouvre à la possibilité d’un épanouissement en se découvrant soi-même, en devenant ce que l’on est. La mort devient alors le but de la vie et l’inconscient collectif qui plonge dans l’histoire de l’humanité, conduit à faire de la mort la porte d’entrée de l’éternité et donc une étape dans le déroulement de la vie. Il s’agit bien sûr d’un acte de foi, d’une croyance qui échappe au domaine scientifique. L’essentiel est de se laisser porter par ces images primitives issues de l’inconscient collectif même si l’on doute ou si on refuse de croire en l’immortalité. Et ainsi Jung invite à ne pas confondre la croyance en Dieu et l’idée de Dieu en l’homme. C’est le refus d’accepter le passage d’une vie tournée vers l’action et la réussite sociale, c’est le désir de prolonger sans cesse la jeunesse, de se cramponner à elle qui entraîne les dépressions et les manifestations névrotiques survenant dans « l’après-midi de la vie ».</div></div><div><div>After supporting Freud, who considered him his successor, Carl Gustav Jung broke away from him. Their disagreement focused in particular on sexuality, which Freud considered as the key to the interpretation of all human behaviour. For Jung, libido generally referred to the psychic manifestation of vital energy, of which sexual desire was only one manifestation. Jung wanted to remain open to everything that could lead human beings to seek the meaning of life: spirituality could not be a matter of sexuality alone. Jung also attached considerable importance to the original images deriving from myths, dreams and delusions that reflect an innate, collective unconscious. These ideas contribute to Jung's description of the stages of life. After childhood, which is a fight for the existence of the self, comes young age, which extends from puberty to middle life. Human beings must then struggle to transform their primitive nature in order to acquire a social existence and adapt to it. Then, from the age of forty, the afternoon of life begins. Human beings must gradually accept that they need to turn towards themselves, and throughout this stage, which will lead them to old age, they need to seek the meaning of their lives, pursue their personal development, and progress in a process of individuation, which is self-realization, realization of “their Self”. Aging is therefore not a decline but opens up the possibility of fulfilment by discovering oneself, by becoming what one is. Death then becomes the goal of life, and the collective unconscious, which takes its roots in the history of humanity, leads to seeing death as the gateway to eternity and therefore a stage in the unfolding of life. This is of course an act of faith, a belief that escapes the scientific domain. The essential issue is to entrust oneself to these primitive images from the collective unconscious, even if one doubts or refuses to believe in immortality. And so Jung invites us not to confuse belief in God with the idea of God in man. It is the refusal to accept the passing of a life turned towards action and social success, it is the desire to constantly prolong youth and to cling to it, which lead to depression and neurotic manifestations arising in the “afternoon of life”.</div></div>","PeriodicalId":35487,"journal":{"name":"NPG Neurologie - Psychiatrie - Geriatrie","volume":"25 145","pages":"Pages 40-46"},"PeriodicalIF":0.0000,"publicationDate":"2025-02-01","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"NPG Neurologie - Psychiatrie - Geriatrie","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S162748302400120X","RegionNum":0,"RegionCategory":null,"ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"Q4","JCRName":"Medicine","Score":null,"Total":0}
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Abstract

Après avoir soutenu Freud qui le considérait comme son successeur, Carl Gustav Jung se sépara de lui. Leur désaccord porta notamment sur la sexualité que Freud considérait comme la clé de l’interprétation de tous les comportements humains. Pour Jung, la libido désignait de manière générale la manifestation psychique de l’énergie vitale dont le désir sexuel n’était qu’une des manifestations. Jung souhaitait rester ouvert à tout ce qui pouvait conduire l’être humain à quêter le sens de la vie : la spiritualité ne pouvait pas relever de la seule sexualité. Jung accorda aussi une importance majeure à ces images originelles qui surgissent dans les mythes, les rêves, les délires et qui témoignent de l’inconscient collectif inné. Ces idées contribuent à la description que fait Jung des étapes de la vie. Après l’enfance qui est un combat pour l’existence du moi, vient le jeune âge qui s’étend de la puberté jusqu’au milieu de la vie. L’être humain doit alors transformer par la lutte sa nature primitive pour acquérir une existence sociale et s’y adapter. Puis, à partir de la quarantaine, commence l’après-midi de la vie. L’être humain, progressivement, doit accepter de se tourner vers lui-même et tout au long de cette étape qui le conduira à la vieillesse, quêter le sens de sa vie, poursuivre son développement personnel, progresser dans un processus d’individuation qui est réalisation de soi-même, réalisation de « son Soi ». Le vieillissement n’est donc pas un déclin mais ouvre à la possibilité d’un épanouissement en se découvrant soi-même, en devenant ce que l’on est. La mort devient alors le but de la vie et l’inconscient collectif qui plonge dans l’histoire de l’humanité, conduit à faire de la mort la porte d’entrée de l’éternité et donc une étape dans le déroulement de la vie. Il s’agit bien sûr d’un acte de foi, d’une croyance qui échappe au domaine scientifique. L’essentiel est de se laisser porter par ces images primitives issues de l’inconscient collectif même si l’on doute ou si on refuse de croire en l’immortalité. Et ainsi Jung invite à ne pas confondre la croyance en Dieu et l’idée de Dieu en l’homme. C’est le refus d’accepter le passage d’une vie tournée vers l’action et la réussite sociale, c’est le désir de prolonger sans cesse la jeunesse, de se cramponner à elle qui entraîne les dépressions et les manifestations névrotiques survenant dans « l’après-midi de la vie ».
After supporting Freud, who considered him his successor, Carl Gustav Jung broke away from him. Their disagreement focused in particular on sexuality, which Freud considered as the key to the interpretation of all human behaviour. For Jung, libido generally referred to the psychic manifestation of vital energy, of which sexual desire was only one manifestation. Jung wanted to remain open to everything that could lead human beings to seek the meaning of life: spirituality could not be a matter of sexuality alone. Jung also attached considerable importance to the original images deriving from myths, dreams and delusions that reflect an innate, collective unconscious. These ideas contribute to Jung's description of the stages of life. After childhood, which is a fight for the existence of the self, comes young age, which extends from puberty to middle life. Human beings must then struggle to transform their primitive nature in order to acquire a social existence and adapt to it. Then, from the age of forty, the afternoon of life begins. Human beings must gradually accept that they need to turn towards themselves, and throughout this stage, which will lead them to old age, they need to seek the meaning of their lives, pursue their personal development, and progress in a process of individuation, which is self-realization, realization of “their Self”. Aging is therefore not a decline but opens up the possibility of fulfilment by discovering oneself, by becoming what one is. Death then becomes the goal of life, and the collective unconscious, which takes its roots in the history of humanity, leads to seeing death as the gateway to eternity and therefore a stage in the unfolding of life. This is of course an act of faith, a belief that escapes the scientific domain. The essential issue is to entrust oneself to these primitive images from the collective unconscious, even if one doubts or refuses to believe in immortality. And so Jung invites us not to confuse belief in God with the idea of God in man. It is the refusal to accept the passing of a life turned towards action and social success, it is the desire to constantly prolong youth and to cling to it, which lead to depression and neurotic manifestations arising in the “afternoon of life”.
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