{"title":"Adriana Orlandi, Le paradoxe de l’adjectif. (Champs Linguistiques.) Louvain-la-Neuve : De Boeck Supérieur, 2020, 288 pp. 978 2 8073 1985 1","authors":"M. Noailly","doi":"10.1017/s0959269521000156","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"L’ouvrage d’Adriana Orlandi est une réflexion sur la spécificité de l’adjectif en français. Dans ce domaine bien connu, Orlandi propose une démarche originale, inspirée des travaux qui retiennent l’attention. Le principe directeur de l’étude, puissant et d’une élégante simplicité, ce sont les travaux de Michele Prandi. Les adjectifs sont tous marqués par leur signifié relationnel, et donc leur dépendance référentielle. Ils ont deux fonctions syntaxiques primaires : épithète et attribut. Mais la disparité est grande entre les deux positions : alors que l’épithète peut recevoir tous les adjectifs, dans leur plus extrême diversité, la fonction attribut, elle, se limite aux emplois de type qualificatif. Un tel « blocage prédicatif » ne tient pas tant aux adjectifs en eux-mêmes qu’à leurs emplois divers. A partir de là, Orlandi s’interroge : quelle est la fonction syntaxique primaire de la catégorie adjectivale ? Plutôt que d’y répondre par un choix exclusif, comme on l’a fait avant elle, Orlandi considère que le problème est mal posé. S’appuyant sur ce qu’elle appelle les « cas conflictuels » (où l’interprétation de l’adjectif ne va pas de soi, chap. II), elle distingue dans le corpus littéraire qui lui sert de base (un roman des frères Goncourt) quatre types de « conflit » : métaphoriques (lumière riante), oxymoriques (sensualité spirituelle), dilatés (beautés faunesques), obliques (sourire blanc). Elle observe que dans le syntagme nominal (SN), la structure s’adapte aux contenus en jeu, le processus interprétatif s’appuyant sur la cohérence conceptuelle (et textuelle). La relation attributive, au contraire, impose rigidement une lecture qualificative. C’est que l’une est à moule large, l’autre à moule rigide. La première se contente d’exprimer le signifié complexe, qui naît avant tout de la solidarité entre les contenus, la seconde le construit (le contenu est imposé par la structure elle-même). Dans le premier cas, on parlera d’un « codage ponctuel », une sorte de sous-codage, dans le second, d’un « codage relationnel » (c’est la relation grammaticale qui assigne un rôle aux contenus). Dans le SN, la structure, du fait de son faible pouvoir de codage, ne fait que suggérer l’existence d’un lien (p. 135), un calcul inférentiel permettant de résoudre l’éventuel conflit. En position attribut en revanche, les cas conflictuels sont exclus pour la plupart (restreints de fait aux seuls emplois métaphoriques). Mais à ce compte-là, les adjectifs à fonction classifiante (les adjectifs de relation entre autres) devraient être exclus de la position attributive. Or ils ne le sont pas vraiment. Alors, comment rendre compte de cette difficulté théorique ? Orlandi la résout par le recours à la notion de « glissement de fonction » (p. 165) : une sorte de contamination entre deux types de sous-catégorisation, celle de l’adjectif attribut classifiant, et celle que fournit plus normalement un pivot prédicatif nominal (le sapin est un arbre).","PeriodicalId":43930,"journal":{"name":"Journal of French Language Studies","volume":"32 1","pages":"412 - 413"},"PeriodicalIF":0.6000,"publicationDate":"2022-03-02","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Journal of French Language Studies","FirstCategoryId":"98","ListUrlMain":"https://doi.org/10.1017/s0959269521000156","RegionNum":3,"RegionCategory":"文学","ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"0","JCRName":"LANGUAGE & LINGUISTICS","Score":null,"Total":0}
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Abstract
L’ouvrage d’Adriana Orlandi est une réflexion sur la spécificité de l’adjectif en français. Dans ce domaine bien connu, Orlandi propose une démarche originale, inspirée des travaux qui retiennent l’attention. Le principe directeur de l’étude, puissant et d’une élégante simplicité, ce sont les travaux de Michele Prandi. Les adjectifs sont tous marqués par leur signifié relationnel, et donc leur dépendance référentielle. Ils ont deux fonctions syntaxiques primaires : épithète et attribut. Mais la disparité est grande entre les deux positions : alors que l’épithète peut recevoir tous les adjectifs, dans leur plus extrême diversité, la fonction attribut, elle, se limite aux emplois de type qualificatif. Un tel « blocage prédicatif » ne tient pas tant aux adjectifs en eux-mêmes qu’à leurs emplois divers. A partir de là, Orlandi s’interroge : quelle est la fonction syntaxique primaire de la catégorie adjectivale ? Plutôt que d’y répondre par un choix exclusif, comme on l’a fait avant elle, Orlandi considère que le problème est mal posé. S’appuyant sur ce qu’elle appelle les « cas conflictuels » (où l’interprétation de l’adjectif ne va pas de soi, chap. II), elle distingue dans le corpus littéraire qui lui sert de base (un roman des frères Goncourt) quatre types de « conflit » : métaphoriques (lumière riante), oxymoriques (sensualité spirituelle), dilatés (beautés faunesques), obliques (sourire blanc). Elle observe que dans le syntagme nominal (SN), la structure s’adapte aux contenus en jeu, le processus interprétatif s’appuyant sur la cohérence conceptuelle (et textuelle). La relation attributive, au contraire, impose rigidement une lecture qualificative. C’est que l’une est à moule large, l’autre à moule rigide. La première se contente d’exprimer le signifié complexe, qui naît avant tout de la solidarité entre les contenus, la seconde le construit (le contenu est imposé par la structure elle-même). Dans le premier cas, on parlera d’un « codage ponctuel », une sorte de sous-codage, dans le second, d’un « codage relationnel » (c’est la relation grammaticale qui assigne un rôle aux contenus). Dans le SN, la structure, du fait de son faible pouvoir de codage, ne fait que suggérer l’existence d’un lien (p. 135), un calcul inférentiel permettant de résoudre l’éventuel conflit. En position attribut en revanche, les cas conflictuels sont exclus pour la plupart (restreints de fait aux seuls emplois métaphoriques). Mais à ce compte-là, les adjectifs à fonction classifiante (les adjectifs de relation entre autres) devraient être exclus de la position attributive. Or ils ne le sont pas vraiment. Alors, comment rendre compte de cette difficulté théorique ? Orlandi la résout par le recours à la notion de « glissement de fonction » (p. 165) : une sorte de contamination entre deux types de sous-catégorisation, celle de l’adjectif attribut classifiant, et celle que fournit plus normalement un pivot prédicatif nominal (le sapin est un arbre).
期刊介绍:
Journal of French Language Studies, sponsored by the Association for French Language Studies, encourages and promotes theoretical, descriptive and applied studies of all aspects of the French language. The journal brings together research from the English- and French-speaking traditions, publishing significant work on French phonology, morphology, syntax, lexis and semantics, sociolinguistics and variation studies. Most work is synchronic in orientation, but historical and comparative items are also included. Studies of the acquisition of the French language, where these take due account of current theory in linguistics and applied linguistics, are also published.