{"title":"Les discours de distribution des prix : Une influence durable ?","authors":"F. Lériche","doi":"10.1353/esp.2022.0033","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"AUCUN HOMME N’A JAMAIS EU d’influence sur moi », affirme Proust dans une note du Carnet 11, « (que Darlu et je l’ai reconnue mauvaise) », ajoute-t-il. Dans cette série de notes de 1909 sur la réalité intérieure qui seule importe pour l’écrivain ou l’artiste, il reconnaît uniquement l’influence de son professeur de philosophie du lycée Condorcet (Alphonse Darlu), bien que ce soit pour la dénigrer2. Or qui pourrait prétendre n’avoir jamais subi la moindre influence au cours de sa période de formation, qu’il s’agisse du poids (idéologique, par exemple) du milieu familial et social, des tendances littéraires et esthétiques des œuvres que l’éducation (familiale puis scolaire) a amené l’adolescent à fréquenter, à aimer, ou encore des principes éthiques qui ont dicté aux maîtres leurs orientations dans la formation des jeunes esprits qui leur étaient confiés ? En explorant dès les années 1950 les archives du lycée Condorcet afin d’identifier les professeurs dont l’élève Marcel Proust avait suivi les classes, André Ferré a ouvert une voie ingénieuse dans l’investigation de cette formation première3. En examinant le palmarès annuel et les évaluations portées par les enseignants sur son travail scolaire, Ferré a pu établir la liste des disciplines académiques pour lesquelles le jeune Proust s’était passionné et, comparant son investissement fort inégal d’une année à l’autre (notamment en histoire et en lettres) avec la personnalité pédagogique plus ou moins inspirante des enseignants qui assuraient ces cours, personnalité que permettent de connaître les notices annuelles du proviseur du lycée ainsi que les rapports des inspecteurs d’académie, il en a dégagé une liste de quelques professeurs qui auraient exercé sur l’élève Proust une influence déterminante : Georges Colomb (enseignant de sciences naturelles, dans les classes de cinquième et quatrième), Alexandre Gazeau (professeur d’histoire, en seconde), Maxime Gaucher (professeur de français et de grec en classe de rhétorique), et bien sûr Alphonse Darlu (en philosophie). Dans son parcours scolaire plutôt moyen (excepté en composition française à partir de la classe de seconde), les succès notables de l’élève Proust ayant principalement eu lieu dans les classes des professeurs les moins conventionnels (Colomb et Gaucher4), Ferré en infère que seuls ces esprits libres ont su « déceler » dans l’adolescent une personnalité d’exception que leur style d’enseignement atypique stimulait, là où les","PeriodicalId":54063,"journal":{"name":"ESPRIT CREATEUR","volume":null,"pages":null},"PeriodicalIF":0.1000,"publicationDate":"2022-09-01","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"ESPRIT CREATEUR","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://doi.org/10.1353/esp.2022.0033","RegionNum":4,"RegionCategory":"文学","ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"0","JCRName":"LITERATURE, ROMANCE","Score":null,"Total":0}
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Abstract
AUCUN HOMME N’A JAMAIS EU d’influence sur moi », affirme Proust dans une note du Carnet 11, « (que Darlu et je l’ai reconnue mauvaise) », ajoute-t-il. Dans cette série de notes de 1909 sur la réalité intérieure qui seule importe pour l’écrivain ou l’artiste, il reconnaît uniquement l’influence de son professeur de philosophie du lycée Condorcet (Alphonse Darlu), bien que ce soit pour la dénigrer2. Or qui pourrait prétendre n’avoir jamais subi la moindre influence au cours de sa période de formation, qu’il s’agisse du poids (idéologique, par exemple) du milieu familial et social, des tendances littéraires et esthétiques des œuvres que l’éducation (familiale puis scolaire) a amené l’adolescent à fréquenter, à aimer, ou encore des principes éthiques qui ont dicté aux maîtres leurs orientations dans la formation des jeunes esprits qui leur étaient confiés ? En explorant dès les années 1950 les archives du lycée Condorcet afin d’identifier les professeurs dont l’élève Marcel Proust avait suivi les classes, André Ferré a ouvert une voie ingénieuse dans l’investigation de cette formation première3. En examinant le palmarès annuel et les évaluations portées par les enseignants sur son travail scolaire, Ferré a pu établir la liste des disciplines académiques pour lesquelles le jeune Proust s’était passionné et, comparant son investissement fort inégal d’une année à l’autre (notamment en histoire et en lettres) avec la personnalité pédagogique plus ou moins inspirante des enseignants qui assuraient ces cours, personnalité que permettent de connaître les notices annuelles du proviseur du lycée ainsi que les rapports des inspecteurs d’académie, il en a dégagé une liste de quelques professeurs qui auraient exercé sur l’élève Proust une influence déterminante : Georges Colomb (enseignant de sciences naturelles, dans les classes de cinquième et quatrième), Alexandre Gazeau (professeur d’histoire, en seconde), Maxime Gaucher (professeur de français et de grec en classe de rhétorique), et bien sûr Alphonse Darlu (en philosophie). Dans son parcours scolaire plutôt moyen (excepté en composition française à partir de la classe de seconde), les succès notables de l’élève Proust ayant principalement eu lieu dans les classes des professeurs les moins conventionnels (Colomb et Gaucher4), Ferré en infère que seuls ces esprits libres ont su « déceler » dans l’adolescent une personnalité d’exception que leur style d’enseignement atypique stimulait, là où les
期刊介绍:
For more than forty years, L"Esprit Créateur has published studies on French and Francophone literature, film, criticism, and culture. The journal features articles representing a variety of methodologies and critical approaches. Exploring all periods of French literature and thought, L"Esprit Créateur focuses on topics that define French and Francophone Studies today.