{"title":"gwenaelle Mainsant Sur le trottoir,《国家:警察面对卖淫》,巴黎,Seuil, 2021年,345页。","authors":"Alexandre Jouhanneau","doi":"10.1017/cls.2022.21","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"La prostitution possède une fausse évidence. Dans cet ouvrage, Gwénaëlle Mainsant montre en effet que la qualification de la prostitution a été l’objet d’un ensemble de dilemmes pratiques pour les agents de l’ordre social et sexuel auxquels pourraient s’apparenter les policiers et policières qu’elle a suivis en 2007, à Paris, lors d’une immersion de plusieurs mois au sein de la brigade de répression du proxénétisme (BRP). La prostitution n’étant pas définie en droit français, une enquête sociohistorique et interactionniste de cette ampleur s’imposait pour comprendre les mécanismes concrets de la « gestion différentielle des illégalismes sexuels » (p. 30), dans la mesure où « certaines formes d’indisciplines sont davantage associées à certains groupes sociaux et que la tolérance et le traitement institutionnel qui leur sont réservés varient selon les groupes sociaux et les périodes concernées » (p. 31). Sur le plan empirique, on ne peut que saluer la grande variété des dispositifs d’enquête mobilisés, car ils mêlent observations participantes, consultations de dossiers policiers, d’archives, de sources de presse et de fictions, entretiens avec les principaux protagonistes de la police de la prostitution, et enfin analyses de débats et de rapports parlementaires en ce domaine. Le premier des trois volets que comporte cet ouvrage nous apprend pour quelles raisons, à partir de la fermeture des maisons closes en 1946, la « Mondaine », désormais connue sous le nomprosaïque de brigade de répression du proxénétisme (BRP), a progressivement perdu de son prestige dans la hiérarchie policière. Gwénaëlle Mainsant retrace ainsi « l’histoire d’une dépossession » (p. 86), celle du champ d’action étendu de l’ancienne police des mœurs, si bien qu’au tournant des années 2000 la BRP s’occupera essentiellement de lutte contre le proxénétisme. Or, comme l’explique l’auteure, la loi pour la sécurité intérieure (LSI) de 2003, qui a consacré en France une forme d’abolitionnisme sécuritaire, en prévoyant des sanctions pour racolage actif et passif ainsi que des mesures de protections (comme des titres de séjour provisoires) pour les victimes de la traite dénonçant leurs proxénètes, a mis à mal ce dernier privilège. En effet, la LSI aurait perturbé le travail d’information de la BRP auprès de ses indics, en plus de déclencher des luttes intestines entre les différents services de la police du sexe, d’où l’importance de s’interroger sur les défis concrets que pose à l’institution policière tout changement de cadre juridique en matière de gouvernement de la prostitution. Dans le second volet de cet ouvrage, l’auteure s’intéresse aux opérations de qualification de la prostitution qu’effectue la BRP. L’analyse qu’elle propose est tout à fait originale. Elle montre que celles-ci sont inséparables du privilège masculin de contrôle de la sexualité, la « virilité policière » étant perçue à la BRP comme une performance indispensable au travail policier, en ce qu’elle permettrait de faire avouer des suspects et de recruter des prostituées comme indics. 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Gwénaëlle Mainsant Sur le trottoir, l’État : la police face à la prostitution, Paris, Seuil, 2021, 345 p.
La prostitution possède une fausse évidence. Dans cet ouvrage, Gwénaëlle Mainsant montre en effet que la qualification de la prostitution a été l’objet d’un ensemble de dilemmes pratiques pour les agents de l’ordre social et sexuel auxquels pourraient s’apparenter les policiers et policières qu’elle a suivis en 2007, à Paris, lors d’une immersion de plusieurs mois au sein de la brigade de répression du proxénétisme (BRP). La prostitution n’étant pas définie en droit français, une enquête sociohistorique et interactionniste de cette ampleur s’imposait pour comprendre les mécanismes concrets de la « gestion différentielle des illégalismes sexuels » (p. 30), dans la mesure où « certaines formes d’indisciplines sont davantage associées à certains groupes sociaux et que la tolérance et le traitement institutionnel qui leur sont réservés varient selon les groupes sociaux et les périodes concernées » (p. 31). Sur le plan empirique, on ne peut que saluer la grande variété des dispositifs d’enquête mobilisés, car ils mêlent observations participantes, consultations de dossiers policiers, d’archives, de sources de presse et de fictions, entretiens avec les principaux protagonistes de la police de la prostitution, et enfin analyses de débats et de rapports parlementaires en ce domaine. Le premier des trois volets que comporte cet ouvrage nous apprend pour quelles raisons, à partir de la fermeture des maisons closes en 1946, la « Mondaine », désormais connue sous le nomprosaïque de brigade de répression du proxénétisme (BRP), a progressivement perdu de son prestige dans la hiérarchie policière. Gwénaëlle Mainsant retrace ainsi « l’histoire d’une dépossession » (p. 86), celle du champ d’action étendu de l’ancienne police des mœurs, si bien qu’au tournant des années 2000 la BRP s’occupera essentiellement de lutte contre le proxénétisme. Or, comme l’explique l’auteure, la loi pour la sécurité intérieure (LSI) de 2003, qui a consacré en France une forme d’abolitionnisme sécuritaire, en prévoyant des sanctions pour racolage actif et passif ainsi que des mesures de protections (comme des titres de séjour provisoires) pour les victimes de la traite dénonçant leurs proxénètes, a mis à mal ce dernier privilège. En effet, la LSI aurait perturbé le travail d’information de la BRP auprès de ses indics, en plus de déclencher des luttes intestines entre les différents services de la police du sexe, d’où l’importance de s’interroger sur les défis concrets que pose à l’institution policière tout changement de cadre juridique en matière de gouvernement de la prostitution. Dans le second volet de cet ouvrage, l’auteure s’intéresse aux opérations de qualification de la prostitution qu’effectue la BRP. L’analyse qu’elle propose est tout à fait originale. Elle montre que celles-ci sont inséparables du privilège masculin de contrôle de la sexualité, la « virilité policière » étant perçue à la BRP comme une performance indispensable au travail policier, en ce qu’elle permettrait de faire avouer des suspects et de recruter des prostituées comme indics. Selon Gwénaëlle Mainsant, ce service de police continue ainsi de fonctionner sur un « modèle viril »
期刊介绍:
The Canadian Journal of Law and Society is pleased to announce that it has a new home and editorial board. As of January 2008, the Journal is housed in the Law Department at Carleton University. Michel Coutu and Mariana Valverde are the Journal’s new co-editors (in French and English respectively) and Dawn Moore is now serving as the Journal’s Managing Editor. As always, the journal is committed to publishing high caliber, original academic work in the field of law and society scholarship. CJLS/RCDS has wide circulation and an international reputation for showcasing quality scholarship that speaks to both theoretical and empirical issues in sociolegal studies.