{"title":"西班牙宗教裁判所的信仰原因","authors":"J. Dedieu, Gunnar W. Knutsen","doi":"10.1017/ahss.2023.37","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"Résumé Cet article se fonde, en premier lieu, sur des manuels manuscrits produits et/ou utilisés par les inquisiteurs en Espagne pour leur usage quotidien. Il s’appuie ensuite sur les traités latins que ces manuels citent en références, qui nous ont permis d’avoir accès à l’arrière-plan théorique, théologique, pastoral et philosophique sur lequel se fondait la pratique. Nous avons également comparé la structure procédurale des procès originaux aux relations de cause, ces rapports d’activité qui les résument où les inquisiteurs doivent justifier leurs décisions auprès de leurs supérieurs. Nous établissons grâce à cette double voie que la « cause de foi », qui est au cœur du travail inquisitorial, doit être formalisée à deux niveaux : d’une part une procédure judiciaire, qui commande la succession des opérations du procès ; d’autre part un niveau sous-jacent – moins visible pour un lecteur actuel, mais fortement articulé par l’appareil conceptuel décrit par les traités latins –, qui vise à produire, non pas une vérité judiciaire, comme le premier, mais une vérité pénitentielle. Le premier niveau est répressif, une fois le délit prouvé dans les formes judiciaires. Le second niveau est intégratif, ecclésiastique et non séculier ; il vise à réintégrer l’accusé au sein de l’Église catholique, même lorsque le délit d’hérésie est judiciairement établi. Les inquisiteurs jouaient sur ces deux niveaux avec souplesse, ce dont nous avions jusqu’ici du mal à rendre compte. Envisagé sous cet angle, le souci que l’Inquisition exprime sans cesse pour le bien-être spirituel de l’accusé ne peut plus être interprété comme simple hypocrisie. Le procès de foi inquisitorial, commandé par une double logique, est en équilibre instable, ce qui le rend particulièrement sensible aux choix personnels, en termes techniques à l’« arbitraire », des juges. Nous constatons qu’au fil du temps l’aspect pénitentiel prend de plus en plus d’importance au détriment de la logique purement judiciaire. De nombreux indices indiquent qu’une double logique de ce type commande également les procès criminels d’autres juridictions – un aspect dont la prise en compte éclairerait sans doute le fonctionnement global des institutions de résolution des conflits à l’époque moderne.","PeriodicalId":35258,"journal":{"name":"Annales","volume":null,"pages":null},"PeriodicalIF":0.0000,"publicationDate":"2023-03-01","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":"{\"title\":\"La cause de foi dans l’Inquisition espagnole\",\"authors\":\"J. Dedieu, Gunnar W. Knutsen\",\"doi\":\"10.1017/ahss.2023.37\",\"DOIUrl\":null,\"url\":null,\"abstract\":\"Résumé Cet article se fonde, en premier lieu, sur des manuels manuscrits produits et/ou utilisés par les inquisiteurs en Espagne pour leur usage quotidien. 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Le premier niveau est répressif, une fois le délit prouvé dans les formes judiciaires. Le second niveau est intégratif, ecclésiastique et non séculier ; il vise à réintégrer l’accusé au sein de l’Église catholique, même lorsque le délit d’hérésie est judiciairement établi. Les inquisiteurs jouaient sur ces deux niveaux avec souplesse, ce dont nous avions jusqu’ici du mal à rendre compte. Envisagé sous cet angle, le souci que l’Inquisition exprime sans cesse pour le bien-être spirituel de l’accusé ne peut plus être interprété comme simple hypocrisie. Le procès de foi inquisitorial, commandé par une double logique, est en équilibre instable, ce qui le rend particulièrement sensible aux choix personnels, en termes techniques à l’« arbitraire », des juges. Nous constatons qu’au fil du temps l’aspect pénitentiel prend de plus en plus d’importance au détriment de la logique purement judiciaire. 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Résumé Cet article se fonde, en premier lieu, sur des manuels manuscrits produits et/ou utilisés par les inquisiteurs en Espagne pour leur usage quotidien. Il s’appuie ensuite sur les traités latins que ces manuels citent en références, qui nous ont permis d’avoir accès à l’arrière-plan théorique, théologique, pastoral et philosophique sur lequel se fondait la pratique. Nous avons également comparé la structure procédurale des procès originaux aux relations de cause, ces rapports d’activité qui les résument où les inquisiteurs doivent justifier leurs décisions auprès de leurs supérieurs. Nous établissons grâce à cette double voie que la « cause de foi », qui est au cœur du travail inquisitorial, doit être formalisée à deux niveaux : d’une part une procédure judiciaire, qui commande la succession des opérations du procès ; d’autre part un niveau sous-jacent – moins visible pour un lecteur actuel, mais fortement articulé par l’appareil conceptuel décrit par les traités latins –, qui vise à produire, non pas une vérité judiciaire, comme le premier, mais une vérité pénitentielle. Le premier niveau est répressif, une fois le délit prouvé dans les formes judiciaires. Le second niveau est intégratif, ecclésiastique et non séculier ; il vise à réintégrer l’accusé au sein de l’Église catholique, même lorsque le délit d’hérésie est judiciairement établi. Les inquisiteurs jouaient sur ces deux niveaux avec souplesse, ce dont nous avions jusqu’ici du mal à rendre compte. Envisagé sous cet angle, le souci que l’Inquisition exprime sans cesse pour le bien-être spirituel de l’accusé ne peut plus être interprété comme simple hypocrisie. Le procès de foi inquisitorial, commandé par une double logique, est en équilibre instable, ce qui le rend particulièrement sensible aux choix personnels, en termes techniques à l’« arbitraire », des juges. Nous constatons qu’au fil du temps l’aspect pénitentiel prend de plus en plus d’importance au détriment de la logique purement judiciaire. De nombreux indices indiquent qu’une double logique de ce type commande également les procès criminels d’autres juridictions – un aspect dont la prise en compte éclairerait sans doute le fonctionnement global des institutions de résolution des conflits à l’époque moderne.
期刊介绍:
Fondée en 1929 par March Bloch et Lucien Febvre, les Annales illustrent, au-delà de ce prestigieux héritage, la recherche historique dans ce qu’elle a de plus innovant. Nouveaux domaines de la recherche et histoire comparée, ouverture sur les aires culturelles et réflexion épistémologique, signatures prestigieuses et jeunes historiens définissent l’esprit des Annales, revue d’histoire par excellence, dont le rayonnement est international. Au-delà de la discipline historique, les Annales jouent un rôle important dans le champ des sciences sociales et sont le lieu privilégié d"un dialogue raisonné entre les différentes sciences de l"homme.