{"title":"Au-delà des mots. Politique du silence et langage de la dissidence chez les Taisans anabaptistes du XVIe siècle","authors":"Marion Deschamp","doi":"10.4000/EPISTEME.1550","DOIUrl":null,"url":null,"abstract":"Dans cet article, nous tenterons de faire entendre le langage silencieux de la dissidence experimente par certains groupes anabaptistes dans l’Allemagne du XVIe siecle. Qualifes de « Taisans » (ou Schweiger, en allemand), ceux-ci declinaient tout commerce linguistique avec des membres exterieurs a leur communaute de foi, renoncant meme a saluer les gens dans la rue, en signe de desapprobation muette de leurs positions religieuses. Un concert de voix provenant aussi bien des rangs catholiques (Florimond de Raemond) que de ceux de la Reforme, magisterielle (Martin Bucer) ou radicale (Sebastian Franck, Caspar Schwenckfeld), s’eleva contre ces performances mutiques jugees antisociales et anti-chretiennes. Pourtant, la politique du silence choisie par les Taisans peut aussi etre comprise comme l’expression muette, mais doublement efficace, d’un acte de dissidence. La reticence volontaire a communiquer avec autrui ne permettait pas seulement de preserver la cohesion religieuse d’une communaute dont l’identite etait fondee sur l’exclusivisme religieux ; elle servait aussi a contourner les rapports de force linguistiques et les effets stigmatisant des designations utilisees par l’adversaire a leur encontre. Nous montrerons ainsi la maniere dont l’attitude de protestation muette adoptee par les Taisans a l’egard du monde pouvait tout a la fois fonctionner comme un signe de distinction sociale et comme l’indice de l’invention d’un nouvel ethos religieux.","PeriodicalId":40360,"journal":{"name":"Etudes Episteme","volume":" ","pages":""},"PeriodicalIF":0.1000,"publicationDate":"2017-06-26","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":"0","resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":null,"PeriodicalName":"Etudes Episteme","FirstCategoryId":"1085","ListUrlMain":"https://doi.org/10.4000/EPISTEME.1550","RegionNum":0,"RegionCategory":null,"ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":null,"EPubDate":"","PubModel":"","JCR":"0","JCRName":"HUMANITIES, MULTIDISCIPLINARY","Score":null,"Total":0}
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Abstract
Dans cet article, nous tenterons de faire entendre le langage silencieux de la dissidence experimente par certains groupes anabaptistes dans l’Allemagne du XVIe siecle. Qualifes de « Taisans » (ou Schweiger, en allemand), ceux-ci declinaient tout commerce linguistique avec des membres exterieurs a leur communaute de foi, renoncant meme a saluer les gens dans la rue, en signe de desapprobation muette de leurs positions religieuses. Un concert de voix provenant aussi bien des rangs catholiques (Florimond de Raemond) que de ceux de la Reforme, magisterielle (Martin Bucer) ou radicale (Sebastian Franck, Caspar Schwenckfeld), s’eleva contre ces performances mutiques jugees antisociales et anti-chretiennes. Pourtant, la politique du silence choisie par les Taisans peut aussi etre comprise comme l’expression muette, mais doublement efficace, d’un acte de dissidence. La reticence volontaire a communiquer avec autrui ne permettait pas seulement de preserver la cohesion religieuse d’une communaute dont l’identite etait fondee sur l’exclusivisme religieux ; elle servait aussi a contourner les rapports de force linguistiques et les effets stigmatisant des designations utilisees par l’adversaire a leur encontre. Nous montrerons ainsi la maniere dont l’attitude de protestation muette adoptee par les Taisans a l’egard du monde pouvait tout a la fois fonctionner comme un signe de distinction sociale et comme l’indice de l’invention d’un nouvel ethos religieux.