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Abstract
La curiosite anatomique favorise, a la Renaissance, une nouvelle visibilite du corps par la representation de son ouverture. Figure visible cachant les secrets du vivant, le corps comme mirabilia suscite la libido sciendi : on ouvre pour voir et pour savoir. D’ou l’importance du recours a l’illustration gravee : il s’agit d’y mettre en image ce qui n’a encore jamais ete vu, de « lever le voile », dans une rhetorique de l’evidentia qui valorise le geste de la monstration. Mais cette dynamique de curiosite scientifique ne parvient pas a neutraliser le pouvoir d’inquietude de l’image du corps anatomise, qui, en mettant en scene la dimension materielle de l’enveloppe charnelle, la renvoie a son neant, faisant de la lecon d’anatomie un embleme de la vanite humaine. Dans les traites, ecorches sans visage, squelettes melancoliques y suggerent le retour au neant et a l’indifferencie. Par la, l’illustration anatomique semble renvoyer toute entreprise scientifique a sa vanite, au profit d’un effet de sideration ou de fascination : l’entreprise de vouloir faire de l’image du corps un outil epistemologique efficace semble achopper. C’est cette copresence de la curiosite et de la vanite qui expliquerait « l’inquietante etrangete » de ces gravures et leur impossible neutralite. On verra par contraste que l’imagerie chretienne parvient, a la meme epoque, a substituer a cette vaine curiosite une « curiosite devote », en exhibant le corps ouvert du Christ. Dans l’ouvrage de Paleotti, Esplicatione del sacro lenzuolo (1598), le saint Suaire est percu comme une contre-anatomie, car la dynamique de curiosite suppose cette fois la deconstruction premiere du corps et la contemplation d’une absence, suggerant ainsi que l’image ideale du corps c’est le corps sans le corps, figuration echappant au mimetique et donc a la vanite de l’image.