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Abstract
Dans son epitre liminaire au Theâtre du Monde (1552), le moraliste Pierre Boaistuau fait un eloge prolixe du desir irrepressible de connaissance pour mieux opposer la sobriete classique de la « mesure » a la « demesure » du style baroque. Sa retenue verbale lui sert au contraire a reaffirmer un conservatisme cosmique de monde clos autour d’une Terre fixe, promis a une ineluctable catastrophe cosmique. La seule connaissance a retenir apres la chute adamique est celle d’un moi infirme par quoi s’annonce l’anti-humanisme du Mespris de la vie (1594) de Chassignet ou le mepris de tout savoir humain du Nosce Teipsum (c. 1590) de Sir John Davies. Giordano Bruno au contraire choisit l’exuberance verbale et poetique pour ebranler les idees recues et opposer au militantisme de la « vanite » celui de la « curiosite », audace d’Icare moderne dans un univers infini ou le cosmos est structure comme un langage et tout est mouvement. La prolixite y est langage d’une liberte de l’esprit et langue de cette liberte, mais la forme restreinte du sonnet manieriste dit encore la realite mouvante et oxymore du monde. La quete d’une phenomenologie deductive de l’infini s’appuie sur la limitation des sens pour affirmer une pluralite de mondes illimitee, a opposer a la decouverte colonialiste et esclavagiste du « Nouveau Monde ». Cet heroisme poetique de la connaissance vaudra a ce premier philosophe des Lumieres de mourir sur le bucher de l’Inquisition en fevrier 1600.