Cet article propose une présentation du concept de « mythe personnel » développé par le psychologue américain D. McAdams. Très peu connu en France, ce concept offre un cadre interprétatif pour modéliser les ressources internes dont disposent les individus. Cela afin de faire face à une crise ou à une rupture dans l’histoire de vie. Issue de la psychologie du développement anglo-saxonne, ce concept prolonge les travaux liés aux histoires de vie, en y apportant des compléments relatifs aux affects, aux émotions et aux dimensions non-verbales de la construction de l’histoire des individus. La thèse défendue par McAdams est qu’en certaines occasions, lorsque l’histoire construite par un individu est ébranlée par de nouvelles expériences qui peuvent aller jusqu’à désorganiser la représentation des précédentes, l’individu peut faire appel dans sa mémoire à quelques mots isolés, à des images plus ou moins organisées par un thème, ou à des récits proches de sensations corporelles. Ces représentations peuvent unir leurs singularités pour donner à l’existence un sentiment d’unité. En organisant la mise en résonance de différents niveaux de souvenirs verbaux, affectifs et émotionnels, le mythe personnel constitue une modélisation du passé, des évènements présents et de la projection dans l’avenir. Il est ainsi une histoire qui continue à être révisée, ayant pour fonction d’alimenter la vie en significations, unité et finalités. En cela, dans une certaine mesure, la révision de son mythe personnel peut donner un autre sens à l’origine du changement ou du maintien d’une trajectoire de vie, en y apportant une cohérence symbolique globale. Pour illustrer les perspectives qu’ouvre ce concept, nous évoquerons tout particulièrement l’engagement d’une recherche sur la reconversion professionnelle des militaires, qui en voie de devenir des quidams, doivent déposer uniforme et arme, et abandonner leur statut de héros potentiel, au profit d’une vie professionnelle beaucoup plus ordinaire.
{"title":"Histoire et histoires : ajustement biographique et mythe personnel","authors":"Richard Solti","doi":"10.57086/strathese.270","DOIUrl":"https://doi.org/10.57086/strathese.270","url":null,"abstract":"Cet article propose une présentation du concept de « mythe personnel » développé par le psychologue américain D. McAdams. Très peu connu en France, ce concept offre un cadre interprétatif pour modéliser les ressources internes dont disposent les individus. Cela afin de faire face à une crise ou à une rupture dans l’histoire de vie. Issue de la psychologie du développement anglo-saxonne, ce concept prolonge les travaux liés aux histoires de vie, en y apportant des compléments relatifs aux affects, aux émotions et aux dimensions non-verbales de la construction de l’histoire des individus. La thèse défendue par McAdams est qu’en certaines occasions, lorsque l’histoire construite par un individu est ébranlée par de nouvelles expériences qui peuvent aller jusqu’à désorganiser la représentation des précédentes, l’individu peut faire appel dans sa mémoire à quelques mots isolés, à des images plus ou moins organisées par un thème, ou à des récits proches de sensations corporelles. Ces représentations peuvent unir leurs singularités pour donner à l’existence un sentiment d’unité. En organisant la mise en résonance de différents niveaux de souvenirs verbaux, affectifs et émotionnels, le mythe personnel constitue une modélisation du passé, des évènements présents et de la projection dans l’avenir. Il est ainsi une histoire qui continue à être révisée, ayant pour fonction d’alimenter la vie en significations, unité et finalités. En cela, dans une certaine mesure, la révision de son mythe personnel peut donner un autre sens à l’origine du changement ou du maintien d’une trajectoire de vie, en y apportant une cohérence symbolique globale. Pour illustrer les perspectives qu’ouvre ce concept, nous évoquerons tout particulièrement l’engagement d’une recherche sur la reconversion professionnelle des militaires, qui en voie de devenir des quidams, doivent déposer uniforme et arme, et abandonner leur statut de héros potentiel, au profit d’une vie professionnelle beaucoup plus ordinaire.","PeriodicalId":188005,"journal":{"name":"Relire Michel Foucault","volume":"12 1","pages":"0"},"PeriodicalIF":0.0,"publicationDate":"2022-07-21","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":null,"resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":"132066503","PeriodicalName":null,"FirstCategoryId":null,"ListUrlMain":null,"RegionNum":0,"RegionCategory":"","ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":"","EPubDate":null,"PubModel":null,"JCR":null,"JCRName":null,"Score":null,"Total":0}
Cet article propose une analytique foucaldienne du dispositif pénal contemporain et de l’objectif de réinsertion. Réinsérer le condamné consiste à dépasser la forme disciplinaire du pouvoir de punir. D’une part, la critique de la discipline, critique politique, théorique et sociologique, est déjà engagée dans la légitimation d’un nouveau dispositif pénal de réinsertion. D’autre part, la mise en place effective et la réalité pratique de la politique de réinsertion consistent en la promotion des peines alternatives à la prison, évitant ainsi l’archétype disciplinaire. Il serait trop simple de considérer notre époque comme celle d’une pénalité univoque de réhabilitation, l’accroissement du nombre de détenus et le durcissement sécuritaire des lois pénales le rappellent constamment. Il faut différencier la discipline telle que Foucault la caractérisait et les techniques sécuritaires du champ pénal. L’enjeu sécuritaire et l’enjeu de réinsertion semblent faire bloc contre la discipline, du moins s’en distinguent, formant ensemble un dispositif logique et cohérent de traitement de l’illégalisme contemporain. Lié à la gouvernementalité néolibérale dont Foucault avait perçu l’avènement, ce dispositif pénal trouve une fonction positive fondamentale de formation d’un sujet adéquat à notre système économique. La réinsertion consiste en la production d’un certain type de liberté qui brouille la distinction classique foucaldienne entre assujettissement et subjectivation. Ce texte caractérise le dispositif de contrôle général dans lequel s’inscrit la réinsertion des condamnés, pour n’en faire ni l’apologie ni le blâme, mais pour en ressaisir la logique gouvernementale à l’œuvre et en préciser les enjeux.
{"title":"La réinsertion : un dispositif post-disciplinaire","authors":"V. Fontaine","doi":"10.57086/strathese.216","DOIUrl":"https://doi.org/10.57086/strathese.216","url":null,"abstract":"Cet article propose une analytique foucaldienne du dispositif pénal contemporain et de l’objectif de réinsertion. Réinsérer le condamné consiste à dépasser la forme disciplinaire du pouvoir de punir. D’une part, la critique de la discipline, critique politique, théorique et sociologique, est déjà engagée dans la légitimation d’un nouveau dispositif pénal de réinsertion. D’autre part, la mise en place effective et la réalité pratique de la politique de réinsertion consistent en la promotion des peines alternatives à la prison, évitant ainsi l’archétype disciplinaire. Il serait trop simple de considérer notre époque comme celle d’une pénalité univoque de réhabilitation, l’accroissement du nombre de détenus et le durcissement sécuritaire des lois pénales le rappellent constamment. Il faut différencier la discipline telle que Foucault la caractérisait et les techniques sécuritaires du champ pénal. L’enjeu sécuritaire et l’enjeu de réinsertion semblent faire bloc contre la discipline, du moins s’en distinguent, formant ensemble un dispositif logique et cohérent de traitement de l’illégalisme contemporain. Lié à la gouvernementalité néolibérale dont Foucault avait perçu l’avènement, ce dispositif pénal trouve une fonction positive fondamentale de formation d’un sujet adéquat à notre système économique. La réinsertion consiste en la production d’un certain type de liberté qui brouille la distinction classique foucaldienne entre assujettissement et subjectivation. Ce texte caractérise le dispositif de contrôle général dans lequel s’inscrit la réinsertion des condamnés, pour n’en faire ni l’apologie ni le blâme, mais pour en ressaisir la logique gouvernementale à l’œuvre et en préciser les enjeux.","PeriodicalId":188005,"journal":{"name":"Relire Michel Foucault","volume":"1 1","pages":"0"},"PeriodicalIF":0.0,"publicationDate":"2022-07-21","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":null,"resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":"131539553","PeriodicalName":null,"FirstCategoryId":null,"ListUrlMain":null,"RegionNum":0,"RegionCategory":"","ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":"","EPubDate":null,"PubModel":null,"JCR":null,"JCRName":null,"Score":null,"Total":0}
Dans son cours au Collège de France publié en 2012, « Le gouvernement des vivants », Michel Foucault élabore la notion de « gouvernement par la vérité » en étudiant notamment la tragédie d’Œdipe qui lui pose le problème de la conjonction entre le pouvoir et le savoir, entre le gouvernement et la vérité que l’on sait. En partant des analyses de Foucault et du concept d’alèthurgie, on est frappé par la figure du gouverneur dans l’Émile ; il apparaît stricto sensu comme la condition de l’émergence de la vérité de la nature, de la vérité de ce qui convient aux êtres humains, de la vérité de ce que doit être leur éducation. Dans les termes de Foucault, le dire-vrai s’authentifie de sa vérité dans « cette identification entre celui qui parle et sa source, l’origine, la racine de la vérité ». Dans l’Émile, la vérité implique un sujet qui peut dire « je » et « moi-même » : c’est le gouverneur, dont la fonction est aléthurgique. Cet article analyse le processus de la transformation de celui qui a un pouvoir et qui devient celui qui sait, sans passer par le savoir lui-même. À la suite de Foucault, nous conceptualisons ce processus en termes d’alèthurgie, ce qui permet de poser le problème de l’exercice du pouvoir qui « implique quelque chose comme une tekhnê, comme un savoir, un savoir technique, un savoir-faire, qui autoriserait un apprentissage, un perfectionnement, des lois, des recettes, des manières de faire ».
{"title":"L’éducation comme acte alèthurgique dans Émile ou de l’éducation de Rousseau","authors":"V. Pérez","doi":"10.57086/strathese.246","DOIUrl":"https://doi.org/10.57086/strathese.246","url":null,"abstract":"Dans son cours au Collège de France publié en 2012, « Le gouvernement des vivants », Michel Foucault élabore la notion de « gouvernement par la vérité » en étudiant notamment la tragédie d’Œdipe qui lui pose le problème de la conjonction entre le pouvoir et le savoir, entre le gouvernement et la vérité que l’on sait. En partant des analyses de Foucault et du concept d’alèthurgie, on est frappé par la figure du gouverneur dans l’Émile ; il apparaît stricto sensu comme la condition de l’émergence de la vérité de la nature, de la vérité de ce qui convient aux êtres humains, de la vérité de ce que doit être leur éducation. Dans les termes de Foucault, le dire-vrai s’authentifie de sa vérité dans « cette identification entre celui qui parle et sa source, l’origine, la racine de la vérité ». Dans l’Émile, la vérité implique un sujet qui peut dire « je » et « moi-même » : c’est le gouverneur, dont la fonction est aléthurgique. Cet article analyse le processus de la transformation de celui qui a un pouvoir et qui devient celui qui sait, sans passer par le savoir lui-même. À la suite de Foucault, nous conceptualisons ce processus en termes d’alèthurgie, ce qui permet de poser le problème de l’exercice du pouvoir qui « implique quelque chose comme une tekhnê, comme un savoir, un savoir technique, un savoir-faire, qui autoriserait un apprentissage, un perfectionnement, des lois, des recettes, des manières de faire ».","PeriodicalId":188005,"journal":{"name":"Relire Michel Foucault","volume":"18 1","pages":"0"},"PeriodicalIF":0.0,"publicationDate":"2022-07-21","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":null,"resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":"134598614","PeriodicalName":null,"FirstCategoryId":null,"ListUrlMain":null,"RegionNum":0,"RegionCategory":"","ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":"","EPubDate":null,"PubModel":null,"JCR":null,"JCRName":null,"Score":null,"Total":0}
Depuis une vingtaine d’années, le nombre d’enfants nés avant terme n’a cessé d’augmenter en France et dans le monde. En France, il représente aujourd’hui 7 % des naissances. Or, l’augmentation de la prématurité est principalement liée aux nouvelles méthodes de procréation. Comment pouvons-nous penser ce paradoxe de la modernité ? Bien que l’Organisation Mondiale de la Santé situe la limite de réanimation à un terme de 22 semaines d’aménorrhées (SA) ou à un poids de 500 grammes, la majorité des centres français et européens ne réanime pas les bébés en dessous de 25 SA, en raison des risques très élevés de séquelles. Un bébé d’environ 22 centimètres et pesant 700 grammes peut donc être réanimé. Ladite « grande prématurité » nous plonge au cœur des questions éthiques que pose la réanimation néonatale. Les progrès de la science permettent de réanimer et de prendre en charge de plus en plus tôt un bébé. Mais qu’en est-il de la « réanimation » des rêveries maternelles, nécessaires à la construction d’un espace psychique fiable pour le bébé à venir, alors suspendues par le traumatisme de cette naissance prématurée ? Quels effets peuvent être repérés au niveau des processus psychiques inconscients chez ces femmes devenues mères « trop tôt » ? Quels peuvent être les impacts de cette prise en charge médicale et de ces longs mois d’hospitalisation dans la construction du processus de « maternalité » ? La blessure narcissique, le sentiment d’incompétence et de culpabilité de ces femmes de n’avoir pu mener leur grossesse à terme entrent alors en résonance avec l’illusion de maîtrise et de toute puissance de la science. Après avoir analysé comment la communauté scientifique et médicale tente de border le « réel » de la prématurité, nous essaierons d’entendre l’impact que peut avoir le discours médical sur le vécu psychique de femmes enceintes hospitalisées pour menace d’accouchement prématuré rencontrées dans un service de grossesses dites « à risques ». Enfin, quelques éléments théoriques seront amenés pour penser cette clinique.
{"title":"Les bébés dits « grands prématurés » sont-ils un symptôme de la modernité ?","authors":"C. Bréhat","doi":"10.57086/strathese.282","DOIUrl":"https://doi.org/10.57086/strathese.282","url":null,"abstract":"Depuis une vingtaine d’années, le nombre d’enfants nés avant terme n’a cessé d’augmenter en France et dans le monde. En France, il représente aujourd’hui 7 % des naissances. Or, l’augmentation de la prématurité est principalement liée aux nouvelles méthodes de procréation. Comment pouvons-nous penser ce paradoxe de la modernité ? Bien que l’Organisation Mondiale de la Santé situe la limite de réanimation à un terme de 22 semaines d’aménorrhées (SA) ou à un poids de 500 grammes, la majorité des centres français et européens ne réanime pas les bébés en dessous de 25 SA, en raison des risques très élevés de séquelles. Un bébé d’environ 22 centimètres et pesant 700 grammes peut donc être réanimé. Ladite « grande prématurité » nous plonge au cœur des questions éthiques que pose la réanimation néonatale. Les progrès de la science permettent de réanimer et de prendre en charge de plus en plus tôt un bébé. Mais qu’en est-il de la « réanimation » des rêveries maternelles, nécessaires à la construction d’un espace psychique fiable pour le bébé à venir, alors suspendues par le traumatisme de cette naissance prématurée ? Quels effets peuvent être repérés au niveau des processus psychiques inconscients chez ces femmes devenues mères « trop tôt » ? Quels peuvent être les impacts de cette prise en charge médicale et de ces longs mois d’hospitalisation dans la construction du processus de « maternalité » ? La blessure narcissique, le sentiment d’incompétence et de culpabilité de ces femmes de n’avoir pu mener leur grossesse à terme entrent alors en résonance avec l’illusion de maîtrise et de toute puissance de la science. Après avoir analysé comment la communauté scientifique et médicale tente de border le « réel » de la prématurité, nous essaierons d’entendre l’impact que peut avoir le discours médical sur le vécu psychique de femmes enceintes hospitalisées pour menace d’accouchement prématuré rencontrées dans un service de grossesses dites « à risques ». Enfin, quelques éléments théoriques seront amenés pour penser cette clinique.","PeriodicalId":188005,"journal":{"name":"Relire Michel Foucault","volume":"142 1","pages":"0"},"PeriodicalIF":0.0,"publicationDate":"2022-07-21","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":null,"resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":"116561781","PeriodicalName":null,"FirstCategoryId":null,"ListUrlMain":null,"RegionNum":0,"RegionCategory":"","ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":"","EPubDate":null,"PubModel":null,"JCR":null,"JCRName":null,"Score":null,"Total":0}
L’aveu – adressé à un prêtre, à un psychologue ou à la personne que nous aimons – est l’objet central de cette relecture de Foucault dans la perspective d’une œuvre fondée sur la résistance. Au lieu de comprendre en un sens fataliste que nous sommes condamnés à être des « bêtes d’aveu », nous montrons que l’aveu, s’il suppose toujours la soumission à un certain pouvoir, est inséparablement l’occasion du surgissement d’un contre-pouvoir. Trois temps scandent cette étude : d’abord, l’importance de l’aveu dans l’histoire de la subjectivité occidentale, en suivant ses filiations généalogiques depuis la Grèce antique. Depuis l’aveu coupable d’Œdipe, notre subjectivité passe par le filtre sévère de l’aveu. Ensuite, une analyse de l’aveu, plus logique qu’historique, avec quatre concepts : le sujet, le pouvoir, le discours et la vérité. L’aveu est important chez Foucault car il tisse subtilement le discours de vérité, les relations de pouvoir et le sujet au statut complexe. Enfin, quelques pistes dégagent le sens des résistances possibles à l’aveu, dans le prolongement ou non des écrits de Foucault, mettant en lumière le caractère stratégique et non fataliste de l’aveu : la forme par laquelle je deviens un sujet m’incline fortement à la sujétion mais, indissociablement, elle me permet d’affirmer ma liberté dans un effort de subjectivation. Pourquoi et comment résister aux exigences protéiformes de l’aveu ?
{"title":"Aveu et résistance","authors":"M. Fontaine","doi":"10.57086/strathese.230","DOIUrl":"https://doi.org/10.57086/strathese.230","url":null,"abstract":"L’aveu – adressé à un prêtre, à un psychologue ou à la personne que nous aimons – est l’objet central de cette relecture de Foucault dans la perspective d’une œuvre fondée sur la résistance. Au lieu de comprendre en un sens fataliste que nous sommes condamnés à être des « bêtes d’aveu », nous montrons que l’aveu, s’il suppose toujours la soumission à un certain pouvoir, est inséparablement l’occasion du surgissement d’un contre-pouvoir. Trois temps scandent cette étude : d’abord, l’importance de l’aveu dans l’histoire de la subjectivité occidentale, en suivant ses filiations généalogiques depuis la Grèce antique. Depuis l’aveu coupable d’Œdipe, notre subjectivité passe par le filtre sévère de l’aveu. Ensuite, une analyse de l’aveu, plus logique qu’historique, avec quatre concepts : le sujet, le pouvoir, le discours et la vérité. L’aveu est important chez Foucault car il tisse subtilement le discours de vérité, les relations de pouvoir et le sujet au statut complexe. Enfin, quelques pistes dégagent le sens des résistances possibles à l’aveu, dans le prolongement ou non des écrits de Foucault, mettant en lumière le caractère stratégique et non fataliste de l’aveu : la forme par laquelle je deviens un sujet m’incline fortement à la sujétion mais, indissociablement, elle me permet d’affirmer ma liberté dans un effort de subjectivation. Pourquoi et comment résister aux exigences protéiformes de l’aveu ?","PeriodicalId":188005,"journal":{"name":"Relire Michel Foucault","volume":"4 1","pages":"0"},"PeriodicalIF":0.0,"publicationDate":"2022-07-21","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":null,"resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":"125471621","PeriodicalName":null,"FirstCategoryId":null,"ListUrlMain":null,"RegionNum":0,"RegionCategory":"","ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":"","EPubDate":null,"PubModel":null,"JCR":null,"JCRName":null,"Score":null,"Total":0}
Au printemps 1984, peu avant sa disparition, Foucault autorisa la publication d’une conférence de 1967, intitulée Des espaces autres, dans laquelle il conceptualise l’hétérotopie : une « utopie concrète » répondant à l’épistémè de notre époque réaliste et sérieuse, reléguant l’utopie au statut de rêverie simpliste. Mais cette définition de l’hétérotopie est en quelque sorte hétérosémique. À la première lecture, les hétérotopies sont tantôt des anti-utopies, tantôt des utopies. Je veux lire (ou relire) l’œuvre de Foucault comme une contre-utopie utopique et non comme une anti-utopie. On pourrait objecter que cette relecture forcée trahit la pensée foucaldienne, dystopique et non contre-utopique. Pourtant, à la lumière de son interprétation de Was ist Aufklärung de Kant et de sa lecture non-actuelle des lanternes cyniques antiques (achevée en 1984), je veux essayer de relire « Des espaces autres » non comme une hétérosémie imprécise mais comme une navigation vers la transformation du pessimisme caricaturalement prêté à Foucault en un courage de la vérité enthousiaste sortant les hommes de leur état de minorité. Cette relecture de la pessimiste hétérotopie en scandale volontaire contre-hétérotopique est une invitation créatrice au dire-vrai cynique laissant tout voir et tout entendre et apportant ses Lumières.
{"title":"1984, Foucault, Contre-hétérotopie","authors":"Olivier Crocitti","doi":"10.57086/strathese.256","DOIUrl":"https://doi.org/10.57086/strathese.256","url":null,"abstract":"Au printemps 1984, peu avant sa disparition, Foucault autorisa la publication d’une conférence de 1967, intitulée Des espaces autres, dans laquelle il conceptualise l’hétérotopie : une « utopie concrète » répondant à l’épistémè de notre époque réaliste et sérieuse, reléguant l’utopie au statut de rêverie simpliste. Mais cette définition de l’hétérotopie est en quelque sorte hétérosémique. À la première lecture, les hétérotopies sont tantôt des anti-utopies, tantôt des utopies. Je veux lire (ou relire) l’œuvre de Foucault comme une contre-utopie utopique et non comme une anti-utopie. On pourrait objecter que cette relecture forcée trahit la pensée foucaldienne, dystopique et non contre-utopique. Pourtant, à la lumière de son interprétation de Was ist Aufklärung de Kant et de sa lecture non-actuelle des lanternes cyniques antiques (achevée en 1984), je veux essayer de relire « Des espaces autres » non comme une hétérosémie imprécise mais comme une navigation vers la transformation du pessimisme caricaturalement prêté à Foucault en un courage de la vérité enthousiaste sortant les hommes de leur état de minorité. Cette relecture de la pessimiste hétérotopie en scandale volontaire contre-hétérotopique est une invitation créatrice au dire-vrai cynique laissant tout voir et tout entendre et apportant ses Lumières.","PeriodicalId":188005,"journal":{"name":"Relire Michel Foucault","volume":"2 1","pages":"0"},"PeriodicalIF":0.0,"publicationDate":"2022-07-21","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":null,"resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":"131319103","PeriodicalName":null,"FirstCategoryId":null,"ListUrlMain":null,"RegionNum":0,"RegionCategory":"","ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":"","EPubDate":null,"PubModel":null,"JCR":null,"JCRName":null,"Score":null,"Total":0}
Pensant le rapport entre théorie et pratique, l’approche foucaldienne est irrémédiablement liée à une situation actuelle et elle saisit les figures de résistance aux différents caractères du savoir ou du pouvoir. Le sujet est englobé dans les effets de la société, mais il a la possibilité de réagir librement à partir de ces conditionnements. L’image d’une liberté est inévitablement présente dans cette pratique d’engagement, image non liée à un idéal mais une contre-conduite qui engage une résistance. Foucault développe cinq types de pratiques qui sont des formes multiples et diverses de la résistance : (1) La littérature apprend comment transgresser les totalisations d’un discours. (2) « L’intellectuel spécifique » a la tâche de réagir aux rapports existants entre savoir et pouvoir. (3) Le philosophe mène une contre-conduite pour dévoiler les exagérations du pouvoir dans le contexte qui le concerne. (4) « L’éthique minimale » du sujet qui contourne les jeux de vérité et affirme sa subjectivité en s’inventant lui-même, dans un rapport permanent aux relations de pouvoir. (5) Dans ses travaux tardifs, Foucault rend également possible une « autre » pratique philosophique, liée à la pratique.
{"title":"Penser la résistance avec Foucault","authors":"Kaveh Dastoreh","doi":"10.57086/strathese.240","DOIUrl":"https://doi.org/10.57086/strathese.240","url":null,"abstract":"Pensant le rapport entre théorie et pratique, l’approche foucaldienne est irrémédiablement liée à une situation actuelle et elle saisit les figures de résistance aux différents caractères du savoir ou du pouvoir. Le sujet est englobé dans les effets de la société, mais il a la possibilité de réagir librement à partir de ces conditionnements. L’image d’une liberté est inévitablement présente dans cette pratique d’engagement, image non liée à un idéal mais une contre-conduite qui engage une résistance. Foucault développe cinq types de pratiques qui sont des formes multiples et diverses de la résistance : (1) La littérature apprend comment transgresser les totalisations d’un discours. (2) « L’intellectuel spécifique » a la tâche de réagir aux rapports existants entre savoir et pouvoir. (3) Le philosophe mène une contre-conduite pour dévoiler les exagérations du pouvoir dans le contexte qui le concerne. (4) « L’éthique minimale » du sujet qui contourne les jeux de vérité et affirme sa subjectivité en s’inventant lui-même, dans un rapport permanent aux relations de pouvoir. (5) Dans ses travaux tardifs, Foucault rend également possible une « autre » pratique philosophique, liée à la pratique.","PeriodicalId":188005,"journal":{"name":"Relire Michel Foucault","volume":"1 1","pages":"0"},"PeriodicalIF":0.0,"publicationDate":"2021-11-09","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":null,"resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":"130541598","PeriodicalName":null,"FirstCategoryId":null,"ListUrlMain":null,"RegionNum":0,"RegionCategory":"","ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":"","EPubDate":null,"PubModel":null,"JCR":null,"JCRName":null,"Score":null,"Total":0}
L’article suivant est le résultat d’une première partie de notre travail de thèse qui porte sur la maltraitance des enfants et la transmission de la fonction paternelle. Nous nous intéressons plus particulièrement aux situations de maltraitances des enfants inscrits dans des familles où ces situations se sont répétées de génération en génération. Nous avons réalisé une étude bibliographique et une série d’entretiens semi-directifs avec trois familles accueillies par l’Institut Colombien de bien-être familial (ICBF) de la ville de Salamina et cinq professionnels de ce même institut. De cette analyse, il ressort que certains éléments de la représentation du père depuis la formation historique de la Colombie se perpétuent encore aujourd’hui, dont notamment l’image d’un père autoritaire, voire terrorisant, et non digne de confiance. Nous partageons nos réflexions et questions concernant la relation entre les fonctions et caractéristiques attribuées au père depuis l’époque de la colonisation et la représentation du père qui se dégage de nos entretiens.
{"title":"La représentation sociale du père en Colombie","authors":"J. Andres, Quintero Gaviria","doi":"10.57086/strathese.294","DOIUrl":"https://doi.org/10.57086/strathese.294","url":null,"abstract":"L’article suivant est le résultat d’une première partie de notre travail de thèse qui porte sur la maltraitance des enfants et la transmission de la fonction paternelle. Nous nous intéressons plus particulièrement aux situations de maltraitances des enfants inscrits dans des familles où ces situations se sont répétées de génération en génération. Nous avons réalisé une étude bibliographique et une série d’entretiens semi-directifs avec trois familles accueillies par l’Institut Colombien de bien-être familial (ICBF) de la ville de Salamina et cinq professionnels de ce même institut. De cette analyse, il ressort que certains éléments de la représentation du père depuis la formation historique de la Colombie se perpétuent encore aujourd’hui, dont notamment l’image d’un père autoritaire, voire terrorisant, et non digne de confiance. Nous partageons nos réflexions et questions concernant la relation entre les fonctions et caractéristiques attribuées au père depuis l’époque de la colonisation et la représentation du père qui se dégage de nos entretiens.","PeriodicalId":188005,"journal":{"name":"Relire Michel Foucault","volume":"8 1","pages":"0"},"PeriodicalIF":0.0,"publicationDate":"2021-11-09","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":null,"resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":"121338545","PeriodicalName":null,"FirstCategoryId":null,"ListUrlMain":null,"RegionNum":0,"RegionCategory":"","ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":"","EPubDate":null,"PubModel":null,"JCR":null,"JCRName":null,"Score":null,"Total":0}