En France, au Brésil ou à Cuba, la mise à l’agenda de la promesse de la « transition agroécologique » a suivi des trajectoires différentes. Son opérationnalisation épouse toutefois une forme commune, celles des projets (appels à projets, projets de développement, projets de recherche). Alors que les politiques agricoles productivistes continuent de drainer la grande majorité des ressources financières et institutionnelles, ce recours aux projets permet la mise en scène du volontarisme des États en matière de verdissement de leur secteur agricole et entretient le récit d’une « transition agroécologique » en train d’advenir. Le choix privilégié de cet instrument d’action publique ne conduit pas à sortir l’agroécologie de sa marginalité par son inscription au sein de politiques de transition agricole, mais il tend plutôt à institutionnaliser sa marginalisation. Bénéficiant avant tout à des acteurs intermédiaires chargés de faire le lien entre financeurs et mondes agricoles, sélectionnant un nombre réduit d’agriculteurs ou d’agricultrices exemplaires ; les projets agroécologiques financent davantage des mises en réseaux que des changements de pratiques dans les exploitations.
{"title":"L’agroécologie en projets. Comment s’institutionnalise la marginalisation de la « transition agricole » en France, au Brésil et à Cuba","authors":"Marie Aureille, Jeanne Pahun, Sébastien Carcelle","doi":"10.3917/pox.144.0177","DOIUrl":"https://doi.org/10.3917/pox.144.0177","url":null,"abstract":"En France, au Brésil ou à Cuba, la mise à l’agenda de la promesse de la « transition agroécologique » a suivi des trajectoires différentes. Son opérationnalisation épouse toutefois une forme commune, celles des projets (appels à projets, projets de développement, projets de recherche). Alors que les politiques agricoles productivistes continuent de drainer la grande majorité des ressources financières et institutionnelles, ce recours aux projets permet la mise en scène du volontarisme des États en matière de verdissement de leur secteur agricole et entretient le récit d’une « transition agroécologique » en train d’advenir. Le choix privilégié de cet instrument d’action publique ne conduit pas à sortir l’agroécologie de sa marginalité par son inscription au sein de politiques de transition agricole, mais il tend plutôt à institutionnaliser sa marginalisation. Bénéficiant avant tout à des acteurs intermédiaires chargés de faire le lien entre financeurs et mondes agricoles, sélectionnant un nombre réduit d’agriculteurs ou d’agricultrices exemplaires ; les projets agroécologiques financent davantage des mises en réseaux que des changements de pratiques dans les exploitations.","PeriodicalId":45578,"journal":{"name":"Politix","volume":null,"pages":null},"PeriodicalIF":0.2,"publicationDate":"2024-06-10","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":null,"resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":"141362436","PeriodicalName":null,"FirstCategoryId":null,"ListUrlMain":null,"RegionNum":4,"RegionCategory":"社会学","ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":"","EPubDate":null,"PubModel":null,"JCR":null,"JCRName":null,"Score":null,"Total":0}
{"title":"Levesque (Julien), Pour une autre idée du Pakistan. Nationalisme et construction identitaire dans le Sindh , Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2022, 315 pages.","authors":"G. Beaud","doi":"10.3917/pox.144.0203","DOIUrl":"https://doi.org/10.3917/pox.144.0203","url":null,"abstract":"","PeriodicalId":45578,"journal":{"name":"Politix","volume":null,"pages":null},"PeriodicalIF":0.2,"publicationDate":"2024-06-10","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":null,"resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":"141361575","PeriodicalName":null,"FirstCategoryId":null,"ListUrlMain":null,"RegionNum":4,"RegionCategory":"社会学","ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":"","EPubDate":null,"PubModel":null,"JCR":null,"JCRName":null,"Score":null,"Total":0}
{"title":"Henry (Emmanuel), La fabrique des non-problèmes. Ou comment éviter que la politique s’en mêle , Paris, Presses de Sciences Po, 2021, 174 pages.","authors":"Victor Villain","doi":"10.3917/pox.144.0213","DOIUrl":"https://doi.org/10.3917/pox.144.0213","url":null,"abstract":"","PeriodicalId":45578,"journal":{"name":"Politix","volume":null,"pages":null},"PeriodicalIF":0.2,"publicationDate":"2024-06-10","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":null,"resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":"141363032","PeriodicalName":null,"FirstCategoryId":null,"ListUrlMain":null,"RegionNum":4,"RegionCategory":"社会学","ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":"","EPubDate":null,"PubModel":null,"JCR":null,"JCRName":null,"Score":null,"Total":0}
Face à la crise climatique, l’injonction à agir urgemment n’a jamais été aussi présente, mais contraste avec la forte inertie des politiques écologiques. Ce numéro de Politix prend le parti d’adopter une approche de sociologie générale et de sciences sociales du politique qui consiste à reconnaître la dimension particulièrement agonistique de la fabrique des politiques écologiques, tant dans l’espace social en général que dans les champs politique, bureaucratique et économique ou dans l’espace des mouvements sociaux et environnementaux. L’inertie des politiques écologiques est dès lors appréhendée à la fois comme le produit de structures sociales de domination et comme le vecteur de leur reproduction. Les groupes et acteurs sociaux qui occupent au sein de ces structures des positions dominantes sont parvenus non pas à rejeter les injonctions environnementales, mais à les rendre compatibles avec la préservation de leurs positions dominantes. Participant de différentes manières à la (re)définition et à la mise en œuvre de politiques écologiques, ces acteurs participent à dessiner les contours d’une question environnementale qui s’impose sans modifier en profondeur l’état des rapports sociaux.
{"title":"La transition écologique à l’épreuve des sciences sociales du politique","authors":"F. Nicolas, Gabriel Montrieux, Aïcha Bourad","doi":"10.3917/pox.144.0009","DOIUrl":"https://doi.org/10.3917/pox.144.0009","url":null,"abstract":"Face à la crise climatique, l’injonction à agir urgemment n’a jamais été aussi présente, mais contraste avec la forte inertie des politiques écologiques. Ce numéro de Politix prend le parti d’adopter une approche de sociologie générale et de sciences sociales du politique qui consiste à reconnaître la dimension particulièrement agonistique de la fabrique des politiques écologiques, tant dans l’espace social en général que dans les champs politique, bureaucratique et économique ou dans l’espace des mouvements sociaux et environnementaux. L’inertie des politiques écologiques est dès lors appréhendée à la fois comme le produit de structures sociales de domination et comme le vecteur de leur reproduction. Les groupes et acteurs sociaux qui occupent au sein de ces structures des positions dominantes sont parvenus non pas à rejeter les injonctions environnementales, mais à les rendre compatibles avec la préservation de leurs positions dominantes. Participant de différentes manières à la (re)définition et à la mise en œuvre de politiques écologiques, ces acteurs participent à dessiner les contours d’une question environnementale qui s’impose sans modifier en profondeur l’état des rapports sociaux.","PeriodicalId":45578,"journal":{"name":"Politix","volume":null,"pages":null},"PeriodicalIF":0.2,"publicationDate":"2024-06-10","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":null,"resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":"141361443","PeriodicalName":null,"FirstCategoryId":null,"ListUrlMain":null,"RegionNum":4,"RegionCategory":"社会学","ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":"","EPubDate":null,"PubModel":null,"JCR":null,"JCRName":null,"Score":null,"Total":0}
Cet article interroge la signification politique des discours contre la complexité des normes environnementales en agriculture : quel rapport esquissent-ils à l’objectif de transition ? Il mobilise pour cela la sociologie du travail administratif, des réceptions et des policy feedback de l’action publique. Analysant le cas de la Politique agricole commune, il montre que les discours sur la paperasse correspondent à un rapport ambigu, nuancé et collectivement structuré des agriculteurs à l’action publique environnementale. Les critiques de la bureaucratisation reposent plus précisément sur deux principes moraux structurants : la responsabilité et le réalisme. Dans les deux cas, les discours et les croyances qui les sous-tendent n’aboutissent pas systématiquement à une inertie environnementale ou à une délégitimation complète des programmes publics : ils peuvent aussi signifier une reconnaissance, voire un attachement aux objectifs affichés. Le cas des agriculteurs permet ainsi de discuter certains résultats des travaux sur la place du travail administratif dans les mécanismes de légitimation de l’action publique.
{"title":"Les agriculteurs et la légitimation des politiques de transition : une approche par les discours sur la paperasse","authors":"Blandine Mesnel","doi":"10.3917/pox.144.0125","DOIUrl":"https://doi.org/10.3917/pox.144.0125","url":null,"abstract":"Cet article interroge la signification politique des discours contre la complexité des normes environnementales en agriculture : quel rapport esquissent-ils à l’objectif de transition ? Il mobilise pour cela la sociologie du travail administratif, des réceptions et des policy feedback de l’action publique. Analysant le cas de la Politique agricole commune, il montre que les discours sur la paperasse correspondent à un rapport ambigu, nuancé et collectivement structuré des agriculteurs à l’action publique environnementale. Les critiques de la bureaucratisation reposent plus précisément sur deux principes moraux structurants : la responsabilité et le réalisme. Dans les deux cas, les discours et les croyances qui les sous-tendent n’aboutissent pas systématiquement à une inertie environnementale ou à une délégitimation complète des programmes publics : ils peuvent aussi signifier une reconnaissance, voire un attachement aux objectifs affichés. Le cas des agriculteurs permet ainsi de discuter certains résultats des travaux sur la place du travail administratif dans les mécanismes de légitimation de l’action publique.","PeriodicalId":45578,"journal":{"name":"Politix","volume":null,"pages":null},"PeriodicalIF":0.2,"publicationDate":"2024-06-10","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":null,"resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":"141366315","PeriodicalName":null,"FirstCategoryId":null,"ListUrlMain":null,"RegionNum":4,"RegionCategory":"社会学","ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":"","EPubDate":null,"PubModel":null,"JCR":null,"JCRName":null,"Score":null,"Total":0}
Si l’écologisation des expériences bourgeoises du monde prend des tournures différentes en haut à gauche et en haut à droite de l’espace social, elle se heurte de part et d’autre à l’inertie des styles de vie et se révèle fuyante. Les membres de la bourgeoisie culturelle regrettent ce désajustement entre leur volontarisme écologique et sa traduction pratique, quand celles et ceux du pôle économique l’assument comme une expression de leur pragmatisme. Dans les deux cas, ces écologisations jugées imparfaites favorisent la formation, l’activation et l’actualisation d’une disposition réformatrice qui atteste la proximité idéologique de ces deux fractions de classe par-delà leurs styles de vie contrastés. Fondé sur une analyse couplant quarante-quatre entretiens approfondis et 1984 questionnaires, cet article cherche donc à comprendre comment l’intégration morale de la bourgeoisie résiste à la dispersion des idées et pratiques écologiques de ses membres. Il montre qu’au sein des classes dominantes, les conditions sociales ne sont pas réunies pour faire de la question environnementale un marqueur statutaire à même de convertir ces différences d’attitude en concurrence entre leurs fractions. Ces conditions apparaissent en revanche aux marges de la petite bourgeoisie où la disposition réformatrice devient moins centrale dès lors que les formes de sociabilité et de politisation portent plus souvent à faire de l’écologie un enjeu de placement et de classement social.
{"title":"Dégoût de l’excessif et production de l’écologie dominante","authors":"Jean-Baptiste Comby","doi":"10.3917/pox.144.0037","DOIUrl":"https://doi.org/10.3917/pox.144.0037","url":null,"abstract":"Si l’écologisation des expériences bourgeoises du monde prend des tournures différentes en haut à gauche et en haut à droite de l’espace social, elle se heurte de part et d’autre à l’inertie des styles de vie et se révèle fuyante. Les membres de la bourgeoisie culturelle regrettent ce désajustement entre leur volontarisme écologique et sa traduction pratique, quand celles et ceux du pôle économique l’assument comme une expression de leur pragmatisme. Dans les deux cas, ces écologisations jugées imparfaites favorisent la formation, l’activation et l’actualisation d’une disposition réformatrice qui atteste la proximité idéologique de ces deux fractions de classe par-delà leurs styles de vie contrastés. Fondé sur une analyse couplant quarante-quatre entretiens approfondis et 1984 questionnaires, cet article cherche donc à comprendre comment l’intégration morale de la bourgeoisie résiste à la dispersion des idées et pratiques écologiques de ses membres. Il montre qu’au sein des classes dominantes, les conditions sociales ne sont pas réunies pour faire de la question environnementale un marqueur statutaire à même de convertir ces différences d’attitude en concurrence entre leurs fractions. Ces conditions apparaissent en revanche aux marges de la petite bourgeoisie où la disposition réformatrice devient moins centrale dès lors que les formes de sociabilité et de politisation portent plus souvent à faire de l’écologie un enjeu de placement et de classement social.","PeriodicalId":45578,"journal":{"name":"Politix","volume":null,"pages":null},"PeriodicalIF":0.2,"publicationDate":"2024-06-10","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":null,"resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":"141363464","PeriodicalName":null,"FirstCategoryId":null,"ListUrlMain":null,"RegionNum":4,"RegionCategory":"社会学","ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":"","EPubDate":null,"PubModel":null,"JCR":null,"JCRName":null,"Score":null,"Total":0}
Le texte explore la stigmatisation des modes de vie ruraux comme « antiécologiques », notamment à travers la mobilisation des Gilets jaunes. Bien qu’initialement critiqués pour leur opposition à la taxe carbone, les Gilets jaunes expriment un sentiment d’injustice plus large envers une fiscalité écologique perçue comme inéquitable. Ils partagent des attitudes favorables à la protection de l’environnement, tout en se méfiant des discours moralisateurs de l’écologie dominante et ses injonctions.Un réseau de distribution de fruits et légumes créé par un collectif de Gilets jaunes apparaît comme un lieu d’observation des sensibilités variées envers l’écologie. L’article met en lumière la diversité des modes de contestation de l’écologie institutionnelle, l’appropriation différenciée de l’enjeu écologique et la responsabilisation d’autres acteurs dans les dégradations environnementales. Face à une image statique des frontières de classe, les Gilets jaunes proches du pôle diplômé des classes moyennes adoptent le « vivre avec moins » et expérimentent des conversions écologiques relativement radicales. Les Gilets jaunes appartenant aux classes populaires relisent par ailleurs leur style de vie sobre comme écologique et peuvent s’aligner à des pratiques de consommation engagée.
{"title":"« Nous à la campagne, l’écologie, on la connaît ». Contestations et appropriations des injonctions environnementales par des Gilets jaunes ruraux","authors":"Aldo Rubert","doi":"10.3917/pox.144.0067","DOIUrl":"https://doi.org/10.3917/pox.144.0067","url":null,"abstract":"Le texte explore la stigmatisation des modes de vie ruraux comme « antiécologiques », notamment à travers la mobilisation des Gilets jaunes. Bien qu’initialement critiqués pour leur opposition à la taxe carbone, les Gilets jaunes expriment un sentiment d’injustice plus large envers une fiscalité écologique perçue comme inéquitable. Ils partagent des attitudes favorables à la protection de l’environnement, tout en se méfiant des discours moralisateurs de l’écologie dominante et ses injonctions.Un réseau de distribution de fruits et légumes créé par un collectif de Gilets jaunes apparaît comme un lieu d’observation des sensibilités variées envers l’écologie. L’article met en lumière la diversité des modes de contestation de l’écologie institutionnelle, l’appropriation différenciée de l’enjeu écologique et la responsabilisation d’autres acteurs dans les dégradations environnementales. Face à une image statique des frontières de classe, les Gilets jaunes proches du pôle diplômé des classes moyennes adoptent le « vivre avec moins » et expérimentent des conversions écologiques relativement radicales. Les Gilets jaunes appartenant aux classes populaires relisent par ailleurs leur style de vie sobre comme écologique et peuvent s’aligner à des pratiques de consommation engagée.","PeriodicalId":45578,"journal":{"name":"Politix","volume":null,"pages":null},"PeriodicalIF":0.2,"publicationDate":"2024-06-10","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":null,"resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":"141361324","PeriodicalName":null,"FirstCategoryId":null,"ListUrlMain":null,"RegionNum":4,"RegionCategory":"社会学","ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":"","EPubDate":null,"PubModel":null,"JCR":null,"JCRName":null,"Score":null,"Total":0}