Supposons que nous acceptions les principes de liberté et d’égalité, et que nous croyions que la morale politique doit être sensible aux aspirations des individus, c’est-à-dire à ce à quoi ils tiennent et donnent de la valeur, sans présupposer de la supériorité de telle ou telle de leurs différentes conceptions du bien : que devrions-nous penser de la légitimité ( permessibility ) du legs et de l’héritage ? Cet article soutient que dans le cadre de ces contraintes, nous pouvons justifier un dispositif d’« héritage uniforme ». Celui-ci autorise l’héritage jusqu’à un niveau correspondant à l’aspiration du parent moyen de léguer à ses enfants, et oblige tous les parents à léguer à leurs enfants à ce niveau afin de maintenir l’égalité dans la génération suivante. L’héritage uniforme est justifié si l’on suppose que la plupart des individus préfèrent avoir l’opportunité de léguer à leurs enfants, tout en protégeant l’égalité entre les enfants.
{"title":"Uniform Inheritance: The Argument from Liberal Neutrality","authors":"Paul Bou-Habib, S. Olsaretti","doi":"10.3917/rai.092.0069","DOIUrl":"https://doi.org/10.3917/rai.092.0069","url":null,"abstract":"Supposons que nous acceptions les principes de liberté et d’égalité, et que nous croyions que la morale politique doit être sensible aux aspirations des individus, c’est-à-dire à ce à quoi ils tiennent et donnent de la valeur, sans présupposer de la supériorité de telle ou telle de leurs différentes conceptions du bien : que devrions-nous penser de la légitimité ( permessibility ) du legs et de l’héritage ? Cet article soutient que dans le cadre de ces contraintes, nous pouvons justifier un dispositif d’« héritage uniforme ». Celui-ci autorise l’héritage jusqu’à un niveau correspondant à l’aspiration du parent moyen de léguer à ses enfants, et oblige tous les parents à léguer à leurs enfants à ce niveau afin de maintenir l’égalité dans la génération suivante. L’héritage uniforme est justifié si l’on suppose que la plupart des individus préfèrent avoir l’opportunité de léguer à leurs enfants, tout en protégeant l’égalité entre les enfants.","PeriodicalId":35193,"journal":{"name":"Raisons Politiques","volume":"66 6","pages":""},"PeriodicalIF":0.0,"publicationDate":"2024-01-04","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":null,"resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":"140513937","PeriodicalName":null,"FirstCategoryId":null,"ListUrlMain":null,"RegionNum":0,"RegionCategory":"","ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":"","EPubDate":null,"PubModel":null,"JCR":null,"JCRName":null,"Score":null,"Total":0}
L’héritage est une source majeure d’inégalité, et il est prouvé que plus une société est inégalitaire, moins elle sera favorable à l’idée de le taxer. Cela semble s’expliquer en partie par l’importance de l’héritage pour les valeurs familiales. Mais pour la plupart des égalitaristes, les valeurs familiales ne sont pas suffisamment convaincantes pour justifier des flux d’héritage illimités, en raison de la nécessité de préserver l’égalité des chances. Dans cet article, j’examine comment la réciprocité peut éclairer les objections classiques à l’imposition de l’héritage. Pour ce faire, j’explique comment les obligations réciproques au sein des familles contribuent à nourrir les valeurs familiales de continuité et d’appartenance, et dans quelle mesure l’acte rituel de l’héritage constitue un mécanisme important à cet égard. Cependant, je soutiens que l’argument en faveur de l’héritage reposant sur les obligations réciproques au sein des familles est limité par des obligations réciproques similaires avec les concitoyens, à savoir les obligations de partager les charges et les bénéfices, mais aussi de distribuer uniformément un droit de léguer. Enfin, dans les contextes de forte concentration de la richesse et des revenus, les obligations réciproques envers les concitoyens me semblent devoir justifier un taux d’imposition sur les successions plus exigeant.
{"title":"Reciprocity and Family Values","authors":"Catarina Neves","doi":"10.3917/rai.092.0027","DOIUrl":"https://doi.org/10.3917/rai.092.0027","url":null,"abstract":"L’héritage est une source majeure d’inégalité, et il est prouvé que plus une société est inégalitaire, moins elle sera favorable à l’idée de le taxer. Cela semble s’expliquer en partie par l’importance de l’héritage pour les valeurs familiales. Mais pour la plupart des égalitaristes, les valeurs familiales ne sont pas suffisamment convaincantes pour justifier des flux d’héritage illimités, en raison de la nécessité de préserver l’égalité des chances. Dans cet article, j’examine comment la réciprocité peut éclairer les objections classiques à l’imposition de l’héritage. Pour ce faire, j’explique comment les obligations réciproques au sein des familles contribuent à nourrir les valeurs familiales de continuité et d’appartenance, et dans quelle mesure l’acte rituel de l’héritage constitue un mécanisme important à cet égard. Cependant, je soutiens que l’argument en faveur de l’héritage reposant sur les obligations réciproques au sein des familles est limité par des obligations réciproques similaires avec les concitoyens, à savoir les obligations de partager les charges et les bénéfices, mais aussi de distribuer uniformément un droit de léguer. Enfin, dans les contextes de forte concentration de la richesse et des revenus, les obligations réciproques envers les concitoyens me semblent devoir justifier un taux d’imposition sur les successions plus exigeant.","PeriodicalId":35193,"journal":{"name":"Raisons Politiques","volume":"27 3","pages":""},"PeriodicalIF":0.0,"publicationDate":"2024-01-04","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":null,"resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":"140513928","PeriodicalName":null,"FirstCategoryId":null,"ListUrlMain":null,"RegionNum":0,"RegionCategory":"","ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":"","EPubDate":null,"PubModel":null,"JCR":null,"JCRName":null,"Score":null,"Total":0}
{"title":"Taxation des héritages, égalité et valeurs familiales","authors":"M. Bastin, A. Gosseries","doi":"10.3917/rai.092.0015","DOIUrl":"https://doi.org/10.3917/rai.092.0015","url":null,"abstract":"","PeriodicalId":35193,"journal":{"name":"Raisons Politiques","volume":"68 1","pages":""},"PeriodicalIF":0.0,"publicationDate":"2024-01-04","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":null,"resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":"140514004","PeriodicalName":null,"FirstCategoryId":null,"ListUrlMain":null,"RegionNum":0,"RegionCategory":"","ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":"","EPubDate":null,"PubModel":null,"JCR":null,"JCRName":null,"Score":null,"Total":0}
La parution de Public Reason and Diversity , une anthologie d’articles de Gerald Gaus par Kevin Vallier, est une excellente occasion pour présenter la philosophie de cet auteur, décédé en août 2020, à un public français. Le travail de Gaus se situe dans une continuité critique des positions de John Rawls. Gaus défend qu’il faut prendre en compte une diversité évaluative, et donc des conceptions du politique, plus extensive que ce que Rawls accepte. Cela entraîne Gaus à reconfigure la philosophie politique comme une étude de la justification de règles politiques au sein de sociétés caractérisées par une profonde diversité axiologique. Cette diversité, loin de n’être qu’un obstacle – comme cela est généralement considéré au sein de la tradition contractualiste – peut également être une ressource pour découvrir de nouvelles informations et améliorer nos conceptions de la justice. Cet article présente les contributions majeures de Gaus ainsi que les problèmes qu’il a participé à mettre en lumière, comme la gouvernance d’ordres complexe et le fédéralisme polycentrique.
凯文-瓦利埃(Kevin Vallier)编辑的杰拉尔德-高斯(Gerald Gaus)文章选集《公共理性与多样性》(Public Reason and Diversity)的出版,为向法国读者介绍这位于2020年8月去世的作家的哲学思想提供了一个极好的机会。高斯的著作是约翰-罗尔斯立场的批判性延续。高斯认为,有必要考虑到评价的多样性,从而考虑到比罗尔斯所接受的更为广泛的政治概念。这导致高斯将政治哲学重构为一门研究政治规则在具有深刻公理多样性特征的社会中的合理性的学问。这种多样性不仅仅是一种障碍--契约主义传统一般认为是障碍--还可以成为发现新信息和改进我们的正义观念的资源。本文介绍了高斯的主要贡献以及他所帮助强调的问题,如复杂秩序的治理和多中心联邦制。
{"title":"Libéralisme, diversité, complexité et raison publique : la contribution de Gerald Gaus à la philosophie politique","authors":"Nathanael Colin-Jaeger","doi":"10.3917/rai.092.0085","DOIUrl":"https://doi.org/10.3917/rai.092.0085","url":null,"abstract":"La parution de Public Reason and Diversity , une anthologie d’articles de Gerald Gaus par Kevin Vallier, est une excellente occasion pour présenter la philosophie de cet auteur, décédé en août 2020, à un public français. Le travail de Gaus se situe dans une continuité critique des positions de John Rawls. Gaus défend qu’il faut prendre en compte une diversité évaluative, et donc des conceptions du politique, plus extensive que ce que Rawls accepte. Cela entraîne Gaus à reconfigure la philosophie politique comme une étude de la justification de règles politiques au sein de sociétés caractérisées par une profonde diversité axiologique. Cette diversité, loin de n’être qu’un obstacle – comme cela est généralement considéré au sein de la tradition contractualiste – peut également être une ressource pour découvrir de nouvelles informations et améliorer nos conceptions de la justice. Cet article présente les contributions majeures de Gaus ainsi que les problèmes qu’il a participé à mettre en lumière, comme la gouvernance d’ordres complexe et le fédéralisme polycentrique.","PeriodicalId":35193,"journal":{"name":"Raisons Politiques","volume":"15 1","pages":""},"PeriodicalIF":0.0,"publicationDate":"2024-01-04","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":null,"resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":"140514119","PeriodicalName":null,"FirstCategoryId":null,"ListUrlMain":null,"RegionNum":0,"RegionCategory":"","ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":"","EPubDate":null,"PubModel":null,"JCR":null,"JCRName":null,"Score":null,"Total":0}
La lecture commune et croisée des réflexions de Theodor Adorno et de Lewis Mumford révèle, chez chacun d’eux, une association à première vue surprenante. Leurs théories mêlent, en effet, un horizon émancipateur associé à un pessimisme théorique. Loin de dissoudre leurs charges réciproques, cette association entre pessimisme et émancipation en renouvelle au contraire leur signification critique. À travers l’exploration des pensées adornienne et mumfordienne, il s’agit ainsi d’exprimer cette reformulation et de démontrer toute sa pertinence pour (re)penser l’émancipation. Ce faisant, cet article entend aussi mettre en lumière l’existence d’une constellation philosophique méconnue, à laquelle se rattache nos deux protagonistes, celle des « sentinelles de la modernité ».
{"title":"Pessimisme et émancipation","authors":"C. Rodier","doi":"10.3917/rai.091.0109","DOIUrl":"https://doi.org/10.3917/rai.091.0109","url":null,"abstract":"La lecture commune et croisée des réflexions de Theodor Adorno et de Lewis Mumford révèle, chez chacun d’eux, une association à première vue surprenante. Leurs théories mêlent, en effet, un horizon émancipateur associé à un pessimisme théorique. Loin de dissoudre leurs charges réciproques, cette association entre pessimisme et émancipation en renouvelle au contraire leur signification critique. À travers l’exploration des pensées adornienne et mumfordienne, il s’agit ainsi d’exprimer cette reformulation et de démontrer toute sa pertinence pour (re)penser l’émancipation. Ce faisant, cet article entend aussi mettre en lumière l’existence d’une constellation philosophique méconnue, à laquelle se rattache nos deux protagonistes, celle des « sentinelles de la modernité ».","PeriodicalId":35193,"journal":{"name":"Raisons Politiques","volume":"23 12","pages":""},"PeriodicalIF":0.0,"publicationDate":"2023-11-16","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":null,"resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":"139269540","PeriodicalName":null,"FirstCategoryId":null,"ListUrlMain":null,"RegionNum":0,"RegionCategory":"","ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":"","EPubDate":null,"PubModel":null,"JCR":null,"JCRName":null,"Score":null,"Total":0}
La notion d’anthropocène suscite des interprétations variables et contradictoires. Certaines lectures annoncent l’avénement d’un « âge de l’homme ». D’autres comprennent l’anthropocène comme un point de rupture géologique qui requiert une réinvention politique pour assurer la prise en compte des non-humains dans nos sociétés. Ainsi comprise, cette notion devient porteuse d’une injonction au changement. Dans le cadre de cet article, il s’agira de prendre cette injonction au sérieux en l’investissant comme une occasion pour mettre à l’épreuve l’une des thèses centrales de Claude Lefort : celle d’une « indétermination » de nos démocraties modernes qui feraient d’elles des sociétés capables de se réinventer dans une ouverture et une disponibilité constantes aux turbulences historiques. Cette interrogation sera conduite en prêtant attention à une métamorphose politico-juridique qui s’accomplit actuellement, hors des frontières de la modernité démocratique occidentale, sous la forme d’une consécration des droits de la nature.
{"title":"L’indétermination démocratique à l’épreuve de l’anthropocène","authors":"Lauriane Guillout","doi":"10.3917/rai.091.0077","DOIUrl":"https://doi.org/10.3917/rai.091.0077","url":null,"abstract":"La notion d’anthropocène suscite des interprétations variables et contradictoires. Certaines lectures annoncent l’avénement d’un « âge de l’homme ». D’autres comprennent l’anthropocène comme un point de rupture géologique qui requiert une réinvention politique pour assurer la prise en compte des non-humains dans nos sociétés. Ainsi comprise, cette notion devient porteuse d’une injonction au changement. Dans le cadre de cet article, il s’agira de prendre cette injonction au sérieux en l’investissant comme une occasion pour mettre à l’épreuve l’une des thèses centrales de Claude Lefort : celle d’une « indétermination » de nos démocraties modernes qui feraient d’elles des sociétés capables de se réinventer dans une ouverture et une disponibilité constantes aux turbulences historiques. Cette interrogation sera conduite en prêtant attention à une métamorphose politico-juridique qui s’accomplit actuellement, hors des frontières de la modernité démocratique occidentale, sous la forme d’une consécration des droits de la nature.","PeriodicalId":35193,"journal":{"name":"Raisons Politiques","volume":"21 4","pages":""},"PeriodicalIF":0.0,"publicationDate":"2023-11-16","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":null,"resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":"139267289","PeriodicalName":null,"FirstCategoryId":null,"ListUrlMain":null,"RegionNum":0,"RegionCategory":"","ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":"","EPubDate":null,"PubModel":null,"JCR":null,"JCRName":null,"Score":null,"Total":0}
Dans sa conférence Marc Bloch, Claude Lefort pense la société démocratique dans sa fragilité et sa fécondité, à l’aune de l’histoire occidentale et de l’actualité des années 2000. La fécondité démocratique est constituée par l’acceptation de la division sociale et la création d’un espace public : Claude Lefort reprend ici des thèmes qui lui sont chers à travers une réflexion sur le processus historique d’urbanisation. La fragilité démocratique, quant à elle, est pensée dans le contexte de la crise des banlieues en France : à ce niveau, c’est la corruption des mœurs démocratiques et les inégalités sociales qui indiquent une lésion du tissu social.
{"title":"Fragilité et fécondité des démocraties","authors":"C. Lefort","doi":"10.3917/rai.091.0051","DOIUrl":"https://doi.org/10.3917/rai.091.0051","url":null,"abstract":"Dans sa conférence Marc Bloch, Claude Lefort pense la société démocratique dans sa fragilité et sa fécondité, à l’aune de l’histoire occidentale et de l’actualité des années 2000. La fécondité démocratique est constituée par l’acceptation de la division sociale et la création d’un espace public : Claude Lefort reprend ici des thèmes qui lui sont chers à travers une réflexion sur le processus historique d’urbanisation. La fragilité démocratique, quant à elle, est pensée dans le contexte de la crise des banlieues en France : à ce niveau, c’est la corruption des mœurs démocratiques et les inégalités sociales qui indiquent une lésion du tissu social.","PeriodicalId":35193,"journal":{"name":"Raisons Politiques","volume":"50 12","pages":""},"PeriodicalIF":0.0,"publicationDate":"2023-11-16","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":null,"resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":"139269037","PeriodicalName":null,"FirstCategoryId":null,"ListUrlMain":null,"RegionNum":0,"RegionCategory":"","ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":"","EPubDate":null,"PubModel":null,"JCR":null,"JCRName":null,"Score":null,"Total":0}
« Fragilité et fécondité des démocraties » : tel fut le titre de la dernière conférence que donna Claude Lefort à la Sorbonne en juin 2009. Les remarques rassemblées dans ce texte ont été suscitées par l’écoute, puis par la (re)lecture et la publication de cette grande conférence. Ce sujet fut pour Claude Lefort, des décennies durant, inépuisable. Il s’y confronta par des lectures d’une incomparable ampleur, en même temps qu’au prix d’âpres confrontations avec les situations politiques en cours. Dans notre dangereux « temps présent » (pour reprendre le titre du dernier recueil publié de son vivant), le « travail » de pensée politique de Claude Lefort nous est – et restera – indispensable.
{"title":"La dernière prise de parole de Claude Lefort","authors":"C. Mouchard","doi":"10.3917/rai.091.0043","DOIUrl":"https://doi.org/10.3917/rai.091.0043","url":null,"abstract":"« Fragilité et fécondité des démocraties » : tel fut le titre de la dernière conférence que donna Claude Lefort à la Sorbonne en juin 2009. Les remarques rassemblées dans ce texte ont été suscitées par l’écoute, puis par la (re)lecture et la publication de cette grande conférence. Ce sujet fut pour Claude Lefort, des décennies durant, inépuisable. Il s’y confronta par des lectures d’une incomparable ampleur, en même temps qu’au prix d’âpres confrontations avec les situations politiques en cours. Dans notre dangereux « temps présent » (pour reprendre le titre du dernier recueil publié de son vivant), le « travail » de pensée politique de Claude Lefort nous est – et restera – indispensable.","PeriodicalId":35193,"journal":{"name":"Raisons Politiques","volume":"6 4","pages":""},"PeriodicalIF":0.0,"publicationDate":"2023-11-16","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":null,"resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":"139267824","PeriodicalName":null,"FirstCategoryId":null,"ListUrlMain":null,"RegionNum":0,"RegionCategory":"","ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":"","EPubDate":null,"PubModel":null,"JCR":null,"JCRName":null,"Score":null,"Total":0}
En partant de la définition de la démocratie de Claude Lefort comme « institutionnalisation du conflit », l’article se propose de montrer la fécondité d’une approche du politique et du droit en termes de « constitution matérielle », un concept qui fait aujourd’hui l’objet d’un réinvestissement remarquable en théorie du droit. Contre le constitutionnalisme libéral et le normativisme kelsénien, il s’agit de montrer que la forme d’une constitution (monarchie, aristocratie ou démocratie) est indissociable de la matérialité des conflits qui la traversent, c’est-à-dire du jeu toujours ouvert entre les trois pôles de pouvoir que sont le pouvoir politique, le pouvoir propriétaire et le pouvoir social (chez Machiavel : le prince, les grands et le peuple). On montrera ainsi que toute constitution est une constitution « mixte » qui distribue le pouvoir de manière variable entre chacun de ces trois pôles, qui réalise l’équilibre (toujours instable) des corps sociaux et politiques, entre « pouvoir de fait » et « pouvoir légitime ». Comme chez Claude Lefort, le but est de repenser la démocratie en opérant un déplacement par rapport aux doctrines de la souveraineté populaire (inspirées de Rousseau), d’un côté, et aux théories libérales de l’État de droit (héritières de Locke), d’un autre côté.
{"title":"La constitution matérielle de la démocratie","authors":"Édouard Delruelle","doi":"10.3917/rai.091.0093","DOIUrl":"https://doi.org/10.3917/rai.091.0093","url":null,"abstract":"En partant de la définition de la démocratie de Claude Lefort comme « institutionnalisation du conflit », l’article se propose de montrer la fécondité d’une approche du politique et du droit en termes de « constitution matérielle », un concept qui fait aujourd’hui l’objet d’un réinvestissement remarquable en théorie du droit. Contre le constitutionnalisme libéral et le normativisme kelsénien, il s’agit de montrer que la forme d’une constitution (monarchie, aristocratie ou démocratie) est indissociable de la matérialité des conflits qui la traversent, c’est-à-dire du jeu toujours ouvert entre les trois pôles de pouvoir que sont le pouvoir politique, le pouvoir propriétaire et le pouvoir social (chez Machiavel : le prince, les grands et le peuple). On montrera ainsi que toute constitution est une constitution « mixte » qui distribue le pouvoir de manière variable entre chacun de ces trois pôles, qui réalise l’équilibre (toujours instable) des corps sociaux et politiques, entre « pouvoir de fait » et « pouvoir légitime ». Comme chez Claude Lefort, le but est de repenser la démocratie en opérant un déplacement par rapport aux doctrines de la souveraineté populaire (inspirées de Rousseau), d’un côté, et aux théories libérales de l’État de droit (héritières de Locke), d’un autre côté.","PeriodicalId":35193,"journal":{"name":"Raisons Politiques","volume":"30 2","pages":""},"PeriodicalIF":0.0,"publicationDate":"2023-11-16","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":null,"resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":"139268580","PeriodicalName":null,"FirstCategoryId":null,"ListUrlMain":null,"RegionNum":0,"RegionCategory":"","ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":"","EPubDate":null,"PubModel":null,"JCR":null,"JCRName":null,"Score":null,"Total":0}
La lecture lefortienne du Discours de la servitude volontaire , publiée en 1976 au sein d’une influente réédition de ce classique de l’humanisme, représente une contribution majeure, tant du point de vue du corpus lefortien que de la littérature sur Étienne de La Boétie. En s’inspirant de la pratique herméneutique développée par Claude Lefort, cet article étudie d’abord la manière dont l’œuvre est travaillée par sa réception depuis le 16 e siècle, jusqu’au point d’inflexion des années 1960-1970, qui représente un véritable « moment laboétien », marqué par la profusion des appropriations antagoniques du texte et du concept de La Boétie. Après avoir situé le travail de Lefort au sein de ce moment de crise politico-théorique et dans son propre itinéraire de pensée, il s’agit ensuite de rendre compte de la singularité de la lecture de Lefort. C’est à travers son attention au langage philosophique de La Boétie que l’interprète nous permet de penser, au-delà des actualisations incessantes du texte et des écueils de la tradition interprétative, l’inactualité persistante de ce classique de la pensée politique humaniste.
{"title":"Le moment laboétien de Claude Lefort","authors":"Emmanuel Charreau","doi":"10.3917/rai.091.0025","DOIUrl":"https://doi.org/10.3917/rai.091.0025","url":null,"abstract":"La lecture lefortienne du Discours de la servitude volontaire , publiée en 1976 au sein d’une influente réédition de ce classique de l’humanisme, représente une contribution majeure, tant du point de vue du corpus lefortien que de la littérature sur Étienne de La Boétie. En s’inspirant de la pratique herméneutique développée par Claude Lefort, cet article étudie d’abord la manière dont l’œuvre est travaillée par sa réception depuis le 16 e siècle, jusqu’au point d’inflexion des années 1960-1970, qui représente un véritable « moment laboétien », marqué par la profusion des appropriations antagoniques du texte et du concept de La Boétie. Après avoir situé le travail de Lefort au sein de ce moment de crise politico-théorique et dans son propre itinéraire de pensée, il s’agit ensuite de rendre compte de la singularité de la lecture de Lefort. C’est à travers son attention au langage philosophique de La Boétie que l’interprète nous permet de penser, au-delà des actualisations incessantes du texte et des écueils de la tradition interprétative, l’inactualité persistante de ce classique de la pensée politique humaniste.","PeriodicalId":35193,"journal":{"name":"Raisons Politiques","volume":"35 5","pages":""},"PeriodicalIF":0.0,"publicationDate":"2023-11-16","publicationTypes":"Journal Article","fieldsOfStudy":null,"isOpenAccess":false,"openAccessPdf":"","citationCount":null,"resultStr":null,"platform":"Semanticscholar","paperid":"139267382","PeriodicalName":null,"FirstCategoryId":null,"ListUrlMain":null,"RegionNum":0,"RegionCategory":"","ArticlePicture":[],"TitleCN":null,"AbstractTextCN":null,"PMCID":"","EPubDate":null,"PubModel":null,"JCR":null,"JCRName":null,"Score":null,"Total":0}