Les travailleurs des services à la personne sont particulièrement exposés aux risques psychosociaux. Le rapport de l’Assurance Maladie de 2022 montre que les affections psychiques liées au travail, en augmentation sur les années 2017–2019, se concentrent sur le secteur médicosocial à hauteur de 25 %. Pour tenter d’y faire face, des structures ont innové en transformant leur organisation. De nombreux services d’aide à domicile ont adopté un modèle d’autonomisation, dont celui appelé « Buurtzorg ». Il vise la création d’équipes autonomes et le délaissement du système hiérarchique classique. Or, la question se pose de savoir si ce système d’équipes autogérées facilite l’activité et accroît l’épanouissement au travail, ou au contraire, accentue les risques psychosociaux. L’étude psycho-ergonomique longitudinale présentée a tenté d’y répondre.
La méthodologie repose sur des analyses de l’organisation d’un service d’aide à domicile en transformation, à partir d’entretiens et d’observations. Des analyses de l’activité de 7 membres d’équipes ont eu lieu, aux domiciles et en réunion, et celle d’un responsable de secteur dont la mission a évolué vers du coaching. En tout, 26 entretiens ont été réalisés, ainsi que 17 observations dont 11 enregistrées en vidéo.
Les résultats ont montré que la transformation avait suscité une forte motivation et de vifs espoirs chez les salariés, l’autonomie étant perçue comme une solution face aux difficultés rencontrées : turn-over, sinistralité et absentéisme élevés. Cette transformation a favorisé l’activité, notamment grâce à des prises de décision nécessitant moins d’intermédiaires, et une gestion individuelle et collective des risques mieux maîtrisée. Puis sont apparus progressivement des craintes et du stress, dus à la surcharge de travail inhérente à l’acquisition des nouvelles compétences et assurer les nouveaux rôles, à une sur-responsabilisation et à une surcharge de travail collaboratif. Cette organisation a généré plus de tensions et de pression au sein des équipes. Des frustrations sont nées avec l’insatisfaction des attentes de reconnaissance en lien avec l’accroissement des efforts fournis et une perte de sens pour le coach.
Cette étude montre les apports de la transformation comme les facteurs de risques psychosociaux associés. L’autonomisation motive, mais nécessite du temps et de l’investissement, une reconnaissance accrue, une confiance et des responsabilités partagées. Ceci constitue un gage pour éviter la désillusion, le contrôle excessif par les pairs, le désengagement et l’épuisement. Des points de vigilance ont été soulignés pour aider à la mise en œuvre d’une prévention des risques psychosociaux qui soit adaptée aux situations de transformation.